À la lecture de son billet, on croirait que QS est noyauté par les hordes communistes qui manipulent le parti comme bon leur semble. Une dizaine de candidatEs de QS aux élections de 2008 (sur 125) provenaient des rangs de groupuscules d’extrême gauche. Le tiers de l’exécutif est composé de militantEs anti-capitalistes. Et de déplorer la faible couverture médiatique des congrès de QS qui permet que de semblables individus puissent se glisser hors de l’écran radar des bien pensants de notre société. Méfiez vous dit-elle, vous avez voté pour Jack Layton et le NPD a fait une percée remarquable sur la scène politique québécoise. Il ne faudrait pas qu’un tel phénomène se répète avec Québec solidaire, car nous aurions un gouvernement dirigé par des marxistes assoiffés de sang et qui mangent les bébés.
Une telle approche journalistique (???) provoque des haut-le-cœur du fait de sa méthode archaïque qui consiste en un trompe-l’œil permettant de pointer le débat là où il n’est pas. Pendant que l’attention se porte sur les méchants gauchistes de QS, on évite de parler des amiEs de madame Gagnon et de leurs rôles dans la crise financière actuelle, dans la gestion du Québec en matière d’énergie et de ressources et des menaces contre les services publics.
Il serait pratique de demander à madame Gagnon ses propres affinités politiques, elle qui nous donne des leçons de politique et qui se prétend “propre”. Tel le prestidigitateur qui occupe notre attention d’une main pour compléter le truc de l’autre, la chroniqueuse de La Presse attire l’attention sur un non-enjeu alors que de l’autre, elle garde le silence sur l’activité politique de ses patrons, Power Corp, Gesca et autres Groupe Investor ou Total.
Madame Gagnon passe sous silence les tractations de Power Corp en faveur de la privatisation des services de santé au profit de ses intérêts dans les assurances (Great West Lifeco, London Life, Canada Vie, etc.), des compressions dans les régimes de retraite (qui profiteront à des compagnies privées comme la London Life, Great West propriété de Power Copr.), de l’exploitation des énergies fossiles pour grossir les coffres de Total ou de GDF Suez (dans lesquels Power Corp. possède des intérêts), ou de la déréglementation du secteur financier pour favoriser certaines de ses propriétés comme PanAgora ou Putnom Investments. Elle oublie de faire mention du lobbying politique de son patron en direction du gouvernement Charest et de la Caisse de dépôt et placement du Québec. Les raisons des récentes visites à son domaine de Charlevoix et rapportées par la presse (de Québecor, Gesca n’a fait que réagir à la publication de la nouvelle) devraient intéresser une journaliste intègre.
Mais non, on préfère montrer du doigt la menace gauchiste, contribuant ainsi à faire diversion dans le débat citoyen qui nous occupe concernant le maintien des services publics hors des principes du profit avant tout, la hausse des redevances tirées de l’exploitation des richesses naturelles du Québec, le droit à une retraite digne, exempte de tentatives de spéculation de la part de l’entreprise privée. Bien sûr, de tels débats vont à l’encontre des intérêts de vos patrons, madame la chroniqueuse. Power Corp. voit dans ces secteurs des occasions de faire encore davantage de profits, “si seulement les méchants gauchistes peuvent enfin se taire et cesser de stigmatiser un entrepreneur qui gagne honnêtement sa vie”.
Les médias de Gesca, comme ceux de Québecor, ont tenté de jouer sur toutes sortes de thèmes pour dénigrer le projet de gauche politique qui s’incarne dans la construction de Québec solidaire. Après avoir observé cette nouvelle créature aux tout debout, la Presse a joué l’ignorance et l’indifférence pendant un certain temps. Puis l’élection d’Amir Khadir a compromis leurs projets forçant une couverture minimale des activités de QS.
Le travail exemplaire de l’élu de QS et son écho dans la population ont fait bouger la stratégie. On tente maintenant de diviser les deux porte-parole dans le dossier de la stratégie des alliances et on sort l’épouvantail pour éloigner les plus frileux. Une telle approche nous ramène aux vieilles pratiques du “Ce soir, on fait peur au monde” bien connu d’une droite en mal d’arguments, qui met sous couvert les véritables orientations politiques qu’elle défend et sert la poudre aux yeux des désespéréEs protecteur des 1% de notre société.
Le projet de QS de réunir toutes les forces de gauche est pleinement légitime. Seuls les débats démocratiques permettent de trancher entre différentes positions et orientations politiques. Conscient que madame Gagnon a perdu de vue de telles conceptions de la démocratie politique dans les méandres des congrès du Parti libéral (du Canada ou du Québec, c’est la même vision des choses), nous lui concédons qu’effectivement des courants politiques différents sont présents dans QS. QS a fait preuve de principes démocratiques en misant sur une approche unitaire de la construction d’un parti de gauche au Québec. Il est donc hors de question de se laisser donner des leçons de morale politique par une chroniqueuse au service des intérêts politiques de l’oligarchie financière et médiatique. Et gageons que dans l’avenir lors de discussions vives dans QS, madame Gagnon soulignera à grands traits que la gauche ne cesse de se diviser.