Un projet de loi a été déposé en février 2014 par un parlementaire Mario Oriani-Ambrosini, atteint d’un cancer et qui s’est suicidé quelques mois plus tard parce que ses douleurs n’étaient plus supportables. Ce projet de loi intitulé Medical Innovation Bill avait pour ambition d’autoriser des médecines alternatives pour alléger les souffrances des malades, et plus largement d’autoriser l’usage du cannabis à des fins « récréatives » et à des fins industriels.
Le débat entre les pro et anti dépénalisation s’est embourbé depuis, mais en mai 2016, le président du groupe parlementaire de l’IFP, Narend Singh, a repris le dossier auprès du parlement et à plaider à nouveau pour l’utilisation du cannabis pour raisons médicales, en abandonnant une partie de la proposition initiale qui était beaucoup plus large. « Nous ne pouvons pas permettre à cette loi de traîner et traîner encore alors que des millions de personnes demandent des moyens alternatifs pour alléger leur peines et leurs souffrances d’une manière ou d’une autre » et de demander que le cannabis soit autorisé pour les soins palliatifs. Une démarche qui veut rendre hommage au combat contre la maladie de Mario Ambrosini, membre du parti IFP et longtemps conseiller privé de Mangosuthu Buthelezi.
L’Afrique du Sud peut s’appuyer sur la législation de plusieurs pays qui ont déjà légaliser l’utilisation du cannabis à des fins médicales, et l’usage de la dagga fait partie de la pharmacopée de la médecine traditionnelle depuis toujours. Mais la position rigide que vient d’adopter les Nations unies ne va pas faciliter la tâche des ceux qui veulent une légalisation de l’usage du cannabis.
L’usage et la culture de la dagga restent donc interdites en Afrique du Sud. Cependant la culture de la dagga dans les zones rurales pauvres du Pondoland, dans la province du Cap oriental est la seule ressource pour de nombreux habitants en dépit des raids la police sud-africaine dans les villages pour détruire les récoltes. Depuis plusieurs années, elle utilise une méthode encore plus radicale : la pulvérisation par hélicoptère de pesticides, en niant tout effet sur la santé des populations. Cette activité et sa répression ont fait l’objet d’un reportage très documenté du journaliste indépendant Kimon de Greef sur le site d’information Ground Up.
http://www.groundup.org.za/article/cash-crops-poisoned-pondoland/
Depuis près de 30 ans, les villageois attendent le bruit des hélicoptères qui viennent vers le mois de janvier, au moment de la récolte, pour détruire leur travail et leurs revenus. Les plantes ne résistent pas et sont réduites à des tiges desséchées. Le village est difficilement accessible par un sentier qui est la seule voie d’accès pour les habitants pour descendre à la ville la plus proche, souvent avec des ballots de dagga qu’ils vendent sur le marché local.
A part la culture du cannabis, les paysans font pousser quelques cultures vivrières, maïs et sorgho. Ils savent parfaitement que la culture du cannabis est illégale, mais c’est pour eux le seul moyen d’obtenir un revenu et la demande est devenue plus forte chaque année. La qualité de la plante est très médiocre et ne part pas à l’exportation, mais cette herbe est vendue et consommée essentiellement dans les townships. Le prix moyen pour le volume d’un pot de yaourt d’un litre varie entre 50 et 100 rands.
Depuis 1975, l’Afrique du sud autorise l’utilisation du pesticide produit par Monsanto et qui contient du glyphosate. Quand la police du haut des hélicoptères pulvérise le pesticide rien ne résiste : les plantes sont détruites et les animaux tombent malades, les humains ont des taches brunes sur la peau et toussent pendant des mois. Des cultivateurs expliquent que parfois les hélicoptères pulvérisent le poison directement sur eux en les poursuivant au plus près. Mais ils replanteront l’an prochain parce que comme l’explique un vieil homme qui cultive la dagga depuis 40 ans : « le gouvernement ne s’occupe pas de nous. Il envoie les hélicoptères avec le poison, c’est tout. Il n’a rien à nous donner après avoir détruit nos récoltes, pas une idée, pas un projet ».
Pourtant ce sont ces champs qui sont régulièrement aspergés de Roundup qui contient le glyphosate soupçonné d’être cancérigène, mais pour Monsanto le produit n’est pas dangereux quand on suit les instructions d’utilisation. Avec des gants, des chaussures, des vêtements adaptés, en se lavant immédiatement s’il y a risque de contact avec le produit, rien de grave ne peut se produire. Selon les témoignages recueillis par le journaliste de Ground Up, la police ne prend pas ce genre de précautions en aspergeant les villages.
Des militants ont entamé des actions légales contre ces épandages sauvages de la police en argumentant que la population doit être prévenue à l’avance, mais leur argument est vite balayé par la police qui riposte que prévenir de leur arrivée réduirait à néant leur intervention de lutte contre la culture du cannabis. La police affirme aussi que les pesticides employés sont autorisés et que le glyphosate est enregistré auprès des autorités. Pour justifier son action la police a fait appel à des experts qui clament haut et fort que le glyphosate est parfaitement inoffensif. Les militants eux aussi ont leurs experts qui sont beaucoup plus sceptiques sur l’innocuité du produit.
La bataille d’experts et de contre experts continuera longtemps, les paysans du Pondoland continueront à planter illégalement de la dagga, les malades continueront à souffrir, et le marché illégal du cannabis continuera à prospérer. A moins qu’une législation raisonnable et de bon sens mette fin au cauchemar de l’usage illégal du cannabis.