Édition du 17 décembre 2024

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Europe

Crise humanitaire sans précèdent en Grèce

Discours prononcé devant la Commission Sociale de l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe le 24 janvier 2012 à Strasbourg sur le thème : « Les mesures d’austérité - un danger pour la démocratie et les droits sociaux".

Presque deux ans après le début du traitement de choc imposé par la Banque Centrale Européenne, la Commission Européenne et le Fonds Monétaire International à la Grèce, son bilan est catastrophique, révoltant et inhumain.

Tout d’abord, même les inspirateurs de ces politiques admettent maintenant ouvertement non seulement leur échec patent, mais aussi que leurs recettes étaient dès le début totalement erronées, irréalistes, inefficaces et même contre-productives. En voici une illustration qui concerne non pas une question secondaire mais le cœur du problème, la dette publique grecque elle-même : Selon tous les responsables du désastre grec, si leurs politiques (d’austérité plus que draconienne) résultent efficaces à 100%, ce qui est d’ailleurs totalement illusoire, la dette publique grecque sera ramenée en 2020 à 120% de PIB national, c’est-à-dire au taux qui était le sien …en 2009 quand tout ce jeu de massacre a commencé ! En somme, ce qu’ils nous disent maintenant cyniquement c’est qu’ils ont détruit toute une société européenne… absolument pour rien !

Mais, comme si tout ca ne suffisait pas, ils persistent à imposer aux Grecs –mais aussi pratiquement à tout le monde- exactement les mêmes politiques qu’eux-mêmes admettent qu’elles ont déjà fait faillite. C’est comme ca qu’on est désormais en Grèce au septième « Mémorandum » d’austérité et de destruction de services publics, après que les six premiers aient fait preuve d’une totale inefficacité ! Et c’est aussi comme ca qu’on assiste au Portugal, en Irlande, en Italie, en Espagne et un peu partout en Europe à l’application de ces mêmes plans d’austérité draconienne qui aboutissent partout au même résultat, c’est-à-dire enfoncer les économies et les populations dans une récession et un marasme toujours plus profonds.

En réalité, des expressions telles que « austérité draconienne » sont absolument insuffisantes pour décrire ce qui est en train de se passer en Grèce. Ce n’est pas seulement que les salariés et les retraités soient amputées de 50% ou même, dans certains cas de 70%, de leur pouvoir d’achat dans le secteur public et un peu moins dans le secteur privé.

C’est aussi que la malnutrition fait déjà des ravages parmi les enfants de l’école primaire ou que même la faim fasse son apparition surtout dans les grandes villes du pays dont le centre est désormais occupé par des dizaines des milliers des SDF misérables, affamés et en haillons. C’est que le chômage atteint désormais 20% de la population et 45% des jeunes. (49,5 pour les jeunes femmes).

Que les services publics soient liquidés ou privatisés avec comme conséquence que les lits d’hôpitaux soient réduits (par décision gouvernementale) de 40%, qu’il faut payer très cher même pour accoucher, qu’il n’y ait plus dans les hôpitaux publics même des pansements ou médicaments de base comme des aspirines.

Que l’Etat grec ne soit pas encore –en ce janvier 2012 !- en mesure de fournir aux élèves les livres de l’année scolaire commencée en septembre passé.

Que des dizaines des milliers de citoyens grecs handicapés, infirmes ou souffrants des maladies rares se voient condamnés à une mort certaine et à brève échéance après que l’Etat grec leur a coupé les subsides et les médicaments.

Que les tentatives de suicide (réussies et pas) s’accroissent à une vitesse hallucinante comme d’ailleurs les séropositives et les toxicomanes abandonnés désormais à leur sort par les autorités…

Que des millions de femmes grecques se voient maintenant chargées en famille des taches normalement assumées par l’Etat à travers ses services publics avant que ceux-ci soient démantelés ou privatisés par les politiques d’austérité. La conséquence en est un véritable calvaire pour ces femmes grecques : non seulement elles sont les premières a être licenciées et sont contraintes d’assumer les taches des services publics en travaillant de plus en plus gratuitement a la maison, mais elles sont aussi directement visées par la réapparition de l’oppression patriarcale qui sert comme alibi idéologique au retour forcé des femmes au foyer familiale.

On pourrait continuer presque à l’infini cette description de la déchéance de la population grecque. Mais, même en se limitant à ce qu’on vient de dire on constate qu’on se trouve devant une situation sociale qui correspond parfaitement à la définition de l’état de nécessite ou de danger reconnu depuis longtemps par le droit international. Et ce même droit international permet et même oblige expressément les Etats à donner la priorité à la satisfaction des besoins élémentaires de ses citoyens et non pas au remboursement de ses dettes.

Comme le souligne la Commission du droit international de l’ONU à propos de l’état de nécessité : « On ne peut attendre d’un État qu’il ferme ses écoles et ses universités et ses tribunaux, qu’il abandonne les services publics de telle sorte qu’il livre sa communauté au chaos et à l’anarchie simplement pour ainsi disposer de l’argent pour rembourser ses créanciers étrangers ou nationaux. Il y a des limites à ce qu’on peut raisonnablement attendre d’un État, de la même façon que pour un individu. »

Alors, notre position, qui est d’ailleurs la position des millions de grecs, est claire et nette et se résume au respect de l’esprit et la lettre du droit international. Les Grecs ne doivent pas payer une dette qui n’est pas la leur pour plusieurs raisons.

Primo, parce que l’ONU et les conventions internationales -signées par leur pays mais aussi par les pays de leurs créanciers- intiment à état grec de satisfaire en toute priorité non pas ses créanciers mais plutôt ses obligations envers ses nationaux et les étrangers qui se trouvent sous sa juridiction.

Secundo, parce que cette dette publique grecque ou au moins une part très importante d’elle semble réunir tout les attributs d’une dette odieuse et en tout cas illégitime, que le droit international intime de ne pas rembourser. C’est d’ailleurs pourquoi il faudrait tout faire non pas pour empêcher (comme l’état grec le fait maintenant) mais plutôt pour faciliter la tache de la Campagne grecque pour l’audit citoyen de cette dette afin d’identifier sa part illégitime qu’il faudrait annuler et ne pas payer.

Notre conclusion est catégorique : la tragédie grecque n’est ni fatale ni insoluble. La solution existe et la répudiation, l’annulation et le non paiement de la dette publique grecque en fait partie en tant que premier pas vers la bonne direction. C’est-à-dire, vers le salut de tout un peuple européen menacé par une catastrophe humanitaire sans précédent en temps de paix…

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