Édition du 17 décembre 2024

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Environnement

Encore mieux que le développement durable : l’autonomie, la solidarité et le respect de la nature

Le Réseau québécois des groupes écologistes (RQGE) profite de la Semaine nationale de visibilité de l’action communautaire autonome pour souligner le travail et l’audace des 80 organismes membres de son mouvement.

Dans le cahier spécial sur l’action communautaire autonome parue dans Le Devoir du 19 octobre, une publicité de notre Réseau annonce « Encore mieux que le développement durable » et liste les trois valeurs auxquelles les groupes membres du RQGE souscrivent : l’autonomie, la solidarité et le respect de la nature.
 
« C’est pour sonner les cloches, » reconnaît Stéphane Gingras, président du RQGE et membre du groupe Ambioterra. « D’abord, on veut souligner que les groupes écologistes font un travail incroyable – partout au dans la province, ils défendent l’intégrité du territoire et des communautés. Sans relâche, ils offrent un apport inestimable pour la qualité de vie des québécois-ses et du patrimoine naturel. On souhaite aussi déplorer que ce travail exceptionnel n’est pas reconnu concrètement par le gouvernement. La quasi-totalité de nos membres ne reçoivent malheureusement pas de soutien financier, même si ça fait douze ans que la politique d’action communautaire, qui devait garantir leur reconnaissance, est en vigueur. »
 
En trente ans d’existence, le RQGE a vécu les mutations du mouvement environnemental au Québec. Dans son livre 30 ans au RQGE : une histoire dissidente du mouvement écologiste au Québec, de 1982 à 2012, le chercheur Philippe Saint-Hilaire Gravel décrit comment l’introduction du discours du développement durable dans les années 90 a rapidement nui à la cause environnementale. « Le concept a été largement détourné, » précise François Lapierre, administrateur du RQGE et membre de l’Association pour la protection de l’environnement des Hautes-Laurentides (APEHL). « Le gouvernement et le secteur privé se le sont approprié pour peindre en vert les vieilles pratiques d’usage. Rien n’a vraiment changé, sauf qu’en favorisant certains organismes moins critiques pour étouffer les plus revendicateurs, le gouvernement a alimenté les divisions dans le mouvement environnemental. C’était calculé : on a vu l’impact que pouvaient avoir les groupes écologistes dans des dossiers chauds comme le Suroît, Gentilly-2, les mines ou les gaz de schiste. »
 
« La mission des groupes écologistes autonomes a toujours été claire, » ajoute Maude Prud’homme du RQGE et membre du Centre d’écologie solidaire et appliquée (CESA). « Protéger l’environnement et renforcer démocratiquement les communautés du Québec. Il n’y aurait pas de conflit si le secteur privé, de pair avec le gouvernement du Québec, arrêtait de mettre de l’avant des projets qui menacent l’environnement et les droits humains de la population. Prenez par exemple le projet de forage de pétrole dans le Saint-Laurent : il ne suffit pas simplement de demander comment, nous demandons pourquoi. C’est un devoir éthique : il faut aider les communautés à faire valoir leurs droits, et défendre les écosystèmes ainsi que la qualité de vie des générations futures qui, rappelons-le, n’ont pas voix au chapitre. »
 
Dans un article récent, Harvey Mead, ex-commissionnaire au développement durable québécois, reconnaissait que la tentative de réconcilier l’économie capitaliste et la sauvegarde de l’environnement a échoué, qu’il est trop tard pour des demi-mesures comme l’économie verte (Le Devoir, 30 mars 2013). Alors que la sixième extinction massive de la planète est bien entamée, que le réchauffement climatique s’emballe sans réel plan d’action, et que les industries extractives s’imposent de plus en plus dans le territoire du Québec, on peut effectivement se demander quelle est l’utilité d’un discours qui intègre encore une croissance économique aveugle.
 
« Peu importe qu’on soit d’accord ou pas avec le développement durable, » ajoute Marie-Ève Blais du RQGE et membre du Projet accompagnement solidarité Colombie (PASC) « aujourd’hui, en 2013, tout le monde peut s’entendre qu’il faut aller plus loin. La population du Québec mérite mieux, et l’avenir de l’environnement dépend de notre courage et de nos convictions. La seule société viable, ou durable, est une société verte et solidaire. Pour opérer cette transformation, les groupes écologistes du Québec ont un rôle clef à jouer. Si nous sommes reconnus, notre capacité d’action s’en trouve décuplée, et tout le monde gagne. »
 
Loin de garder le silence, le RQGE mène une campagne de reconnaissance auprès du ministère du Développement Durable, de l’Environnement, de la Faune et des Parcs (MDDEFP) depuis 2006 – année où le Parti Libéral a décidé de sabrer dans plusieurs programmes qui finançaient les groupes communautaires écologistes. Tandis que plus de 4 000 groupes d’action communautaire autonome reçoivent un financement à la mission de plus de 100 000$ en moyenne, le secteur communautaire environnemental autonome n’a pratiquement rien. Faute de reconnaissance, plus de 300 groupes se sont éteints depuis 2006 suite à ces coupures. À peine une centaine ont survécu, principalement dû au bénévolat de leurs membres. Comme conséquence, plusieurs groupes disparaissent chaque année.
 
Actuellement, le RQGE a entrepris des pourparlers avec le MDDEFP pour redresser le financement des groupes. Après des promesses électorales en septembre 2012 et une rencontre favorable avec le ministre Blanchet en mars 2013, le ministère se fait silencieux depuis, et il semble que rien ne soit gagné.
 
Tirées du Code de pratiques solidaires, les valeurs du RQGE sont définies ainsi :
 
Autonomie : C’est la capacité des communautés, des associations et des individus à s’autodéterminer librement, de façon consentante et informée. Dans l’action communautaire, l’autonomie (on emploie l’expression « action communautaire autonome ») renvoie à une distance claire et constante avec les trois paliers gouvernementaux et le secteur privé. L’autonomie est perçue comme une condition nécessaire à la démocratie et à l’intégrité morale de toute association. Un organisme autonome dispose d’une vie démocratique saine où le pouvoir vient de la base, c’est-à-dire des membres, ce qui enracine l’organisme dans la communauté et lui permet de servir avant tout les intérêts de celle-ci, plutôt que l’intérêt du gouvernement ou des compagnies privées.
 
Solidarité : La solidarité renvoie à une conception socialiste de la société, c’est-à-dire selon le précepte que tous et toutes sont égaux. Une des qualités fondamentales de la nature humaine est l’empathie. L’émancipation et la solidarité constituent la réalisation de cette empathie. Elle se concrétise dans l’entraide, la coopération, le partage, l’auto-détermination, l’éducation, la démocratie directe, le renforcement des communautés. Une pratique solidaire est nécessairement critique du capitalisme, du colonialisme et de l’impérialisme puisque de tels systèmes favorisent l’inégalité, l’injustice, et donc nécessairement, la souffrance.
 
Respect de la nature : Si l’écologie est un champ disciplinaire de la biologie, elle désigne également un mouvement social, une philosophie, un ensemble de pratiques ayant pour fin l’harmonie des différentes formes de vie sur Terre. Plus précisément, le respect de la nature entend la protection des habitats, de la vie sauvage, de la biodiversité et le principe de précaution. Le RQGE souhaite transcender le rapport parasitaire qu’entretiennent les sociétés colonialistes avec leur habitat depuis la révolution néolithique – rapport qui est en train de provoquer la sixième extinction massive dans l’histoire de la planète.

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