Édition du 17 décembre 2024

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Le blogues de Pierre Beaudet

Good cop bad cop

Depuis longtemps et probablement depuis toujours, les dominants disposent d’une panoplie de moyens pour protéger leur pouvoir et leurs intérêts. Un de leurs outils est tout simplement la violence dont ils essaient de se garder le monopole. Dans notre société « démocratique, les « bandits » sont en général des pauvres, des autochtones et des marginaux qui commettent le « crime » de ne pas respecter la propriété privée. De temps en temps, la « loi » est utilisée pour nous prévenir des grévistes, des manifestants, des occupants qui commettent la grave erreur de transgresser ces lois faites pour le 1%. Entre-temps, les voleurs en cravates, les fraudeurs légalisés et autres arnaqueurs de haut vol sont protégés, y compris ceux qui cachent leurs fortunes dans les abris fiscaux. 

À côté de la violence directe, il y a la violence indirecte, symbolique, qui manipule les images, les sentiments, les perceptions. Un vaste appareil est alors en œuvre pour installer dans les cœurs et les esprits l’idée que la domination est « normale », que l’exploitation des dominés est un phénomène « naturel ». Anciennement articulées autour des rois et des dieux, ces idées ont été modernisées et approfondies par le capitalisme qui construit son hégémonie sur une sorte d’individualisme possessif, où la « normalité » est celle de l’accumulation, de l’inégalité et de la prédation.

Pour se maintenir cependant, le système doit faire semblant d’avoir du cœur. Comme le good cop dans les films hollywoodiens. C’est le capitalisme de la « compassion », de la « charité ». On doit « aimer » les pauvres. car même si leur pauvreté est causée par un système absurde, on doit s’en occuper. D’où une véritable armée caritative, parfois religieuse, parfois laïque, qui essaie d’atténuer le choc.

Les good cop tentent de normaliser l’exploitation et l’oppression. Les bad cops sont ceux qui sortent le gros bâton quand c’est nécessaire. Aujourd’hui au Canada, c’est ce jeu malsain qui a assuré le passage de Harper à Justin. Pendant plus de 10 ans, les Conservateurs ont fait le « sale boulot » que les Libéraux avaient entrepris au début des années 1990 : démantèlement de grands pans de l’État providence, privatisations tout azimut, focalisation sur les secteurs des finances et de l’énergie, militarisation et législations liberticides en prime. Maintenant, Justin est présenté par les médias complaisants comme celui qui nous ramène à la « civilisation ». Radio-Canada, en particulier, atteint des niveaux inégalés de bassesse pour reproduire l’« infotainment » programmé par les spins libéraux, embrassades, larmes et belles coiffures en tête.

À Québec, le gouvernement libéral a surtout été le bad cop depuis son intronisation en 2013. Encore aujourd’hui, la « réingénierie » de l’État bat son plein contre le secteur public, l’enseignement et l’éducation notamment. Les cibles occultées sont les CPE, les cégeps, les sciences sociales à l’université et en général, les outils que le peuple avait arrachés par ses luttes. L’« austérité » est le mot de code pour des coupures et des attaques ciblées contre les couches populaires et moyennes. Encore là, les médias-mercenaires font leur travail. « C’est nécessaire pour remettre de l’ordre dans les finances publiques ». Ce message martelé à chaque heure du jour est un énorme détournement de sens. 

Présentement, Couillard tente avec son « remaniement » ministériel (quatre trente sous pour un dollar) de redorer son blason. À Radio-Canada, qu’est-ce qu’on entend ? « Le gouvernement a fait son travail, il a remis de l’ordre et maintenant, il peut être moins rude, plus compatissant ». Le script que doivent lire les journalistes à partir des normes établies par la haute direction reprend pratiquement le texte du gouvernement. J’imagine qu’il y en a plusieurs qui ont honte, m’enfin, on leur dit qu’au bout de la ligne, il faut suivre « les ordres ».

Préparez-vous, le good cop sera mis de l’avant pour les deux prochaines années, et ce jusqu’aux élections québécoises de 2018. Et il y en a qui appellent encore cela la démocratie.

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