Édition du 17 décembre 2024

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Asie

Il faut maintenir la pression sur le régime birman

En demandant le 28 février 2011 le maintien des sanctions économiques à l’égard du régime birman, Aung San Suu Kyi et sa Ligue nationale pour la démocratie (LND) auront clarifié leur position sur un sujet toujours au centre de nombreuses polémiques. Certains observateurs, prêtant à la figure de référence du mouvement démocratique birman leurs propres vues, avaient pourtant affirmé que cette dernière avait « changé d’avis » sur les sanctions.

En demandant le 28 février 2011 le maintien des sanctions économiques à l’égard du régime birman, Aung San Suu Kyi et sa Ligue nationale pour la démocratie (LND) auront clarifié leur position sur un sujet toujours au centre de nombreuses polémiques. Certains observateurs, prêtant à la figure de référence du mouvement démocratique birman leurs propres vues, avaient pourtant affirmé que cette dernière avait « changé d’avis » sur les sanctions.

A la source de cette erreur, une lecture hâtive de la lettre qu’Aung San Suu Kyi adressait à l’homme fort de la dictature birmane, Than Shwe, le 29 septembre 2009. Elle s’y disait prête à rencontrer le dirigeant de la junte afin de travailler avec lui à la levée des sanctions. Cette offre était assortie de conditions, visant à l’évidence à pousser le régime militaire à la table des négociations. Ainsi Aung San Suu Kyi précisait-elle qu’« afin de travailler efficacement à la levée des sanctions », il fallait d’abord étudier les éventuels dommages causés par celles-ci et les motivations des gouvernements à l’origine de ces dernières.

Quelques précisions auxquelles nombre d’observateurs ne souhaitèrent pas porter attention. Pour Aung San Suu Kyi et son parti, il ne saurait pourtant être question de lever les sanctions sans qu’un progrès significatif ait été accompli par le régime birman sur le plan politique. Une question légitime est cependant posée : les sanctions pénalisent-elles la population ?

Une évaluation a récemment été conduite par la LND et s’appuie notamment sur une étude du Fonds monétaire international. Se basant sur les conclusions de cette dernière, Aung San Suu Kyi déclarait que « la grande majorité des Birmans, qui travaille dans l’agriculture, n’est affectée en rien ». La mauvaise situation du pays s’expliquerait davantage par l’inaptitude de la junte en matière économique ainsi que par le « capitalisme de connivence » qui sévit en Birmanie.

Cette affirmation qu’Aung San Suu Kyi aurait évolué sur la question des sanctions n’était basée ni sur une lecture correcte de ses propos ni sur une étude de l’impact des sanctions sur la population civile. Pourquoi cette contre-vérité s’est-elle affirmé avec une telle force ?

Difficile d’abord de ne pas observer la façon dont l’opportunisme commercial revêt les atours du pragmatisme politique. Frustrés de voir des marchés leur échapper, des investisseurs occidentaux insistent sur le fait qu’exposer le régime birman aux standards éthiques de l’occident ne pourrait que favoriser l’évolution sociale et politique du pays. Les paysans birmans réduits au travail forcé au bénéfice de Total apprécieront. De même, on peut s’inquiéter des activités d’Alcatel-Lucent qui, par l’intermédiaire de l’une de ses filiales, aurait permis à la junte birmane de centraliser les moyens de communication électroniques du pays et partant de les surveiller voire de les censurer.

Outre ceux qui souhaitent l’ouverture des marchés birmans, certains observateurs défendent également l’idée que les sanctions seraient contre-productives. Non soutenues par les puissances asiatiques, ces dernières seraient incapables de faire peser sur la dictature une pression à même d’entraîner sa chute. Elles auraient en revanche pour conséquence de braquer le régime. La solution serait alors inverse : en finir avec toute pression sur la junte afin de ne pas compromettre les timides avancées en cours.

Beaucoup sont convaincus que les élections du 7 novembre 2010, farce démocratique s’il en est, constituent cependant un progrès. Une évolution de la structure du pouvoir est certes bien à l’œuvre en Birmanie. Cependant, cette évolution n’a pas pour but d’augurer une évolution démocratique mais de le faire croire. Faut-il penser que la mise en place – plutôt que l’élection – d’un nouveau parlement constitue une promesse d’ouverture dès lors que celui-ci est soumis au contrôle total d’un conseil militaire ? Aucun progrès tangible vers la démocratisation du pays n’étant encore survenu, Aung San Suu Kyi et la LND ont estimé que les conditions n’étaient pas réunies pour une levée des sanctions.

L’heure n’est pas venue de relâcher la pression sur le régime birman. En avril prochain, lors du renouvellement de la position commune européenne sur la Birmanie, la France devra appuyer le maintien et l’amélioration de la politique de sanctions économiques ciblées visant la dictature birmane. Elle doit aussi user de toutes ses ressources diplomatiques afin qu’émerge un consensus international sur la mise en place d’une commission d’enquête sur les crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis en Birmanie.

L’auteur est président d’Info Birmanie

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