Il est impossible de surestimer l’importance de l’océan pour la vie sur Terre. Couvrant 71% de la surface de la planète, il contient 97% des eaux de surface du monde et est au centre des grands cycles biogéochimiques qui définissent la biosphère et rendent la vie possible. Les plantes marines génèrent la moitié de l’oxygène respirable dans le monde.
Des millions d’espèces animales vivent dans l’océan. Les fruits de mer sont une source primaire de protéines pour trois milliards de personnes, et des centaines de millions travaillent dans l’industrie de la pêche.
Le métabolisme de l’océan – les flux et échanges constants d’énergie et de matière qui se poursuivent depuis des centaines de millions d’années – est un élément vital du système terrestre. Comme l’écrit la célèbre océanographe Sylvia Earle, notre destin et celui de l’océan sont inextricablement liés.
« Nos vies dépendent de l’océan vivant – non seulement des roches et de l’eau, mais aussi de systèmes vivants stables, résistants et diversifiés qui maintiennent le monde sur un chemin régulier favorable à l’humanité. »
« L’océan vivant est le moteur de la chimie planétaire, il régit le climat et le temps, et constitue la pierre angulaire du système de survie de toutes les créatures de notre planète, des étoiles de mer des profondeurs aux armoises du désert… Si la mer est malade, nous le sentirons. Si elle meurt, nous mourrons. Notre avenir et l’état des océans ne font qu’un. »
L’océan vivant est aujourd’hui perturbé à grande échelle. Il a déjà changé, mais jamais, depuis qu’un astéroïde a tué les dinosaures, aussi rapidement qu’aujourd’hui. Ces changements sont des éléments majeurs de la transition planétaire hors des conditions qui ont prévalu depuis la fin de la dernière période glaciaire, vers une biosphère profondément différente – de l’Holocène à l’Anthropocène. « Nous entrons dans un territoire inconnu de changement de l’écosystème marin… les implications pour l’océan, et donc pour tous les humains, sont énormes. » [3]
La plupart des récits populaires sur la relation entre l’océan et le changement climatique se concentrent sur la fonte des glaces et l’augmentation du niveau des mers, et ce sont là des questions cruciales.
À lui seul, le Groenland perd plus de 280 milliards de tonnes de glace par an, ce qui suffit à modifier de manière mesurable la force de gravité de l’île. Au rythme actuel, d’ici à 2100, la combinaison de la fonte des glaces et de l’expansion des eaux de surface chaudes à l’échelle mondiale inondera les zones côtières où vivent aujourd’hui plus de 630 millions de personnes.
Plus d’un milliard de personnes vivent dans des zones qui seront touchées par marées et des ondes tempêtes rendues plus importantes et plus destructrices par l’eau de mer plus chaude. Une action rapide pour réduire les émissions de gaz à effet de serre serait pleinement justifiée, même si la montée des eaux était la seule conséquence attendue du réchauffement climatique.
Cependant, l’augmentation du niveau de la mer sera plus dévastatrice, car les dommages à long terme causés au système terrestre sont dus à ce que le bio-géochimiste Nicolas Gruber appelle un « triple coup » de stress sur les océans, causé par la faille croissante dans le métabolisme du carbone de la Terre.
« Au cours des décennies et des siècles à venir, les cycles biogéochimiques et les écosystèmes des océans seront de plus en plus soumis à des pressions exercées par au moins trois facteurs indépendants.
L’augmentation des températures, l’acidification et la désoxygénation des océans entraîneront des changements importants dans l’environnement physique, chimique et biologique, qui affecteront alors les cycles biogéochimiques et les écosystèmes océaniques d’une manière que nous commençons à peine à comprendre…
« Le réchauffement, l’acidification et la désoxygénation des océans sont pratiquement irréversibles à l’échelle du temps humain. Cela est dû au fait que le principal facteur de stress pour ces trois facteurs, à savoir l’émission de CO2 dans l’atmosphère, provoquera des changements planétaires qui nous accompagneront pendant plusieurs centaines, voire milliers d’années. »
D’autres écologistes marins ont décrit le réchauffement des océans, l’acidification et la perte d’oxygène comme un « trio mortel », car lorsqu’ils se sont produits ensemble dans le passé, des extinctions massives de la vie animale et végétale ont suivi.
Nous examinerons les éléments du trio mortel séparément, mais il est important de garder à l’esprit qu’ils sont étroitement liés, ont les mêmes causes et se renforcent souvent les uns les autres.
(Article publié sur le site Climate & Capitalisme, le 7 septembre 2020 ; traduction rédaction A l’Encontre)
Note rédaction A l’Encontre : La deuxième partie de « Triple crise dans l’océan Anthropocène » sera publiée à la mi-septembre par Ian Angus.
Voir sur ce site les autres contributions et notamment celle-ci.
10 septembre 2020 Ian Angus
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