On oublie parfois que les États-Unis ont toujours été le théâtre de vastes mouvements populaires, de la gigantesque bataille des droits civiques, de l’opposition à la guerre au Vietnam, et d’innombrables mobilisations étudiantes, jeunes, écologistes. Ce peuple a de l’imagination, du courage. On sait se battre. Et parfois on sait comment gagner. Comme on l’a vu également avec le peuple Lakota (Dakota) qui a réussi à bloquer un méga projet de pipelines grâce à une coalition inédite entre autochtones, écolos, fermiers.
Les militants et les militantes de gauche un peu partout dans le monde sont toujours conscients de l’énormité de la job de confronter le mur des puissants. Il faut évidemment ne pas se raconter des histoires et surtout ne pas en raconter avec les gens en lutte. Quelquefois, on peut facilement dériver vers une sorte de fatalisme. On se dit, « il faut combattre, mais on ne gagnera jamais ». On peut parfois penser que l’histoire est « finie » et que le capitalisme a définitivement gagné.
C’est une discussion qui revient souvent, comme celle de la semaine passée où nous étions quelques milliers à se pencher sur ce qui se passe au Brésil au moment où la droite semble revenir en force, Bien sûr, la défaite catastrophique du Parti des travailleurs (PT) aux élections municipales cet automne, et qui faisait suite au coup d’état « constitutionnel » qui a exclu la présidente Dilma Roussef du pouvoir, a fait très mal. Depuis une quinzaine d’années, le PT avait coalisé plusieurs autres partis et mouvements. Le peuple avait confiance. Mais en bout de ligne, ce projet s’est enlisé et finalement, la droite en a profité. En discutant avec les camarades brésiliens, on se rend bien compte que ce n’est pas la fin du monde.
Certes, les confrontations sont un peu au ralenti, mais on sent que la sève monte. C’est justement pour cela que le présent gouvernement, qui n’est pas du tout certain de rester au pouvoir longtemps, essaie d’imposer des législations qui renvoient le pays à plusieurs dizaines d’années en arrière, notamment au niveau des politiques sociales, de l’éducation, de la santé, là où justement le gouvernement progressiste avait réalisé des avancées importantes.
La réalité est que les mouvements populaires, qui en fin de compte avaient mené les luttes desquelles le PT a émergé, restent encore militants et organisés.
C’est encore plus évident en Argentine, où grèves, occupations et blocages de routes ont recommencé de plus belle contre le gouvernement de droite, au point où celui-ci est obligé de reculer sur plusieurs de ses politiques antipopulaires.
Le paradoxe de la période actuelle est que la droite qui gagne des élections sous divers labels réactionnaires n’est pas plus forte qu’avant. Elle n’a pas la capacité de construire un projet hégémonique. Aux États-Unis, c’est ce qui est arrivé. Trump n’a pas gagné, sinon que par la tromperie d’un système électoral antidémocratique. De plus, beaucoup de monde n’ont pas voté, car ils considéraient qu’Hillary n’était pas une candidate pouvant faire la différence.
En attendant, il faut signer et persister. Le fait de dire « non » est très souvent un point de départ, même s’il faut aller plus loin, et essayer de construire un projet contre-hégémonique, ce qui est souvent périlleux. Ceux qui méprisent le droit de dire non méprisent le peuple.
Je vois dans les mobilisations en cours et récentes, au Québec comme aux États-Unis comme en Argentine et ailleurs, des étapes dans un chemin qui n’est jamais terminé.