C’est avec la plus extrême indignation que j’ai appris, à la suite de la catastrophe de Lac-Mégantic, que le gouvernement canadien tolère que des compagnies ferroviaires obnubilées par le profit immédiat et peu soucieuses du bien-être et de la sécurité des populations riveraines de leurs voies ferrées abandonnent sans aucune sorte de surveillance leurs trains chargés de produits inflammables et potentiellement explosifs sur une voie ferrée principale, plutôt que sur une voie de stationnement qui est disponible à cet emplacement, en haut d’une pente descendante menant directement au coeur d’un centre-ville, où une courbe serrée oblige un convoi à réduire considérablement sa vitesse, sans quoi il ne peut pas éviter le déraillement !
C’est avec le plus grand ahurissement que j’ai appris que le gouvernement canadien tolère que le moteur de la locomotive de ce convoi laissé sans surveillance continue à fonctionner !
C’est avec la plus profonde consternation que j’en suis venu à la conclusion qu’une telle négligence de la part du gouvernement est objectivement un véritable encouragement à l’action terroriste : C’est pousser au crime que d’offrir ainsi une bombe potentielle à un groupe mal intentionné (ou même à un seul individu capable de desserrer des freins et si besoin est, en terrain plat, par hypothèse, capable de pousser la manette des gaz… C’est moins compliqué que de piloter un Boeing 767 !...) C’est offrir à des terroristes le cadeau d’un engin infernal tout préparé, d’une bombe livrée à pied d’oeuvre déjà amorcée, arme de destruction massive constituée de 5 locomotives tirant 72 wagons chargés d’un produit extrêmement dangereux, du pétrole brut léger qui est entreposé dans des citernes aux parois idéalement minces et fragiles, lesquelles vont céder à des températures relativement basses, enflammer la partie gazéifiée du pétrole et provoquer une énorme explosion et de multiples incendies dévastateurs, dès qu’il y aura eu un impact. Or cet impact meurtrier va immanquablement se produire, puisque le convoi, une fois lancé sur la pente, tracté et poussé par les locomotives ou attiré par la force de gravité, (Connaissez-vous, monsieur le Premier ministre, l’histoire de la pomme ? Pas celle que l’on croque, les yeux dans les yeux, toujours plus à l’ouest d’Eden ; celle qui, fatalement, va nous tomber sur la tête, si on fait fi des lois de la science) … l’affreux train noir de la mort va prendre de la vitesse et ne pouvant pas négocier le virage du centre-ville, va dérailler et les wagons vont s’empiler, s’entrechoquer et produire une déflagration qui va tout détruire sur son passage !!! « Merci, monsieur Harper, de nous rendre la tâche aussi facile ! Zarathoustra vaincra ! »
Cette fois-ci le scénario s’est réalisé tout seul, sans même l’intervention d’une personne malveillante. Il aura suffi d’un incendie malencontreux et de quelque possible négligence ou incompétence d’un employé, ou encore d’un possible laxisme de la part de la compagnie qui n’avait peut-être pas prévu tous ces cas de figure… pour que l’impensable se produise ! Mais le résultat est le même : de nombreux morts et des dommages matériels extrêmement importants ; une ville dévastée et une population traumatisée. Ce ne sont pas les larmes de crocodile des responsables de la MMA Railway qui vont panser les plaies des endeuillés de Lac-Mégantic. Et après ce désastre, c’est aux gouvernements de la municipalité et de la province qu’il incombe de ramasser les pots cassés…
Le fédéral, lui, peut bien s’en laver les mains ! Ne s’agit-il pas, somme toute, de rien de plus que d’effets collatéraux du progrès économique à tout prix ? (Beaucoup plus dommageables quand même en un seul événement que n’importe quelle action guerrière de nos militaires en Afghanistan, puisqu’on parle de la possibilité de 50 pertes de vie à Lac-Mégantic, en quelques minutes, alors que les Forces canadiennes ont perdu un total de 158 combattants lors de leur engagement à Kaboul et à Kandahar, entre 2002 et 2011…)
Ne s’agit-il pas de la loi du Marché qui veut que, si les États-Uniens ont du pétrole à transporter du Maine vers le Nouveau-Brunswick, en passant par le Québec, (pour le plus grand bénéfice des vendeurs étrangers et de l’empire acadien de la gazoline, mais sans avantage pour les occupants des zones de passage obligé, comme le Québec) ils le transporteront, au coût le plus faible, même si cela implique la participation de transporteurs peu solvables, en dépit des aides que leur consentent les gouvernements canadien et québécois… Et même si cela implique des risques à assumer par la population des municipalités riveraines des voies ferrées et des menaces à notre environnement .
Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous, dores et déjà et sans présumer des résultats de l’enquête à faire sur les lieux de la tragédie, nous indiquer quels changements vous comptez apporter sans délai aux règlements qui régissent le transport ferroviaire et en particulier en ce qui concerne les compagnies de seconde zone, (de classe 2), de façon à ménager dans cette économie capitaliste en folie une plus grande place pour l’humain, une place pour la dignité, pour le respect, pour la sécurité de vos concitoyens ? Après tout l’économie c’est sans doute, entre autres choses, des ressources naturelles, des entreprises et des marchandises, mais c’est d’abord et avant tout une collectivité d’humains, au service, au développement et au bonheur desquels cette activité économique doit être vouée. Et n’était-ce pas des valeurs de cet ordre (de respect, de dignité, de paix et de sécurité) que nos soldats étaient allés défendre et promouvoir en Afghanistan ?
1- Allez-vous, monsieur le Premier ministre, finalement vous décider à être proactif ? Plutôt que d’attendre béatement que les compagnies récalcitrantes s’autorégulent d’elles-mêmes ? Plutôt que d’attendre qu’il y ait d’autres catastrophes ?
2- Allez-vous tout faire pour prévenir et pour éviter les situations à risques, dans le transport ferroviaire ?
3- Allez-vous à tout le moins resserrer les règlements sur l’épaisseur des parois des citernes transportant du pétrole ?
4- Allez-vous imposer l’obligation de stationner un train dans une voie de garage munie d’un taquet dérailleur ou d’un taquet d’arrêt et non pas sur une voie principale ? Et en terrain plat, sans possibilité de dévaler vers une zone habitée ?
5- Allez-vous, dans le cas d’un train à l’arrêt en attente d’une équipe de relève, imposer l’obligation d’immobiliser chacune des locomotives et chacun des wagons à l’aide des freins de sécurité ?
6- Allez-vous imposer l’obligation d’avoir une surveillance sur place, pendant tout arrêt pour un changement de quart de travail ?
7- Allez-vous imposer l’obligation d’avoir plus d’un conducteur à bord d’un convoi aussi important, aussi potentiellement dangereux et aussi sensible aux possibles interventions d’un commando terroriste ?
8- Allez-vous prévoir des sanctions sévères (des amendes salées) pour chacun des manquements à ces règlements ?
9-Allez-vous faire surveiller les trains par du personnel qualifié plutôt que de laisser les compagnies décider elles-mêmes à quelle partie des règlements elles se conforment ?
10- Et allez-vous vous assurer que ces mesures dissuasives seront appliquées avec rigueur ?
Merci, monsieur le Premier ministre, enfin de penser aux gens et non pas seulement à l’argent.
Aimé Lagarde