Tiré de Entre lesl ignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2022/10/21/derriere-le-vernis-de-nos-societes-des-faits-sociaux-moins-visibles/
Dans son avant-propos, « Quand la mondialisation par le bas ou « entre pauvres » accueille des milieux criminels le long de sa route euroméditerranéenne », Alain Tarrius aborde des sujets qui feront l’objet de précision dans les différents articles du livre. Je souligne notamment, la place des « notaires informels » et l’interdiction des ventes de marchandises susceptibles de poursuites pénales, les circulations commerciales et les réseaux commerçants, les populations transmigrantes, la mondialisation par le bas et le « poor to poor », les capitales du « territoire circulatoire transnational », les frontières et les cosmopolitismes immigratoires, les routes des économies souterraines mondialisées, la connaissance « de l’intérieur » des formes de transmigration souterraine inusuelle, des jeunes femmes balkaniques et « les clubs prostitutionnels licites du Levant espagnol, associées à la calabraise ‘Ndrangheta pour les drogues »…
« Ces mouvements de va-et-vient tout au long de la Méditerranée européenne ont délimité un territoire transnational des circulations qui a profondément modifié les rapports locaux. De la classique opposition populations immigrées / populations autochtones, gérée par les autorités politiques locales, l’analyse des relations intercommunautaires locales passe nécessairement à la conjugaison de trois entités : autorités politiques locales / immigrants sédentarisés / transmigrants. ».
Mer Noire, Andalousie, Balkans, Italie du Sud, Arles et Perpignan. « Ce territoire circulaire transnational euroméditerranéen désormais infiltré par les milieux criminels est celui que nous allons explorer dans cet ouvrage en suivant les femmes balkaniques pour le travail du sexe. Aller et retour ».
L’auteur souligne, entre autres, l’omerta des gestionnaires politiques des territoires traversés, l’invisibilisation de « la décomposition des groupes sociaux les plus fragiles happés par les nomadismes criminels ».
Alain Tarrius termine sur des études particulières :
– Transmigrations de femmes balkaniques pour la prostitution dans le Levant espagnol,
– Retour sur les enquêtes et présentation de quatre transmigrantes travailleuses du sexe,
– Enquêtes 2007-2013 : Recomposition des milieux criminels, trafics de femmes et de drogue,
– Les alliances originales entre milieux criminels et logistiques du « poor to poor »,
– L’opportunité d’entrer en enquête : l’accès au terrain et Quelques chiffres.
Cet avant-propos, comme les précédents textes de l’auteur (voir à la fin de cette note) permet de rendre visible ce qui est caché par les analyses globales sur la mondialisation ou sur ce qui est masqué pour des raisons (de lâcheté) politiques ou pour ne pas « froisser » les propriétaires et les bénéficiaires des industries du sexe.
Sommaire :
1. Verbatim. La mer Nore, matrice des transmigrations féminines des Balkans et du Caucase vers l’Espagne et le nations nord-européennes : des jeunes femmes parlent
2. Territoires des circulations : route des sultans puis « route en pointillés » ; étapes, enclaves
3. Installations de retour : argent sale ? Économie mondiale ?
4. Quelques autres chemins de départs des clubs
5. Confinement d’avril à juin 2020 et remaniement des logistiques de la mondialisation par le bas
6. Apparition d’une « pépinière prostitutionnelle » dans un département frontalier français intégré dans l’ « espace de mœurs transfrontalier » catalan. Trafics d’adolescent(e)s
Je ne souligne que quelques éléments pris subjectivement dans les présentations, comme par exemple, « la capacité de fusion des opérateurs criminels avec le corps social « ordinaire » », les conditions des femmes qui « font la route », le lien commun et « cette proximité qui défait les différentiations ethniques sur base religieuse ou nationale », la marchandisation boursière des femmes, les liens entre réseaux criminels de vente de psychotropes et ceux opérant dans les « clubs » espagnol, la place des camionneurs, la fin d’activités prostitutionnelles et l’ONG Retours d’Archangella, les chemins du désespoir, les trajectoires inaccessibles aux enquêtes, la diversité des modes d’exploitation des femmes, l’apparition d’un « peuple nomade européen », la notion d’« espace de moeurs », le clientélisme « politico-départemental », les « solidarités mafieuses affirmées », les franchissements de frontière par les trafics criminels, les lieux où « la prostitution licite masque et blanchit les revenus du commerce illicite des drogues », les « tutorats » criminels, l’évolution du rôle du clientélisme politique dans les Pyrénées-Orientales, le clientélisme de « contention » et le fractionnement des populations, l’enclave « criminelle » de La Jonquera, les continuités derrière la discontinuité formelle, les disparitions dans les ténèbres de la misère…
En conclusion, Alain Tarrius insiste, entre autres, sur les douze années d’enquêtes « de suivis sans interruption des nomades du territoire circulatoire sud-européen », la créativité des échanges entre « transmigrants nomades et immigrants sédentarisés », le rôle des « notaires informels », la féminisation des populations nomades du poor to poor, l’ONG Retours de Sardinelle-Archangella…
Le livre se termine par une très intéressante note de lecture du rapport de recherche d’Alain Tarrius et Olivier Bernet, Mondialisation criminelle : la frontière espagnole de La Junquera à Perpignan. Edilivre, Paris 2014.
Alain Tarrius : Trafics de femmes
Au cœur de l’Europe, allers et retours entre les Balkans et l’Espagne
Avec le concours de Lamia Missaoui et Dominique Sistach
L’aube 2022, 192 pages, 21 euros
https://editionsdelaube.fr/catalogue_de_livres/trafics-de-femmes/
Didier Epsztajn
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