Édition du 17 décembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Environnement

Il faudrait les écouter !

« Plus de 150 000 étudiants québécois avaient débrayé » pouvait-on lire dans le Soleil.[1] Les étudiants ont marché dans les rues de Montréal, Québec, Saguenay, Joliette, Rimouski, Baie-Comeau, Sherbrooke, Gaspé, Sept-Îles, alouette ! Chez nous comme partout à travers le monde,[2] des étudiants ont manifesté contre le manque d’actions pour combattre les dérèglements climatiques.

photo : Michel Pilon

Après tout, c’est leur avenir qui est en jeu ! Et pour souligner le sérieux de leur démarche, je n’ai pas entendu dire qu’il y avait eu des actions malheureuses par des casseurs comme on l’a vu dans le cas des « gilets jaunes » en France. Bravo pour une prise de parole impeccable !

La semence de cette action en faveur du climat a été semée au mois d’août lorsqu’une étudiante suédoise de 15 ans, Greta Thunberg, a décidé de « foxer » ses cours pour manifester devant le parlement de son pays chaque vendredi. Même si elle était seule au début, son action a attiré l’attention, à tel point qu’elle a été invitée à prendre la parole devant la COP 24. Sensibles à sa cause, 1,4 millions d’étudiants habitant 128 pays ont décidé de lui emboîter le pas en ce 15 mars. [3] Cette action éclatante nous rappelle ces vers célèbres du dramaturge Pierre Corneille : « Je suis jeune, il est vrai ; mais aux âmes bien nées, la valeur n’attend pas le nombre des années. »

Il faut que les jeunes mettent de la pression pour que les politiciens et les dirigeants de multinationales passent de la parole aux actes. Certes, les chefs politiques et les PDG parlent « vert » dans tous leurs discours, mais ils agissent « noir ». C’est de l’écoblanchiment (greenwashing) par les services de relations publiques à longueur de journée. Un exemple flagrant parmi des millions d’autres : comment le Premier ministre du Canada peut-il justifier l’achat du pipeline TransMountain, outil nécessaire pour le développement du pétrole « sale » des sables bitumineux, comme un moyen de passer à une économie carboneutre ? Comment le fait de produire plus de CO2 nous permettra-t-il de respecter l’accord de Paris et de restreindre le réchauffement climatique à 1,5, voire 2 degrés C ?

« Pourquoi étudier pour un avenir qui n’existera plus ? »[3] clament les étudiants de France. On parle de « Sauver la planète ! », mais la planète a survécu à cinq grandes extinctions des espèces... et elle continuera d’exister avec ou sans les êtres humains ! Serait-ce plutôt l’espèce humaine qu’il faut sauver ? Ou plus exactement l’avenir de cette jeunesse ? Des scientifiques sérieux comme Elizabeth Kolbert nous affirment que la 6e grande extinction des espèces a débuté.[4] Ce processus d’extinction, c’est l’incendie dans notre demeure ! Pour composer avec cette urgence, le Premier ministre a deux outils à sa disposition : un bidon d’essence et un extincteur. Acheter TransMountain, c’est croire que le carburant dans le bidon d’essence pourrait être utile pour éteindre le feu ! Au contraire, la jeunesse du monde entier exige que tous nos dirigeants utilisent désormais l’extincteur pour limiter les dégâts. Les changements climatiques ont débuté ; est-ce que les dommages causés par « l’incendie de notre demeure » seront de l’ordre de 5 000 $, de 50 000 $ ou d’une perte totale ? C’est l’enjeu de la marche du 15 mars !

N’en déplaise aux climatonégationnistes, les changement climatiques seront la menace la plus sérieuse à la paix dans le monde au cours du 21e siècle. Depuis la guerre civile en Syrie, l’état-major au Pentagone en a pris bonne note : les changements climatiques exacerbent les tensions entre les peuples. Si le niveau des mers devait s’élever de plusieurs mètres, il faudra beaucoup plus qu’un mur à la Trump (« Trumpcurtain ») pour arrêter les centaines de millions de réfugiés climatiques qui arriveront à la frontière des États-Unis. Ce sont ces genres de problèmes prévisibles qui ont poussé certains à suggérer le nom de Greta Thurberg pour le prix Nobel de la paix.[5]

De Davos jusqu’à Beijing en passant par Moscou, Londres, Riyad, Wall Street et Washington, les grands de ce monde devraient prêter l’oreille au message que la jeunesse du monde leur envoie. Les rendements à la bourse du Dow Jones pour le 1er trimestre de l’année en cours ne doivent pas peser lourd dans la balance lorsque les jeunes réalisent que c’est leur avenir qui va être chamboulé par les changements climatiques ! Comme le dit la chanson de Serge Fiori, « On a mis quelqu’un au monde, on devrait peut-être l’écouter ».

Gérard Montpetit
enseignant à la retraite
19 mars 2019

1] https://www.lesoleil.com/actualite/environnement/climat-quebec-se-joint-a-la-mobilisation-mondiale-videophotos-74881f47775841925d598e07f48911b8

2] https://www.desmogblog.com/2019/03/15/new-orleans-student-global-climate-strike-schools?utm_source=dsb%20newsletter

3] https://theenergymix.com/2019/03/17/1-4-million-students-in-128-countries-make-march-15-schoolstrike-a-global-phenomenon/

4] https://www.notre-planete.info/actualites/482-greve-climat-etudiants

5] La 6e extinction par Elizabeth Kolberg, édition Guy Saint-Jean, 2015, 400 pages

6] https://www.nouvelobs.com/planete/20190314.OBS1755/greta-thunberg-egerie-de-la-lutte-pour-le-climat-proposee-pour-le-nobel-de-la-paix.html

Gérard Montpetit

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