27 octobre 2022 | tiré de l’Hebdo L’anticapitaliste 634 (27/10/2022)
Pas un jour ne passe sans que des salariéEs se mettent en grève pour des augmentations de salaires. De la clinique Jules-Verne à Nantes à l’usine de traitement des ordures ménagères de la métropole d’Orléans à Saran, en passant par les salariéEs de Safran et Daher à Bordes (64), ceux de Neuhauser à Folschviller (57) ou encore ceux de Geodis à Gennevilliers (92, lire page 8), de multiples grèves se développent, toujours autour des mêmes revendications : une augmentation réelle des salaires, voire leur indexation sur l’inflation. Autant dire que les raffineurs ont été la partie visible de l’iceberg, et que leur mobilisation a cristallisé une véritable lame de fond : c’est ce qui explique aussi pourquoi, malgré la propagande politico-médiatique, leur grève a reçu un soutien significatif dans les enquêtes d’opinion.
Les grèves ont imposé la question des salaires
Dans un contexte d’importante inflation, notamment sur l’énergie et les produits alimentaires, de stagnation des salaires (qui se traduit par une perte de « pouvoir d’achat ») et de distribution de milliards de dividendes aux actionnaires des grandes entreprises du CAC 40, rien d’étonnant à ce que la colère gronde et s’exprime de manière de plus en plus visible. Et rien d’étonnant non plus à ce que les postures du gouvernement consistant à opposer, d’une part, les salariéEs des raffineries et, d’autre part, celles et ceux exerçant un autre emploi et ayant besoin de leur véhicule, n’aient eu qu’une efficacité très relative, quand ils n’ont pas suscité l’indignation. Il faut en effet être sacrément gonflé, lorsqu’on s’appelle Bruno Le Maire ou Olivier Véran, pour faire, par exemple, des tirades sur les infirmières à domicile ou les auxiliaires de vie « prises en otage » par la grève chez Total alors que l’on n’a toujours eu que du mépris pour ces travailleuses.
L’attitude « droit dans ses bottes » du gouvernement dissimule mal sa fébrilité face à la possibilité d’un mouvement de contestation généralisé, et malgré les déclarations parfois triomphalistes de certains représentants de la macronie enterrant la grève des raffineries, le pouvoir est conscient que le souffle de la mobilisation est loin d’être retombé. La première victoire des grèves du mois d’octobre aura été d’imposer dans le débat public la question des salaires, rappelant cette vérité simple : les « primes », les « chèques », les « ristournes » ne règlent rien, et le seul moyen de faire face à la hausse des prix et de pouvoir mener une vie digne, c’est de voir son salaire augmenter, et pas de 2 ou 3 %. Les grèves qui ont cours actuellement dans des entreprises de toute taille se font souvent autour de la revendication d’augmentations de 10 %, quand il ne s’agit pas de demander, comme les auxiliaires de vie de l’agence Domidom à Caen (lire page 9), 500 euros mensuels supplémentaires.
Construire un mouvement d’ensemble
C’est dans ce contexte que le gouvernement a choisi de dégainer l’arme du 49.3, pour faire passer en force son projet de loi de finances : pas d’augmentation du SMIC, pas de taxes supplémentaires sur les dividendes et les profits, pas de crédit d’impôt pour les résidents d’Ehpad (un amendement en ce sens avait été adopté), etc. L’orientation reste la même : la « rigueur » et l’austérité pour la très grande majorité de la population, qui pourtant n’en peut déjà plus, et le laisser-aller pour les plus riches et les grands groupes du CAC 40, encouragés à continuer à se goinfrer. Les amendements de la Nupes en faveur des salariéEs et des classes populaires ont au total été tous écartés : cela a permis de démontrer une fois de plus les obsessions du gouvernement, et de dévoiler le vrai visage du RN, pseudo-parti du « peuple », qui s’est opposé — entre autres — à l’augmentation du SMIC et au rétablissement de l’ISF.
Mais cette « bataille parlementaire » a aussi montré toutes ses limites et l’impossibilité de remporter de véritables victoires pour notre camp dans des institutions faites par et pour les classes dominantes. Nous avons besoin pour cela d’un bouleversement social et politique d’ampleur. Comme nous l’avons dit ces dernières semaines, notre 49.3 à nous, c’est la mobilisation, la grève et le blocage de l’économie ! Deux nouvelles journées de mobilisation ont été annoncées le 27 octobre et le 10 novembre : cela ne répond pas aux urgences de la situation, mais nous devons en faire des points d’appui pour la construction d’un mouvement d’ensemble contre le patronat et le gouvernement, avec des grèves reconductibles et une implication directe des salariéEs et de la population. Cela passe par l’organisation par en bas, dans nos lieux de travail, dans nos quartiers, dans nos villes, dans nos facs et lycées, avec la construction de collectifs de mobilisation, unitaires et militants, en soutien aux grèves en cours et à venir. Pour nos salaires, nos revenus, contre la future réforme des retraites, la bataille continue !
La lutte pour les salaires continue !
Hebdo L’Anticapitaliste - 635 (03/11/2022)
La température reste élevée en ce début novembre, y compris la température sociale. Après l’échec de la journée de mobilisation interprofessionnelle sur les salaires du 27 octobre, appelée par la seule CGT, le gouvernement semble savourer l’accalmie. Pourtant, rien n’est joué !
Macron peut croire avoir marqué des points lors de son heure de pédagogie télévisuelle paternaliste du 26 octobre, mais tout est encore possible… et nécessaire.
Car lui et son gouvernement ne veulent pas contraindre les patrons ni instaurer l’indexation des salaires sur les prix. Il l’a rappelé : « La France n’est pas une économie administrée ». Permettez qu’on en doute. Il n’est pas le président des riches pour rien. C’est bien en faveur des patrons que Macron administre l’économie en les laissant libres d’engranger toujours plus de dividendes. Et si la « boucle salaires-prix » en cas d’indexation des salaires sur les prix apparaît comme une menace, c’est bien pour leurs profits…
Macron peut se vanter autant qu’il peut que l’inflation française soit inférieure à celle de nos voisins européens, autour de 6,2 % contre 10,7 % dans la zone euro, cela ne change rien au fait que les plus bas salaires ont augmenté entre 2008 et 2018 plus de deux fois moins vite (+ 3,2 % contre + 6,9 %) que les plus hauts salaires.
Alors le bras de fer continue, pour obtenir le plus souvent une augmentation au moins équivalente à l’inflation : c’est le cas chez Geodis à Gennevilliers (voir p. 8), chez Montabert à Lyon (voir p. 9), chez Enedis à Noisy-le-Sec et La Courneuve, chez Blanc Aero Industries à Villefranche-de-Rouergue, chez Artenay Barts à Artenay, chez Safran à Caudebec-lès-Elbeuf, chez Sepro à La Roche-sur-Yon, chez Domidon à Caen (voir p. 9), au CASVP (voir l’Anticapitaliste n° 633)…
Augmenter les salaires est une question de survie, une question vitale. Le Smic à 1 800 euros, c’est le minimum pour vivre dignement aujourd’hui, pour se loger, se chauffer, se déplacer, se nourrir, se vêtir, se soigner. Alors, oui, la lutte pour les salaires continue. Et le 10 novembre, on sera plus chaud que le climat… si c’est possible !
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