Appelé par le Syndicat des employé·e·s de magasins et de bureaux de la SAQ (CSN), le rassemblement montréalais s’est effectué dans le cadre de la 2e journée de grève des 5 500 employé·e·s de la Société des Alcools du Québec (SAQ). Pour l’occasion, des autobus de travailleurs et de travailleuses de plus de 150 succursales, surtout de la couronne de Montréal, ont convergé à la Place Jean-Claude Riopelle ainsi que devant les bureaux du cabinet du premier ministre Philippe Couillard. Plusieurs actions ont également eu lieu partout au Québec. Une manifestation s’est tenue devant le parlement à Québec. Environ 90 employé·e·s ont aussi manifesté leur mécontentement envers le Ministère de la Famille à Sherbrooke.
Des acquis à protéger
« Après 18 mois de négociation, on est ici pour lancer un signal fort au gouvernement », lance Marco, employé du service en ligne de la SAQ rencontré lors de la manifestation de Montréal. L’enjeu du conflit de travail concerne les conditions de travail, non pas les salaires. « L’employeur veut nous faire revenir 10 ans en arrière, estime une employée de succursale de Montréal. On se tient debout aujourd’hui ! ». Employées de bureau, Renée et Nicole dénoncent la volonté de l’employeur de couper de moitié les postes de leur unité. Elles s’indignent également des coupures annoncées dans les congés maladie ainsi que la demande de la direction de modifier les horaires de travail afin d’assurer davantage d’employé·e·s en magasin la fin de semaine.
« On demande un plancher d’emploi et un plancher d’horaire », affirme Hugues Legault, secrétaire général du SEMB SAQ (CSN). D’une part, les syndiqué.es se battent pour assurer le maintien de tous les emplois actuels. D’autre part, l’employeur transforme de plus en plus les horaires de semaine – dits de qualité – en horaire hybrides qui comprennent des quarts de travail la fin de semaine. Cette situation affecte la conciliation travail-famille des employé·e·s. Le Conseil central des syndicats nationaux de l’Estrie rappelle que 70 % des salarié.es de la SAQ travaillent à temps partiel. Il leur faut en moyenne 12 ans d’ancienneté avant d’obtenir un poste à temps plein. L’employeur veut étendre davantage les horaires de fin de semaine. Plusieurs manifestantes ont d’ailleurs brandi des pancartes revendiquant une meilleure conciliation travail-famille.
Action de visibilité
Pour M. Legault, les actions de la journée visent à lancer un message au gouvernement davantage qu’à la population. « C’est le gouvernement qui donne son mandat au Conseil d’administration de la SAQ. C’est le gouvernement qui ouvre la porte à la précarité, au temps partiel, à la dégradation des conditions de travail », estime-t-il. Durant la journée, le premier ministre Couillard s’est lavé les mains de ce conflit en prétextant ne pas être le patron direct des employé·e·s de la SAQ. Au terme de la manifestation, la présidente du SEMB SAQ (CSN), Katia Lelièvre, a répondu que Couillard « ne peut pas être boss juste quand ça lui tente ».
Le maintien des heures d’ouverture, des services de qualité et de l’expertise des employé·e·s de la SAQ passe par la sauvegarde et l’amélioration de leurs conditions de travail. « Durant la dernière décennie, les ventes de la SAQ ont dépassé les objectifs du gouvernement, soutient M. Legault. Il n’y a pas de logique mathématique derrière les coupures. C’est purement idéologique. Aucune démonstration financière n’a été faite en ce sens ». Militant syndical de la base, Dominic estime que si la dernière convention collective a permis de dégager des dividendes records durant les cinq dernières années, il n’y a pas de raison pour négocier une nouvelle convention à rabais.
Avec la possibilité d’un gouvernement dirigé par la CAQ ou le PLQ à l’automne, Dominc anticipe de nouvelles attaques contre la SAQ et ses employé·e·s. Considérant les positions antisyndicales de ces partis, le militant craint une libéralisation de la SAQ, en particulier une privatisation des points de vente à travers des particuliers ou par la poste. Il mentionne que les privatisations partielles de sociétés d’État qui gèrent la vente d’alcool ont déjà donné naissance à des systèmes parallèles dans d’autres provinces canadiennes, notamment en Alberta. Dominic expose une des conclusions de l’étude de l’IRIS à ce sujet : une privatisation, même partielle, de la SAQ de permettrait pas de compenser la perte des dividendes versés à l’État québécois.
Un rapport de force à construire
Au-delà des actions de visibilité, une lutte victorieuse au SEMB SAQ (CSN) requiert un rapport de force. Comme l’a mentionné un passant à OFFENSIVE, « cette manifestation n’est pas suffisante ». « Ça va prendre plus d’actions comme des grèves », a-t-il affirmé. Lisa, coordonnatrice aux opérations en succursales à la SAQ, souligne quant à elle la nécessité de la solidarité intersyndicale. « Lorsqu’une infirmière en négo franchit la ligne de piquetage d’une SAQ, elle doit réaliser que son action affectera aussi le rapport de force de ses propres négociations sectorielles », mentionne-t-elle. Il est tout aussi important que les syndiqué·e·s du SEMB SAQ (CSN) comprennent et participent aux différents moyens de pression, même s’ils semblent anodins, ajoute-t-elle. Ultimement, c’est dans la grève que les gens s’investissent à 100%.
Alternative socialiste appuie les employé·e·s de la SAQ en lutte pour la sauvegarde et l’amélioration de leurs conditions de travail. Cette amélioration passe également par la renationalisation des secteurs déjà privatisés de la SAQ, par l’intégration de la Société québécoise du cannabis aux structures de la SAQ et par la syndicalisation de ses employé·e·s.
Julien D.
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