Le premier point très important, c’est que c’est Israël qui est à l’origine de l’offensive contre Gaza, pas les Palestiniens.
Ce n’est pas ce qui a été dit dans la plupart des médias. Les Israéliens prétendent que c’est parce qu’Israël subissait des tirs de roquettes lancées depuis Gaza qu’il a riposté par des frappes aériennes. C’est faux. La vérité, c’est que c’est Israël qui a commencé par effectuer des frappes aériennes de façon répétée, assassinant des habitants de Gaza, pour pousser les Palestiniens à riposter par des tirs de roquettes sur Israël. Et, c’est là que les médias ont commencé à répéter en boucle qu’Israël avait le droit de se défendre.
Le deuxième point, c’est que cette offensive n’a pas commencé à Gaza, mais en Cisjordanie, où l’armée israélienne, sans produire de preuve que les Palestiniens étaient responsables du rapt et de la mort des trois colons, avait lancé une expédition punitive dans toute la Cisjordanie. Une des conséquences de cette opération a été l’arrestation de plus de 1000 Palestiniens, parmi lesquels un grand nombre d’élus parlementaires, ce qui porte à 34 le nombre de parlementaires palestiniens incarcérés en Israël. En outre, au cours de cette opération, les forces israéliennes envahissaient plus de 3000 maisons, en démolissaient un grand nombre, volaient de l’argent et détruisaient le mobilier. Les forces israéliennes se sont livrées à des actes de violence de grande ampleur contre les Palestiniens, utilisant des balles à grande vitesse et des fusils contre des manifestants pacifiques qui protestaient contre le kidnapping de Muhammad Abu Khdeir qui avait été torturé et brûlé vif par des colons israéliens. Cet acte avait provoqué une escalade dramatique de la violence dans toute la Cisjordanie.
Le troisième point, c’est que cette guerre n’est pas seulement contre le Hamas, c’est une guerre contre les Palestiniens.
C’est une guerre contre les Palestiniens de Gaza, c’est une guerre contre les Palestiniens de Cisjordanie et de Jérusalem-Est. C’est une guerre contre tous les Palestiniens.
A noter que la plupart de ceux qui ont subi les violences d’Israël sont des civils. Au moment où j’écris cet article, samedi 26 juillet, au moins 1000 Palestiniens ont été tués, dont 90% étaient des civils. Parmi eux, il y a plus de 208 enfants. Plus de 6000 personnes ont été blessées, parmi lesquelles 31% sont des enfants. Des familles entières ont été décimées.
Ne serait-ce que ce matin, 20 membres d’une même famille dont 11 enfants, ont été tués dans leur sommeil, le bâtiment où ils s’étaient réfugiés la veille même, ayant été rasé.
Plus de 30 familles qui ont été, ainsi, effacées des registres d’état civil parce que toute la famille élargie a été éliminée, le père, la mère, les grands-parents, les petits-enfants, tout le monde.
Ce genre d’extermination, ce degré de violence n’est rien moins qu’un massacre, un génocide, perpétré par Israël.
Pour couronner le tout, Israël a obligé des centaines de milliers de personnes à évacuer leurs maisons, les forçant à partir à coups de bombes. Pas moins de 13 000 maisons ont été entièrement ou en partie détruites, des milliers de personnes ont tout perdu, leurs vêtements, leurs affaires personnelles et les souvenirs de toute une vie, et, maintenant, des centaines de milliers d’habitants sont une fois de plus des réfugiés, beaucoup d’entre eux sont hébergés dans des écoles, et ils n’ont plus rien. Si la guerre cesse, quand ils retourneront, s’ils retournent, ils retourneront à du néant, mis à part des gravats. Des quartiers entiers comme celui de Chadjaiya ont été complètement rasés en l’espace de 24 heures.
Même les hôpitaux ont été pris pour cible. A ce jour, l’armée israélienne a bombardé sept hôpitaux, 13 ambulances et deux centres médicaux bénévoles, entre autres centres de soins. Dans plusieurs cas, des membres du corps médical et/ou des patients ont été blessés et tués. Un centre pour handicapés a également été bombardé, et deux femmes handicapées ont été tuées. A une autre occasion, un jeune homme sourd et muet, n’ayant pas réalisé ce qui se passait, a été frappé directement et s’est retrouvé paralysé des jambes jusqu’à la taille, ce qui ajoute un nouveau handicap lourd dans sa vie.
