Édition du 17 décembre 2024

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Inventaire. « Un président ne devrait pas faire ça ! »

tiré du journal Humanité Dimanche, du 19 au 25 janvier 2017

C’est le titre de l’ouvrage que vient de publier la Fondation Copernic. Derrière le clin d’œil au livre d’entretiens intitulé « Un président ne devrait pas dire ça... », il dresse un bilan sévère mais solidement argumenté de ce « quinquennat de droite ». Plus d’une vingtaine de contributeurs balaient les différents aspects de l’action de François Hollande.

Faire le bilan de l’action gouvernementale, comme le dernier ouvrage la fondation Copernic, est toujours difficile parce que, selon la formule devenue tristement célèbre de l’ancien premier ministre socialiste Lionel Jospin, « l’État ne peut pas tout ». L’État peut aussi se donner les moyens de peser sur la réalité et c’est de ce point de vue qu’il faut interroger le positionnement de François Hollande. On revient souvent sur une autre formule fameuse : « Mon adversaire c’est la finance » – comme exemple typique d’une promesse non tenue. Mais François Hollande avait assez clairement énoncé les grandes lignes de son économie politique.

L’austérité européenne

Elle repose fondamentalement sur deux princips. D’abord un keynésianisme bas de gamme : pour créer des emplois, il faut de la croissance, la question de la répartition des revenus est subordonnée. Ensuite, une acceptation sans faille des critères budgétaires européens (déficit public n’excédant pas 3 % du PIB, déficit structurel, c’est-à-dire hors dépenses inhabituelles, ne dépassant pas 0,5 % du PIB). La faute majeure de François Hollande aura sans doute été de ne pas remettre en cause la logique de l’austérité européenne : il était pourtant en position de construire une alliance avec les pays du sud de l’Europe et d’affirmer la nécessité de renégocier les traités ou au moins leur mise en œuvre.

La stratégie de Hollande était fondée sur une politique de simulacre : je fais semblant de me plier – mais pas trop – à la discipline budgétaire européenne et j’attends la reprise qui viendra d’ailleurs et qui me permettra, à moindres frais, de gagner mon pari politique sur l’inversion de la courbe du chômage. À la racine de l’échec de Hollande, il y a donc une triple erreur d’appréciation : sur l’ampleur de la crise, sur ses rythmes et sur les nouvelles caractéristiques économiques de la période.

L’image cruelle du « capitaine de pédalo » était finalement assez juste : la stratégie opportuniste de Hollande aurait été assez habile en temps normal, mais elle n’a pas fonctionné pas gros vent. Du coup, un peu panique, la politique gouvernementale a glissé assez brusquement vers une politique d’offre, avec la mise en place du CICE (crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi), puis avec le pacte de responsabilité, « fondée sur la baisse du coût du travail pour relancer la croissance et l’emploi » comme le présente le site officiel du gouvernement. Au niveau européen, la France ne s’est pas contentée d’avaliser le TSCG (traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance), elle n’a pas pu complètement éviter l’austérité budgétaire. Et elle s’est aussi distinguée en faisant obstacle à une régulation bancaire un peu ambitieuse et en sabotant le projet de taxe Tobin sur les transactions financières. Si l’on on ajoute à cela les lois Macron, Rebsamen et El Khomri, on peut parler de défaite idéologique et politique em rase campagne.

L’ouvrage la Fondation Copernic détaille ces glissements progressifs qui conduisent à un ralliement total au dogme néolibéral dans le domaine économique et social, mais aussi à un tournant néoconservateur, voire identitaire, sur la terrain des libertés et des mœurs. C’est donc une lecture indispensable en cette période de campagne électorale. Elle conduit à cette conclusion : pour se matérialiser, un projet de transformation sociale doit introduire des points de rupture irréversibles, sinon il dérape et se met à dévaler inexorablement sur le toboggan néolibéral.

Dans la période ouverte par la crise, le degré de rupture nécessaire est plus élevé, parce qu’il faut remettre en cause les droits de tirage illégitimes sur la richesse accumulée avant la crise, et maîtriser réellement la finance.

Plutôt que sur la quête désespérée le sursaut de croissance ou sur la croyance magique dans les « réformes structurelles », une véritable alternative de gauche devrait donc reposer aujourd’hui sur une autre partage du travail et des richesses. Il passe par une nouvelle abolition des privilèges.

Michel Husson, économiste.

Michel Husson

Économiste, administrateur de l’ INSEE, chercheur à l’ IRES (Institut de recherches économiques et sociales), membre de la Fondation Copernic. Auteur entre autres, de "Les casseurs de l’ État social", La Découverte.

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