La CAQ, surfant sur une couverture médiatique peu critique bénéficie du ralliement « Tous derrière la CAQ » et monopolise l’attention et les décisions. On serait prêts à donner à François Legault et son parti « l’absolution sans confession ». Ça crée les conditions pour qu’il puisse court-circuiter les niveaux décisionnels au nom de l’efficacité et de l’urgence de la situation. La ministre de la santé a modifié les conventions collectives arbitrairement avec l’arrêt 2020-007. La ministre des affaires municipales et de l’habitation évoque la pandémie pour mettre fin à la présence citoyenne dans les structures décisionnelles comme les conseils municipaux et court-circuiter les mécanismes de consultation (référendums, signatures de registre, etc.). On conditionne l’opinion publique pour que les citoyen.e.s soient prêts à sacrifier une bonne part de démocratie pour un peu (d’apparence) de sécurité. Et si ça ne fonctionne pas, ce sera à cause de la négligence des citoyen.ne.s.
L’unité de toute la nation paraît une réponse adéquate dans le contexte d’une crise importante comme celle que nous vivons. Nous serions tous et toutes concerné.e.s par la situation. Tous et toutes égaux et égales face aux risques de maladie et de mortalité. Dans les faits, cette crise révèle une fois de plus que nous n’en sommes pas là et que c’est un marché de dupes. La maladie frappe davantage les personnes vulnérables que les gens des classes privilégiées. Des salarié.e.s doivent se rendre au travail malgré les recommandations parce qu’ils et elles ne disposent pas des moyens pour s’isoler et de s’absenter du travail ou que les patrons refusent de les libérer. Par l’importance de leur tâches, certain.e.s salarié.e.s doivent être en première ligne (caissières d’épicerie, travailleurs et travailleuses de la construction, services d’urgence,, etc.). Par ailleurs, alors que l’on organise le télé-travail pour certain.e.s, des centaines de milliers de personnes se retrouvent au chômage pour une durée indéterminée. On ajoute à la tâche des parents déjà en pleine réorganisation de leurs activités, la formation scolaire des enfants et des adolescent.e.s. Lors de sa conférence de presse du lundi 23 mars, François Legault demande de fermer toutes les entreprises non-essentielles.
Les coupures imposées au réseau de la santé et des services sociaux au cours des récentes décennies privent celui-ci de moyens qui seraient précieux en ce moment. Les ratios et le temps supplémentaire obligatoire imposés aux infirmières et au personnel soignant n’ont jamais été revus à la baisse malgré les engagement en ce sens. Les propositions de la CAQ dans le cadre des négociations dans le secteur public ne comptent pas changer la situation. Ce ralliement à la gestion caquiste ne donne aucun avantage à l’opposition et laisse le champ libre à la démagogie et aux dérapages racistes (les discours sur la fermeture des frontières et les « origines chinoises » du virus).
La démocratie suspendue
Le 17 mars dernier, la CAQ annonce la suspension des travaux de l’Assemblée nationale. Cette mesure de mise en congé de l’Assemblée nationale a été prise avec l’approbation de l’aile parlementaire et de la direction de Québec solidaire. Cette dernière a aussi suspendu toutes les activités internes et publiques du parti sans aucune consultation. Une telle démission devant une attaque frontale à la démocratie la plus élémentaire doit être dénoncée. Des membres de quelques associations locales et régionales tentent de remettre le train sur les rails.
Dans une lettre aux membres du parti, la direction a voulu donner l’impression de sortir de sa torpeur et de son mutisme. Manon Massé affirme que QS « va s’assurer que personne ne soit laissé derrière ». Elle affirme être « en contact régulier avec le premier ministre et son cabinet ». Elle a abordé les questions d’information au public, des besoins des organismes communautaires, d’une campagne d’achat local, des dettes étudiantes, etc. Elle termine sa missive par une déclaration pour les gens qui doivent malgré tout travailler : « on doit vous soutenir, peu importe la situation. Que vous soyez en train de soigner notre monde en première ligne ou que vous ayez perdu votre emploi ou vos contrats, on doit être solidaires. » Bref, aucune perspectives, aucune solution autre que celle « d’être solidaires ». Que du lobbying derrière des portes closes. C’est un peu court...