Les propos les plus touchants et les plus déchirants que j’ai entendus, ce sont ceux d’un homme qui disait à ses deux enfants à l’hôpital, tués par une frappe aérienne israélienne : "pardonnez-moi, mes enfants, je n’ai pas pu vous protéger". Ce sentiment d’impuissance est accablant parce que des milliers et des milliers de gens aujourd’hui à Gaza, des milliers de mères et de pères sont dans l’impossibilité de protéger leurs enfants. Beaucoup ont vu leurs enfants tués, certains ont vu leurs enfants décapités par les bombes d’Israël.
Le point suivant concerne l’affirmation selon laquelle Israël a le droit de se défendre.
Ce qui est le plus insultant, c’est que de nombreux dirigeants mondiaux, comme Angela Merkel et Barack Obama, parlent du droit d’Israël à se défendre mais ne disent pas un mot sur le droit des Palestiniens à se défendre, alors que ce sont les Palestiniens qui sont opprimés dans cette lutte. Ce sont les Palestiniens dont les terres sont occupées depuis 47 ans, et qui ont été forcés de prendre le statut de déplacés et de réfugiés depuis 1948, et encore eux qui subissent un système d’apartheid, la discrimination et la ségrégation créés par l’occupation israélienne.
Et malgré tout cela, personne ne parle de notre droit à nous défendre.
En réalité, ce que nous constatons dans le discours israélien n’est autre que la tentative constante de déshumaniser les Palestiniens, comme si les Palestiniens n’étaient pas des êtres humains à part entière, comme si la vie des Palestiniens ne comptait pas, comme si la vie des Palestiniens ne valait rien, comme s’il était normal que plus de 1000 Palestiniens soient tués et 6000 soient blessés.
Pendant ce temps, tout ce dont on parle, ce sont des répercussions psychologiques que peut avoir la peur sur la population israélienne, même si jusqu’à présent, les projectiles lancés depuis Gaza n’ont tué que deux civils. A ce jour, 42 Israéliens ont été tués, 40 étaient des militaires. Il y a des soldats qui ont été tués à Gaza quand ils ont envahi Gaza et attaqué la population, commettant , de ce fait, un acte d’agression. Nous ne voulons pas que les gens meurent, qu’ils soient israéliens ou palestiniens. Mais dire que les Palestiniens sont les agresseurs dans cette situation est immoral et absolument inacceptable.
L’asymétrie de la situation actuelle est également un point très important à éclaircir.
On a là l’armée israélienne, probablement la 4ème armée la plus puissante du monde, qui attaque des civils dans un des lieux les plus peuplés au monde, avec 1,8 millions de personnes qui vivent dans moins de 360 km2, c.à.d. 12.000 personnes pour 2,5 km2, en période "normale", mais qui est près du double actuellement, Israël ayant déclaré 44% de Gaza en zone dangereuse, martelant cela en bombardant les maisons. Ces 1,88 millions d’habitants ont été bombardés par une aviation puissante, des navires de guerre très puissants et l’artillerie, alors que les Palestiniens n’ont que des armes primitives pour se défendre.
Même les roquettes qui ont été lancées sur Israël – et nous ne sommes pas d’accord avec cela pour autant - ne sont pratiquement tout le temps que des outils psychologiques.
Ces tirs font peur aux Israéliens, certes, mais ces projectiles n’ont que très rarement fait des dégâts. Les dégâts, c’est quasiment exclusivement l’autre camp, celui des Palestiniens, qui les subit.
On ne peut en aucune façon mettre les deux en parallèle, l’armée sophistiquée et le peuple palestinien. Il est clair qu’il y a asymétrie, et, pourtant, les forces israéliennes ne cessent de mener des attaques violentes disproportionnées et sans discrimination contre la population palestinienne.
Il y a un élément qui est pratiquement toujours occulté, c’est la question du siège de Gaza.
Le siège de Gaza dure depuis huit ans et il a entrainé la crise humanitaire la plus abominable non seulement dans la région, mais dans le monde entier. Il s’agit là de 1,8 millions de personnes encerclées sur la terre, sur la mer et dans les airs. Israël contrôle tous les passages, il contrôle le ciel et il contrôle la mer. Les pêcheurs n’ont pas le droit d’aller pêcher à plus de 4,5 km du rivage ; il leur a été formellement interdit d’aller pêcher ces trois dernières semaines. Pratiquement personne ne peut entrer ou sortir, même pour être hospitalisé ou pour recevoir un traitement médical. Le seul passage pour l’Egypte est fermé côté égyptien.
