Si elle peut avoir des effets néfastes sur les actifs des grandes entreprises financières mondiales, la possible guerre économique qui semble venir pourrait cependant avoir des aspects positifs pour de très nombreuses personnes victimes de la délocalisation de leurs emplois.
L’administration Trump a confirmé, le 31 mai, qu’elle imposait à partir du 1er juin, des taxes de 25 % sur les importations d’acier et de 10 % sur celles d’aluminium provenant de l’Europe, du Canada et du Mexique. Les contremesures de ces pays visant des produits phares américains tels les textiles, l’alcool et les motos peuvent créer une surenchère qui augmentera le nombre de produits touchés et démarrer une guerre commerciale d’envergure mondiale. La question est : est-ce une chose dangereuse ?
Guerre économique
Le concept de guerre économique est flou et vient directement du développement du commerce international. En fait, aussi loin que l’on peut remonter dans l’histoire il est possible d’en retrouver des traces. Dans son document de 35 pages publié en juin 2013 et intitulé « L’étude de la guerre économique et des problématiques associées », Christian Harbulot en donne des exemples qui se seraient produits du temps des grands pharaons, soit au XVe siècle av. J.-C.. Plus récemment, Valérie Sobotka dans son document « La Hanse, une union d’intérêts au XVe siècle », publier en 2001 décrit des guerres commerciales que se sont livrées la Hanse allemande et des associations marchandes plusieurs siècles avant l’ère moderne. Selon lui, c’est la mondialisation des échanges qui a modifié le cadre des conflits économiques actuels par rapport aux anciens. « Les intérêts stratégiques des puissances se diversifient et deviennent plus complexes », y affirme-t-il. Les guerres économiques qui ont eu lieu pendant et après la Deuxième Guerre mondiale montrent cela. En 2001 le livre « The Deutsche Bank and the Nazi Economic War Against the Jews : The Expropriation of Jewish-Owned Property », écrit par Harold Jamesa et publié par Cambridge University Press, décrit l’importance qu’ont eue des pratiques de guerre économique dans la montée du nazisme et sa prise du pouvoir en Allemagne. La Deutsche Bank (DB) avait alors des liens étroits avec le troisième Reich. Cette banque a créé des occasions d’affaires et ouvert des marchés au gouvernement nazi.
Quelques décennies plus tard, c’est entre l’Union Soviétique et les États-Unis qu’a eu lieu une autre guerre économique. Durant l’été 1959, Donald K David écrivait « A Plan For Waging The Economic War » dans la revue The International Executive. Il y parlait des déclarations du dirigeant de l’URSS, Khrushchev, qui affirmait avoir déclaré la guerre aux États-Unis, non pas avec des missiles balistiques intercontinentaux, mais dans le domaine de la production de biens et services. Donald K David cherchait alors des mécanismes pour enrôler les entreprises américaines dans cette guerre économique. La confrontation économique entre le communisme et le capitalisme est d’ailleurs encore d’actualité. Les partisans de l’une ou l’autre vision du monde se surveillent toujours, identifient leurs stratégies commerciales, les analyser les influence ou s’en protègent, créent des partenariats pour acquérir des technologies, les violent, se trompent et s’agressent pour en tirer des avantages. Ils se poussent au krach boursier, à la chute de leurs monnaies, à l’asphyxie financièrement et à la fermeture de leurs marchés. Comme on peut voir, la présente guerre économique que semble vouloir déclencher le président américain n’a rien de bien nouveau ni original.
La mondialisation
La situation dans laquelle cette possible guerre économique pourrait se produire est cependant nouvelle. La mondialisation a créé une économie mondiale inter relié dans laquelle 80 % de la population de la planète évolue dans un même système d’échange. L’augmentation de la solvabilité de la population mondiale a créé une accélération de la croissance potentielle. La récente mondialisation de l’économie aurait aussi créé un très petit groupe de familles super riches. Dans son document, intitulé « Partager la richesse avec celles et ceux qui la créent » publié le 22 janvier 2018, OXFAM affirme que le nombre de personnes milliardaires a connu l’année dernière sa plus forte hausse de l’histoire. Leur richesse aurait augmenté de 762 milliards de dollars en douze mois. Ce serait sept fois les sommes nécessaires pour mettre fin à la pauvreté extrême dans le monde selon l’organisme. En fait, OXFAM estime que 82 % des richesses créées dans le monde l’année dernière ont été accaparés par le 1 % des personnes les plus riches, alors que la situation n’a pas évolué pour les 50 % les plus pauvres.
C’est cette mondialisation qui est directement visée par la présente guerre économique que veulent mener les États-Unis. Leur président considère que ces guerres commerciales sont bonnes et faciles à gagner. Contrairement à ce que disent beaucoup de médias qui ont avalé le CoolAid de la haute finance, les premières victimes de cette possible guerre économique à venir ne devraient donc pas être la population en générale, mais plutôt la partie supérieure de la classe dirigeante des pays impliqués. Le surenrichissement du 1 % que la mondialisation emmène serait touché de plein fouet. Ce devrait donc être les comptes de banque des personnes les plus riches de tous ces pays qui devraient écoper en premier.
Une population gagnante ?
Même si selon le FMI une guerre commerciale généralisée pouvait couter à l’économie mondiale 1 % de son PIB estimé à 75 000 milliards de dollars en 2016, toute la société n’en serait pas obligatoirement perdante. Comme les richesses créées dans le monde dans les dernières années ont été accaparées par le 1 % des personnes les plus riches, ce sont elles qui devraient souffrir le plus de la régression de cette mondialisation. Si la population peut voir le coût de certains des biens augmenté, l’élasticité des prix, la réduction des marges bénéficiaires et les produits de remplacements locaux auront de fortes chances d’en amortir les effets pour elle. Comme cela s’est vu récemment dans les sanctions économiques que les États-Unis ont imposées à la Russie en raison de l’invasion de l’Ukraine, une partie de cette population pourrait même en bénéficier. Les régions qui produisaient des biens qui ont été déclassés par la concurrence internationale pourraient retrouver des emplois et de la vigueur perdue. Les fermes et les petites entreprises pourraient aussi récupérer des emplois délocalisés par la grande finance internationale. Pris dans cette situation, les pays pourraient aussi investir pour augmenter la bonne santé de leur commerce intérieur en encourageant une croissance économique plus forte dans toutes leurs régions, stimulant par une politique budgétaire expansionniste l’accroissement des investissements. La population en général n’a donc pas à avoir peur d’une guerre économique qui la rendrait plus importante pour les entreprises autant pour fabriquer leurs produits que pour les acheter. Il n’y a donc pas de quoi paniquer.
Michel Gourd
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