Édition du 1er avril 2025

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Québec

Des visions différentes

S’occuper des vraies affaires représentait une vision pour le monde minoritaire des affaires.

Depuis une semaine, les résultats des élections municipales à Montréal ont fait jaser partout, tant dans les médias que dans le monde politique. Et pour cause : à moins d’un an des élections provinciales, chacun des partis en lice voudrait en tirer leçon pour améliorer son sort et coiffer les autres à l’arrivée.

tiré de : MON ŒIL !... La chronique du coordonnateur de la Coalition solidarité santé Édition du 13 novembre 2017

L’une des raisons qui revient le plus souvent, et qui aurait distingué Valérie Plante et Projet Montréal de l’équipe Coderre, serait une « vision » pour Montréal. Et cette vision l’aurait emporté sur le type de campagne de son adversaire qui aurait plutôt misé sur son bilan.

Si tel est le cas, alors que penser de la vision du gouvernement Couillard, lui qui avait fait campagne en 2014 pour les vraies affaires, ce qui s’est traduit concrètement en rigueur-austérité dans les finances publiques ?

S’occuper des vraies affaires représentait une vision pour le monde minoritaire des affaires. D’ailleurs, le 1,5 milliard $ (G$) que s’est empressé de trouver M. Couillard pour Bombardier tranchait radicalement avec les mesures d’austérité qu’il adressait plutôt aux autres couches de la population, les affectant durement, entre autres en Santé.

Cela a été confirmé par la Protectrice du citoyen qui a déclaré dans son rapport que la réforme Barrette avait écrasé les plus démunis.

Le ministre Barrette a répondu qu’il manquait 4 G$ pour arriver aux résultats que le rapport aurait souhaités, et qu’il faudrait faire des choix, laissant entendre que le temps des choix n’était probablement pas terminé.

4 G$, c’est à peu près le manque à gagner causé par les coupes budgétaires et les augmentations faméliques des budgets Leitao, des augmentations ne couvrant pas le maintien des services. Selon l’ancien ministre libéral des finances Raymond Bachand, maintenir les services nécessitait une augmentation budgétaire annuelle de 5,6% alors qu’on n’a eu droit qu’à 1,4%, 2,4% et 4,2% sur trois ans.

Ces augmentations insuffisantes avaient débuté sous le gouvernement Charest : donc, nous étions déjà en manque quand les Couillard-Barrette-Leitao sont arrivés. Ils n’ont fait qu’aggraver la situation… sauf pour les médecins qui ont vu leurs revenus augmenter de façon indécente !

En trois ans, le gouvernement Couillard ne s’est pas contenté de l’équilibre budgétaire, il a fait des surplus, c’est-à-dire des excédents de revenus sur les dépenses, ce qui équivaut à des profits : 3,6 G$ en 2015-16, 4,5 G$ en 2016-17 et 2,5 G$ prévus pour 2017-18, soit un total de plus de 10 G$ en trois ans. Se peut-il que le 4 G$ manquant en Santé soit là ?

Et si ce gouvernement avait vraiment appliqué de la rigueur dans les finances publiques, il aurait révisé l’une des plus grosses dépenses en Santé : le coût des médicaments prescrits, qu’on estimait en 2012 à 7,5 G$ annuellement.
Le Québec paie ses médicaments 38 % de plus qu’ailleurs dans le monde, à cause de son régime d’assurance médicaments hybride privé-public. 38 %, c’est plus de 2,8 G$ dépensés inutilement chaque année par les finances publiques. C’est à se demander où est passée la rigueur si chère aux cœurs de MM. Couillard et Leitao !

2,8 G$ par année, sur trois ans, c’est plus de 8,5 G$ que le gouvernement aurait eu en sa possession pour financer la Santé. Il est là aussi le 4 G$ manquant du ministre Barrette : dans les poches des pharmaceutiques et des assureurs privés. C’est là qu’on voit à quel point rigueur et austérité riment avec vraies affaires ! Visions différentes, sans doute !

Il y a quelques semaines, des milliers de personnes manifestaient pour la redistribution de la richesse, ce qui n’a pas semblé émouvoir d’aucune façon le gouvernement libéral.

Mais le scandale médiatique des Paradise Papers est venu s’ajouter aux Panamas Papers et autres dénonciations précédentes sur les stratagèmes plus ou moins légaux des plus riches familles et sociétés qui pratiquent l’évasion fiscale, et ne paient pas leur juste part d’impôt.

Cette nouvelle révoltante a forcé M. Leitao à annoncer qu’il allait agir auprès des cas qui nous concernent « dès qu’il possèderait toute l’information nécessaire », comme s’il n’en avait jamais rien su auparavant. Le voir feindre la surprise ne devrait pas nous faire oublier qu’il fut économiste pendant 20 ans à la Banque Royale du Canada, une institution qui possède 17 filiales dans des paradis fiscaux : à la Barbade (5), aux Bahamas (3), dans les îles Anglo-Normandes (3), aux îles Caïmans (2), au Luxembourg (1), à Singapour (1), en Suisse (1) et à Hong Kong (1). M. Leitao sait très bien à quoi servent ces filiales. Comme le dirait Alain Deneault : « On ne va pas au bordel pour lire la Bible ! »

Il aurait tout aussi bien pu s’informer auprès de son premier ministre, M. Couillard, qui a déjà admis avoir placé par le passé 600 000 $ dans une succursale de la Banque Royale à Jersey.

Le ministre des Finances nous répliquera que toutes ces transactions sont légales. Peut-être. Mais nous savons tous qu’elles ne sont pas morales, surtout au moment où son gouvernement répète qu’on n’a pas les moyens de conserver nos programmes sociaux, qu’on devra faire des choix dans notre système public de Santé et de services sociaux, et qu’il coupe à qui mieux mieux. Différence de visions, sans doute !

Il en va de même pour le projet de Lab-école, où trois personnalités bien connues se promènent à travers le Québec pour trouver les meilleures idées pour de meilleures écoles. Je les écoutais hier soir, ces trois messieurs, à l’émission Tout le monde en parle, expliquer leur vision de l’école de demain.

Et je me suis souvenu d’un intervenant qui avait dit lors d’un débat sur l’école publique : « S’il n’y avait pas d’écoles privées, s’il n’y avait qu’un seul réseau d’éducation public, nos écoles seraient en bien meilleur état parce que les enfants des riches y seraient et que leurs parents aussi voudraient qu’ils aient ce qu’il y a de mieux. »

Redistribuer la richesse plutôt que la cacher volontairement, la réinvestir dans de bons programmes sociaux de Santé, d’Éducation, de soutien au revenu, etc., pour prendre soin de nos enfants, de nos aîné.e.s, de nos gens, ce ne serait pas plutôt ça la vision pour demain dont on a besoin ?

Jacques Benoit.

Jacques Benoit

Coordonnateur de la Coalition solidarité santé 2013-2019
GMob (GroupMobilisation) 2019-

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