Ce siège a entrainé des problèmes graves.
Gaza manque de matériaux de construction. Gaza n’a pas accès à l’eau potable : 90% de l’eau à Gaza est impropre à la consommation parce qu’elle est soit salée soit polluée.
Plus de 300.000 personnes ne sont plus approvisionnées en eau parce que les canalisations ont été détruites par les bombardements israéliens et que, quand les ouvriers ont tenté de les réparer, l’armée israélienne leur a tiré dessus.
L’électricité est également un énorme problème à Gaza. La plupart des habitants n’ont pas d’électricité plus de 6 à 8 heures par jour. Et, aujourd’hui, plus d’un tiers de la population n’a plus du tout d’électricité parce qu’Israël a bombardé l’unique centrale électrique de Gaza.
A cause du siège, 90% des jeunes diplômés sont au chômage.
A cause du siège, le taux de pauvreté est très élevé à Gaza, fait aggravé par les prix élevés des produits de base qui viennent obligatoirement d’Israël. C’est une situation inacceptable.
Un siège de cette ampleur est un acte d’agression.
Il est très important de rappeler aux dirigeants mondiaux qu’en 1967, Israël avait déclaré qu’il avait le droit d’attaquer l’Egypte, la Syrie, la Jordanie et le peuple palestinien et d’occuper toute la Cisjordanie, Jérusalem-Est, la Bande de Gaza, le Golan et l’ensemble du Sinaï, simplement parce que l’armée égyptienne avait fermé le passage pour Eilat, un petit port dans le sud d’Israël.
Israël avait toujours libre accès à la Méditerranée, mais malgré cela, ils considéraient qu’il s’agissait d’un acte d’agression qui leur donnait le droit de se livrer à une des pires guerres au Moyen-Orient. C’est la raison pour laquelle nous disons qu’un cessez-le-feu n’est pas suffisant : il faut également lever le siège de Gaza, parce que le siège en soi est un acte d’agression.
Aujourd’hui, les Palestiniens demandent le cessez-le-feu. Mais Israël refuse.
Il y a eu deux ou trois tentatives de cessez-le-feu humanitaire, afin que les Palestiniens puissent retirer des décombres, à Chadjaiya ou à Khuzaa, par exemple, tous les corps de ceux qui ont été tués et y sont encore ensevelis.
C’est désespérant de savoir qu’il y a probablement beaucoup de blessés là-bas qui ne peuvent toujours pas avoir accès aux soins et qui vont mourir, soit en se vidant lentement de leur sang soit des suites de leurs blessures parce qu’il n’y a pas eu de véritable cessez-le-feu et qu’aucune équipe médicale n’a eu l’autorisation de se rendre auprès d’eux.
En fait, les forces israéliennes ont non seulement bombardé des hôpitaux, des écoles, des mosquées et des maisons, mais elles ont aussi pris pour cible des équipes de premiers secours et des ambulances, et tué trois secouristes. Elles ont incendié deux ambulances qui tentaient de se rendre auprès de blessés à Chadjaiya. Elles ont détruit de nombreuses cliniques, et un grand nombre de secouristes ont été blessés ou tués.
C’est un acte de nettoyage ethnique, un acte de génocide et un acte de terrorisme contre la population palestinienne.
Déshumaniser les Palestiniens n’effacera jamais les faits.
Cette guerre a été lancée par Israël. Il est même contestable d’appeler cela une guerre, car une guerre implique qu’il y a combat entre deux camps de puissance comparable. En réalité, ce n’est pas une guerre, c’est un acte d’agression commis par une puissance occupante qui cherche à régler le problème de l’occupation en augmentant l’occupation.
Aujourd’hui, les massacres ont repris en Cisjordanie également, où Israël a tiré à nouveau sur des manifestants pacifiques avec des balles à haute-vélocité. Cela fait des années que le monde entier nous dit d’organiser d’énormes manifestations non violentes avec des milliers de participants. C’est exactement ce que nous avons fait à Ramallah, le 24 juillet, où plus de 25.000 personnes ont défilé pacifiquement pour se rendre à Jérusalem pour protester contre le massacre à Gaza, exiger que cesse cette agression et réclamer l’accès à Jérusalem pour pouvoir aller prier à la mosquée d’Al-Aqsa le soir le plus sacré pour les musulmans palestiniens.
