Édition du 17 décembre 2024

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Afrique

Face à la crise énergétique, l’Afrique du Sud déclare l’état de catastrophe nationale

Lors de son discours annuel sur l’état de la nation, le 9 février, le président Cyril Ramaphosa a déclaré l’état de catastrophe nationale ainsi que la création d’un ministère de l’Électricité. Des mesures qui laissent la presse sud-africaine circonspecte, alors que le pays est confronté à des coupures de courant massives.

Tiré de Courrier international.

Pour la troisième fois en trois ans, l’Afrique du Sud est en état de catastrophe nationale. Après la pandémie de Covid-19 et les inondations qui ont fait plus de 400 morts en avril 2022, il s’agit désormais de faire face à la crise énergétique sans précédent qui frappe le pays, confronté à des coupures de courant massives depuis plus de six mois. La mesure a été annoncée par le président Cyril Ramaphosa au cours de son discours annuel sur l’état de la nation, jeudi 9 février. Elle s’accompagne de la création d’un ministère de l’Électricité.

“En temps de crise, nous avons besoin d’un seul point de commandement et d’une seule ligne de marche”, a justifié le président, cité notamment par le Daily Maverick. L’adoption de cette mesure exceptionnelle a pour but d’éviter l’effondrement total du réseau en facilitant les démarches visant à accroître les capacités énergétiques du pays, alors que la compagnie nationale d’électricité, Eskom, ne parvient plus à faire face à la demande faute d’infrastructures adéquates. Elle devrait également permettre d’exempter certaines infrastructures des délestages, comme les hôpitaux, et de soutenir les entreprises.

Pour le Congrès national africain (ANC), le parti au pouvoir depuis la fin de l’apartheid en Afrique du Sud, la mesure est à la hauteur de l’urgence : “Le président a clairement fait savoir que, face aux défis auxquels est confronté le pays, nous ne pouvons pas continuer à mener les affaires comme à l’ordinaire. L’idée de ce discours sur l’état de la nation est de donner à voir de l’espoir là où il y a du désespoir. Il s’agit de montrer une voie qui permette de sortir de ces crises”, a déclaré le porte-parole du parti, Mahlengi Bhengu-Motsiri, cité par le Daily Maverick.

Si le site d’information News24 reconnaît que le discours du président a le mérite de “signaler une volonté” au milieu du chaos, l’annonce de l’état de catastrophe nationale a été accueillie avec circonspection par les médias sud-africains. “[L’état de catastrophe nationale] est devenu une expression familière aux connotations malheureuses”, rappelle ainsi le Sunday Times dans un éditorial. L’hebdomadaire sud-africain craint de voir se rejouer les détournements massifs d’argent public qui ont accompagné la lutte contre la pandémie de Covid-19.

L’état de catastrophe nationale, qui permet de contourner certaines réglementations, “a ouvert les vannes de pillages scandaleux par des politiciens sans scrupule”, poursuit le journal. Pour parer à cette éventualité, le président a annoncé que l’Auditeur général, garant de la bonne tenue des comptes publics, serait chargé de superviser directement la mise en œuvre de cette disposition exceptionnelle. Un pare-feu dont l’efficacité “reste à prouver”, tempère le Sunday Times.

De nombreux acteurs se demandent également “en quoi l’état de catastrophe nationale permettra de résoudre la crise énergétique sud-africaine alors que de nombreuses voies législatives permettent déjà d’obtenir des financements d’urgence et de simplifier les procédures réglementaires d’attribution des marchés publics”, souligne le Daily Maverick. L’Alliance démocratique, le principal parti d’opposition, a de son côté déjà annoncé son intention de contester le recours à l’état de catastrophe nationale devant les tribunaux, note le site d’investigation sud-africain.

Deuxième annonce phare de ce discours sur l’état de la nation, la création d’un ministère de l’Électricité, placé directement sous la tutelle du président. D’après le Mail & Guardian, Cyril Ramaphosa a pris par surprise jusqu’à ses alliés les plus proches avec cette annonce. Elle lui permet de contourner les querelles incessantes entre le ministre des Entreprises publiques, Pravin Gordhan, et le ministre de l’Énergie et des Ressources ministères, Gwede Mantashe. Les deux sont en partie responsables de la gestion de la compagnie nationale d’électricité et nourrissent des vues diamétralement opposées sur la manière de sortir le pays de la crise.

Contourner le problème

“Pourquoi ne pas les avoir limogés ou transférés tous les deux ?” interroge Natasha Marrian, rédactrice en chef adjointe du Financial Mail, dans une tribune. Probablement parce que les deux sont de proches alliés du président au sein du parti au pouvoir. Gwede Mantashe, en particulier, a joué un rôle clé dans la réélection du président à la tête de l’ANC en décembre 2022, après lui avoir permis d’échapper à une éventuelle procédure de destitution.

Ce ministre procharbon critique pourtant régulièrement le recours aux énergies renouvelables au cœur de la stratégie sud-africaine pour une transition énergétique juste, qui doit permettre de redresser la compagnie nationale d’électricité. Il a par ailleurs échoué à “ajouter un seul mégawatt d’électricité au réseau depuis sa nomination”, rappelle également Carol Paton, journaliste pour News24, dans une tribune. “La solution à Mantashe, a décidé Ramaphosa, est d’éviter la confrontation en contournant [le problème]”, résume la journaliste.

Mais “en ajoutant un autre ministre à l’approche d’un remaniement très attendu, Cyril Ramaphosa a également contredit son propre engagement à rendre son cabinet plus léger et plus agile”, note le Mail & Guardian. “Nous avons désormais trois ministres impliqués d’une manière ou d’une autre dans l’électricité. Cela pourrait compliquer de manière significative le processus de gouvernance”, s’inquiète également le spécialiste des questions énergétiques Chris Yelland, interrogé par News24. Une question qui préoccupe d’autant plus que la répartition des rôles apparaît, à ce stade, “claire comme de la boue”, souligne la rédactrice en chef adjointe du Financial Mail.

Courrier international

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