Édition du 17 décembre 2024

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Israël - Palestine

Guerre à Gaza. Israël de plus en plus isolé sur la scène internationale

L’aggravation de la crise humanitaire à Gaza soulève une vague de condamnations de l’opération militaire israélienne, tant à l’ONU que devant la Cour de justice internationale. Et fragilise jusqu’au soutien du plus indéfectible allié d’Israël que sont les États-Unis, analyse le “New York Times”.

Tiré de Courrier international. Article paru à l’origine en anglais dans le New York Times.

Quand, en 1955, David Ben Gourion, l’un des pères fondateurs d’Israël, a été prévenu qu’il s’exposerait à des représailles des Nations unies s’il mettait à exécution son projet de prendre la bande de Gaza à l’Égypte, il a affiché son mépris de l’ONU en la désignant par son acronyme hébreu, “Um-Shmum” [“le machin inutile”]. L’expression est restée pour illustrer ce penchant d’Israël à défier les instances internationales, dès lors qu’il estime ses intérêts menacés.

Près de soixante-dix ans plus tard, Israël essuie une nouvelle vague de condamnations à l’ONU, à la Cour internationale de justice (CIJ) et dans des dizaines de pays pour son opération militaire à Gaza, qui aurait fait 29 000 victimes palestiniennes, dont un grand nombre de femmes et d’enfants, et qui a réduit une grande partie du territoire à l’état de ruines.

La protection des États-Unis

Cette pression mondiale croissante a plongé le gouvernement israélien et son Premier ministre, Benjamin Nétanyahou, dans un profond isolement, bien qu’il n’ait pas encore plié, en grande partie parce qu’il bénéficie toujours du soutien de son allié le plus fidèle, les États-Unis.

Mais cette fois, l’État hébreu pourrait bien être lâché par Washington. L’administration Biden est en train de faire circuler un projet de résolution au Conseil de sécurité des Nations unies qui mettrait en garde l’armée israélienne contre une offensive terrestre à Rafah, à la frontière égyptienne, où plus d’un million de réfugiés palestiniens ont trouvé abri. “C’est un sérieux problème pour le gouvernement israélien, qui pouvait jusqu’à présent se retrancher derrière la protection des États-Unis”, souligne Martin S. Indyk, ancien ambassadeur des États-Unis en Israël.

“La réprobation de l’opinion publique internationale, d’une ampleur et d’une intensité sans précédent, s’est étendue aux États-Unis, ajoute-t-il. Les progressistes, les jeunes et les Arabes Américains du Parti démocrate sont tous furieux et reprochent vertement à M. Biden son soutien à Israël.”

Le veto américain, jusqu’à quand ?

Jusqu’à présent, le président Biden n’a pas cédé à la pression internationale ou intérieure. Le 20 février, comme à leur habitude, les États-Unis se sont à nouveau dérobés en exerçant leur droit de veto au Conseil de sécurité pour bloquer une résolution, parrainée par l’Algérie, appelant à un cessez-le-feu immédiat dans la bande de Gaza. C’est la troisième fois depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas que les États-Unis mettent leur veto à une résolution visant à forcer la main à Israël.

Depuis la création des Nations unies en 1945, trois ans avant la fondation de l’État hébreu, les États-Unis ont exercé plus de quarante fois leur droit de veto pour appuyer Israël face au Conseil de sécurité.

À l’Assemblée générale des Nations unies, où les Américains ne représentent qu’une voix parmi d’autres, les résolutions à l’endroit d’Israël sont monnaie courante. En décembre dernier, l’Assemblée a voté par 153 voix contre 10, avec 23 abstentions, en faveur d’un cessez-le-feu immédiat.

“Du point de vue des Israéliens, ces organisations sont liguées contre nous”, explique Michael B. Oren, ancien ambassadeur d’Israël aux États-Unis, en référence à l’ONU, à la CIJ et à d’autres institutions internationales. “Leur action n’a pour nous aucun impact stratégique, tactique ou opérationnel”, tient-il à préciser.

M. Oren a toutefois reconnu qu’une rupture avec les États-Unis, principal fournisseur d’armes à Israël, puissant allié politique et principal soutien international, serait une “tout autre paire de manches”.

