Les entreprises pétrolières et gazières sont peu portées sur la démocratie sauf lorsque ça sert leurs intérêts. (1) En fait, une étude approfondit tend à démontrer que plus les pétrolières sont présentes dans le décor, moins la démocratie est respectée. Les pétrolières sont à l’origine de nombreux coups d’État contre des régimes qui refusaient de se plier à leurs intérêts. Elles nourrissent de puissants lobbys. Elles préfèrent les négociations derrière les portes closes entre oligarques, une législation complaisante et une société qui est tenu dans l’ignorance. Ce n’est que lorsque des catastrophe telles celles de Lac-Mégantic ou du Golfe du Mexique que la lumière est braquée sur leurs activités et leurs façons de procéder. Ce n’est que lorsque l’on tente de s’opposer à leurs projets que l’on peut voir leurs vrais visages comme c’est le cas dans le dossier de Ristigouche ou dans l’opacité de leurs opérations de transport face aux revendications des municipalités.
Dans ce contexte, les gouvernements agissent en leur faveur, soutiennent et protègent leurs intérêts. Ces intérêts sont au cœur de la stratégie de développement du Canada. L’extractivisme et l’exportation de matières premières est fondamentales pour une issue favorable aux intérêts de l’oligarchie. L’enjeu est donc de taille. Il s’agit de penser aux milliards de $ qui sont investis dans les projets des sables bitumineux et connaître l’appétit des banques et des multinationales pour réaliser qu’elles ne renonceront pas à ces projets sans y être contraintes. Les conservateurs sont prêts à criminaliser les mouvements de contestation pour faire taire l’opposition (2). Les péquistes comme les libéraux ont imposé le virage pétrolier au Québec sans débat public ni consultation digne de ce nom imposant une orientation qui est loin de faire l’unanimité ni même consensus cédant ainsi aux pressions d’Ottawa et du lobby des énergies fossiles.
Les libéraux de Couillard vont jusqu’à passer outre l’exigence d’obtenir des avis scientifiques sur la fragilité du milieu de Cacouna avant de procéder à des travaux et permet à TransCanada de débuter les forages sous-marins dans le secteur maritime de Cacouna sans ces conditions minimales. En fait, les fonctionnaires du ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques exigent les avis scientifiques de TransCanada qui fait la sourde oreille et réplique en exigeant une réponse rapide et positive. Le gouvernement Couillard accorde finalement son autorisation sans avoir obtenu d’avis scientifiques crédibles. Le ministre de l’Environnement David Heurtel refuse de s’expliquer ajoutant l’injure à l’insulte. (3) Des groupes écologistes répliquent en recourant aux tribunaux.
La Cour supérieure vient tout juste de rejeter la requête, jetant le blâme sur les groupes écologistes qualifiés d’alarmistes. La Cour a jugé qu’il n’y avait pas de preuve sérieuse de danger pour la population de bélugas ??? La justice de la société capitaliste fait la démonstration de son aveuglement volontaire avec une telle décision. Dans la plus pure tradition climat-sceptique, elle gomme ainsi des décennies de recherche scientifiques sur la population de bélugas du St-laurent au profit des intérêts financiers de TransCanada.
Toutefois, il y a dans cette série de faits une impression que les règles du jeu ont été modifiées. Si l’arrogance du gouvernement Charest était patente dans le dossier du gaz de schiste, il n’a pu se dégager de l’impératif des consultations publiques et des pressions de la société civile. Ce qui a mené au moratoire provisoire qui est toujours en vigueur mais de plus en plus fragile. L’impression que les règles du jeu ne sont plus les mêmes provient des faits relatés et d’une analyse sérieuse des enjeux et des acteurs de cette bataille. Le gouvernement Harper a fait son nid depuis longtemps et l’opposition, NPD compris, est toute aussi complice de l’industrie des énergies fossiles. Les déclarations de Thomas Mulcair sur l’acceptabilité d’un projet de pipeline vers l’est sont éclairantes à ce titre.
Les mouvements opposés à l’exploitation pétrolières doivent prendre bonne note de cette modification de la situation et définir des stratégies qui vont dans le sens d’une résistance accrue aux pétrolières. Plusieurs ont évoqué des moyens inspirés de la désobéissance civile sans délaisser les méthodes qui ont permit au mouvement opposé aux énergies fossiles un succès certain au Québec et en Colombie-Britannique. Il semble évident que le mouvement d’opposition doit revoir sa stratégie pour y intégrer des éléments de mobilisation à la hauteur des défis des pétrolières. Les pétitions ne sont pas inutiles mais insuffisantes. Les démarches légales devant les tribunaux peuvent servir à informer la population et déstabiliser temporairement les plans des pétrolières mais ne peuvent les arrêter définitivement. Seules les mobilisations de masse et la construction d’une alternative politique au partis politiques complices de l’industrie peut changer qualitativement la situation.
Au lendemain du Forum social des peuples qui fut un grand succès, pourquoi par exemple ne pas envisager une vaste coalition d’un océan à l’autre, coalition regroupant toutes celles et tous ceux qui, autochtones, anglophones et francophones refusent l’avenir construit autour des énergies fossiles. Cette coalition aurait pour tâche notamment d’organiser des actions, des mobilisations et des conférences avec comme point culminant une manifestation à Ottawa le 22 avril 2015, jour de la Terre et ce, en collaboration avec toutes les organisation qui visent à jeter le gouvernement Harper à la porte à l’automne 2015. Il y a définitivement place à une gradation des moyens pour faire comprendre aux pétrolières et à leurs complices que « Ça ne coulera pas chez nous ».
Notes
1- Lire « Carbon democracy » de Timothy Mitchell (La Découverte, 2013)
2- Voir « Renforcer la résilience face au terrorisme : Stratégie antiterroriste du Canada », en partiiculier la partie au titre évocateur « Extrémisme d’origine intérieure militant pour des causes précises » (http://www.publicsafety.gc.ca/prg/ns/2012-cts-fra.aspx)