On peut comprendre : le contexte est difficile. La CAQ construit un immense appui populaire autour de sa gestion de la crise. La solution facile pour l’opposition est d’adopter une attitude suiviste. Mais le temps fera son œuvre et montrera les failles de la politique caquiste à deux vitesses. Déjà des syndicats de l’industrie de la construction demandent la suspension des chantiers. Des entreprises offrent d’importantes augmentations de salaires à leurs employé.e.s pour pallier les risques de contamination par ces personnes et s’assurer contre les pénuries de main d’oeuvre. Le patronat est à pied d’oeuvre pour profiter de la crise ou pour en limiter les effets négatifs.
QS doit rappeler que la CAQ fait partie du problème, pas de la solution. Qu’ils ont soutenu l’austérité et les coupures dans le réseau de la santé. Que sa réponse à la crise est teintée de clientélisme qui laisse deviner des intentions électoralistes derrière certaines décisions. QS doit reprendre la bataille d’une lutte à la pandémie sans exclusion et en défense des droits des salarié.e.s, des femmes et des jeunes. Il doit réfléchir à des façons de faire qui construisent une mobilisation pour ceux qui sont isolés à la maison. Il peut initier une concertation des organismes syndicaux et populaires pour que l’après-crise ne soit pas un retour à la « normalité capitaliste » mais un train de mesures de renforcement du caractère public du réseau de la santé et des services publics, de lutte aux changements climatiques et de protection des plus vulnérables. Mais pour cela, le parti doit sortir de son immobilisme et s’assurer le leadership de cette cause.
Préparer les lendemains de la crise
QS pourrait entreprendre une campagne qui mette en évidence la dépendance de notre réseau de la santé vis-à-vis les entreprises pharmaceutiques et qui propose une socialisation de la recherche et de la production de médicaments par la mise en place de Pharma-Québec. Une bataille qui propose de remettre le réseau de la santé dans le giron public et de mettre fin à la présence du privé dans ce secteur. Les soins de santé ne doivent pas être une source de profits. Une lutte qui comprend que la situation actuelle ouvre la porte à une pédagogie populaire sur la crise environnementale, qui trouve de nouvelles façons de mener la campagne 2020 et qui fait la démonstration qu’une politique de réduction radicale des GES est possible (et nécessaire). Une lutte qui pose la question de la priorité de notre économie : la qualité de vie de la majorité de la population ou les profits d’une petite minorité ultra-privilégiée. Une lutte qui pose la place des femmes dans notre société, elles qui se retrouvent souvent en première ligne de la santé publique. Une lutte qui encourage la mise en place de réseaux d’entraide sur lesquels on pourra par la suite s’appuyer pour rebâtir le Québec sur de nouvelles bases. Reprendre le flambeau de la défense des classes populaires et des plus vulnérables dans ce contexte de crise aiguë, voilà ce qui doit motiver la gauche politique en ce moment.
Sauver l’économie capitaliste ou la planète et ceux et celles qui l’habitent ?
Tout ce qui motive les Legault, Trudeau, Trump, Macron et compagnie, c’est la sauvegarde de l’économie capitaliste et le soucis de limiter les dommages pour une sortie de crise rentable. Les façons peuvent varier mais le but demeure le même. La lutte aux changements climatiques risque de prendre le bord dans le contexte actuel si nous leur laissons « les deux mains sur le volant ». La baisse de la production a eu des effets remarqués en terme de chute des émissions de GES. Mais les dirigeants préparent une relance de cette économie et comptent maintenir le cap et préparent la poursuite de la catastrophe écologique. Plusieurs personnes croient fermement qu’il y aura un « avant » le coronavirus et un « après ». Il reste à déterminer qui seront ceux et celles qui définiront cet « après », le patronat et ses sbires ou les classes populaires.
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