Le tollé enfle à l’international

Alors que l’État hébreu subit de fortes pressions depuis le début de son offensive à Gaza, ces derniers temps, le tollé enfle dans les capitales étrangères.

L’illustration la plus frappante de l’isolement d’Israël vient peut-être de la Cour internationale de justice de La Haye, où les représentants de 52 pays se sont succédé à la barre, la semaine dernière, pour présenter leurs arguments dans le débat sur la légalité de “l’occupation, la colonisation et l’annexion” israéliennes des territoires palestiniens, y compris la Cisjordanie et Jérusalem-Est.

La plupart s’en sont vivement pris à Israël, l’Afrique du Sud comparant le traitement des Palestiniens par Israël à “une forme extrême d’apartheid”. [En décembre dernier], Pretoria avait déposé une première requête auprès de la haute juridiction de La Haye, accusant Israël de génocide à Gaza.

Devant la CIJ, Washington a une fois de plus volé au secours d’Israël, adjurant la Cour de ne pas ordonner le retrait inconditionnel de l’État hébreu de ces territoires. Un avocat du département d’État américain, Richard C. Visek, a fait valoir qu’une telle décision rendrait encore plus difficile un accord de paix entre Israël et les Palestiniens, car elle ne tiendrait pas compte des intérêts sécuritaires d’Israël.

Devant la CIJ, l’Amérique a élevé une voix bien solitaire. Seule la Grande-Bretagne a présenté un argument similaire.

“La vérité est tout autre”, a de son côté martelé Philippe Sands, avocat spécialiste des droits de l’homme, s’exprimant au nom des Palestiniens. “Le rôle de cette Cour est de dire le droit : d’énoncer les droits et les obligations juridiques qui permettront une solution juste à l’avenir”, a-t-il proclamé, après avoir rappelé que la Cour avait déjà confirmé le droit des Palestiniens à l’autodétermination.

Une ordonnance de la CIJ n’aurait qu’une valeur consultative, et Israël a refusé de participer à ces débats.

Israël contraint de prêter l’oreille

Mais en dépit de sa défiance à l’égard des organismes internationaux, Israël ne les ignore pas complètement : dans un premier temps, le gouvernement israélien a rejeté la plainte de l’Afrique du Sud pour génocide en la qualifiant de “méprisable et méprisante”.

Selon certaines sources, le Premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, avait envisagé d’envoyer Alan M. Dershowitz, l’avocat qui a défendu Donald J. Trump [lors du procès en destitution de 2020] et le financier et délinquant sexuel Jeffrey Epstein, pour plaider la cause d’Israël − un choix qui aurait transformé l’audience en cirque. Israël s’est finalement fait représenter par une équipe de juristes de haut niveau, dirigée par un éminent avocat australo-israélien, Tal Becker, qui a accusé l’Afrique du Sud d’avoir présenté une “vaste description contrefactuelle du conflit”.

Dans son verdict provisoire rendu début février, la CIJ a ordonné à Israël de prendre des mesures pour empêcher et punir toute déclaration publique incitant à commettre un génocide et pour assurer l’acheminement de l’aide humanitaire à Gaza. Elle n’a cependant pas accédé à une demande essentielle de l’Afrique du Sud : la suspension de la campagne militaire d’Israël.

Mais même vis-à-vis des Nations unies, la tentation israélienne de brocarder “Um-Shmum” a ses limites. Israël manœuvre souvent en sous-main pour torpiller ou tempérer les résolutions du Conseil de sécurité, car il sait qu’elles pourraient déboucher sur des sanctions.

En décembre 2016, de hauts responsables israéliens avaient fait pression sur Donald Trump, tout juste élu à la Maison-Blanche, pour qu’il pousse le président sortant, Barack Obama, à mettre son veto à une résolution du Conseil de sécurité condamnant la colonisation juive en Cisjordanie (les États-Unis se sont abstenus, et la résolution a été adoptée). “Ils comprennent que l’opposition mondiale doit rester purement rhétorique, commente Daniel Levy, ancien négociateur de paix israélien, et qu’il ne faut surtout pas qu’elle puisse avoir une quelconque voix au chapitre sur les coûts et les conséquences.”

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Mark Landler

Journaliste au New York Times.

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