Alors que nous approchions du poste de contrôle, cerné par de nombreuses forces de sécurité, l’armée israélienne a commencé à nous tirer dessus. Des tireurs isolés ont tiré sur les manifestants avec des balles à grande vitesse, une scène qui rappelait comment, à Soweto, dans les années 1970, les manifestants pacifiques avaient été traités par la police de l’apartheid.
Au cours de cette nuit-là, ils ont tiré sur 211 Palestiniens. En l’espace de quatre heures, six d’entre eux avaient perdu un œil, six autres étaient grièvement blessés et un y avait perdu la vie. Le lendemain même, l’armée israélienne, tirant à balles réelles, tuait neuf Palestiniens qui manifestaient pacifiquement à Hébron, Naplouse, Bethlehem et Jénine. Environ 60 personnes étaient blessées. Et ce n’est pas fini.
Ceux qui sont tués en Cisjordanie ne sont pas du Hamas et ne sont pas à Gaza. Ils ne lancent pas des roquettes sur Israël, ils n’ont pas d’armes pour se défendre. Et pourtant, ils sont tués à maintes occasions par une armée israélienne qui s’estime au-dessus des lois internationales grâce au silence et à la complicité de nombreux dirigeants occidentaux.
Le Secrétaire Général de l’ONU, M. Ban Ki-Moon, n’a pas le courage de demander à Israël de répondre de ses actes, même quand l’armée israélienne bombarde une école de l’ONU à Beit Hanoun, tuant 16 femmes et enfants et en blessant 200 autres parmi ceux qui s’y sont réfugiés.
Finalement, il faut se rappeler que ce degré de violence s’est produit à maintes reprises depuis 66 ans. L’origine du problème, c’est l’occupation de la Palestine par Israël, la construction de colonies et l’expulsion forcée de centaines de milliers de personnes de leurs maisons. C’est la plus longue occupation de l’époque moderne et elle dure depuis 47 ans. C’est une occupation qui s’est transformée en un système d’apartheid et de discrimination. Si on ne trouve pas de solution, si on ne met pas un terme à l’occupation et au système d’apartheid, il n’y aura pas de paix, a fortiori de stabilité ou de vie normale.
Quand nous luttons pour notre liberté en tant que Palestiniens, il ne s’agit pas uniquement de notre propre liberté, il ne s’agit pas seulement de notre propre avenir, mais également de l’avenir des Israéliens. Parce que les Israéliens ne seront jamais libres eux-mêmes tant que nous ne serons pas libres. Il est temps de voir que les extrémistes en Israël, qui ont tiré profit de toutes ces guerres, se servent des vies et des quartiers des Palestiniens pour tester leurs armes, pour qu’Israël puisse continuer à vendre des armes dans le monde entier, et devienne le troisième plus grand exportateur de matériel militaire mondial.
Il faut que cela cesse.
L’occupation doit cesser et cette question d’asymétrie doit être prise en compte ; l’impunité et la réalité des faits doivent être révélées au grand jour. Il est temps de dire à Israël "maintenant, ça suffit !" ; il est temps de dire au monde entier : "ouvrez les yeux, s’il vous plait, regardez les faits" ; Citoyens de tous les pays du monde, que ce soient les Etats-Unis, l’Allemagne ou la France, vous avez le droit de connaitre la vérité et vos médias ne vous disent pas la vérité. Vos médias sont, pour la plupart, inondés par la propagande israélienne.
Il faut que cela change.
Mustafa Barghouthi
Le docteur Moustafa Barghouthi est un personnage de premier plan de la société civile palestinienne, défenseur de longue date du mouvement palestinien de non-violence. Il est l’un des fondateurs du parti politique indépendant, "l’Initiative nationale palestinienne ", et est membre du Conseil Central de l’OLP.
Traduction Leo Lerouge
Remarque en marge de l’article
Et, pendant les crimes contre l’humanité, les affaires continuent ...
Le droit de se défendre d’Israël massivement et financièrement soutenu au Congrès US :
Les USA débloquent l’aide pour le Dôme de fer (225 millions de dollars pour financer le système anti-missiles déployé en Israël face aux tirs de Gaza. Le projet de financement a été voté par 395 voix pour contre 8 contre).
SOURCE : » » http://www.alternet.org/world/debunked-mendacious-propaganda-israel-pu...
URL de cet article 26487
http://www.legrandsoir.info/demythifier-le-matraquage-martele-par-israel-pour