Dans son mémoire, le Conseil québécois pour les jeunes en difficulté (CQPJD), dont le conseil d’administration et le groupe « d’experts » ne comptent pas d’enseignante ou enseignant en exercice, propose au ministre d’abandonner l’approche catégorielle mise en place pour les élèves en difficulté. Or, au Québec, il n’y a que ce processus qui assure aux élèves diagnostiqués l’accès à un minimum de services grâce à un financement spécifique. De plus, la FAE s’indigne que le CQPJD, qui défend avec zèle l’inclusion des élèves en difficulté dans les classes ordinaires, propose de mettre fin à la pondération a priori. Actuellement, cette règle, prévue dans le contrat de travail du personnel enseignant, oblige les directions d’établissement et les commissions scolaires à tenir compte des difficultés des élèves lorsque vient le moment de former les groupes.
Y mettre fin mettra en péril non seulement le parcours scolaire des élèves HDAA, mais s’avèrera extrêmement dommageable pour tous les autres élèves de la classe ordinaire et pour le personnel enseignant. La FAE rappelle qu’une étude de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) publiée cette année (1) démontre que l’intégration sauvage et désordonnée nuit aux élèves, particulièrement aux plus vulnérables, mais aussi aux profs qui se disent abandonnés. « Le modèle actuel d’intégration ne vise qu’à justifier les choix budgétaires faits par le gouvernement et les commissions scolaires. Ces choix pèsent lourdement sur les épaules des profs à qui l’on demande d’en faire toujours plus avec toujours moins de moyens. Les propositions avancées par le CQPJD aggraveraient davantage une situation qui est pourtant déjà insoutenable », souligne Sylvain Mallette, président de la FAE.
De plus, ces propositions vont à l’encontre de décisions rendues par des arbitres de griefs et par des tribunaux. « Les commissions scolaires sont obligées de tenir compte des besoins et des capacités de chacun des élèves. Aussi, l’inclusion d’un élève en difficulté en classe ordinaire ne doit pas constituer une contrainte excessive pour les autres élèves et le personnel enseignant. Notre contrat de travail protège les élèves en difficulté, alors que ce genre de propositions fragiliserait davantage l’accès à des services pour ces élèves. Plutôt que de s’attaquer à l’approche catégorielle et à la pondération a priori, le CQPJD devrait revendiquer un réinvestissement massif dans le réseau des écoles publiques », précise M. Mallette.
Respect du contrat de travail des profs
Par ailleurs, la FAE prévient le ministre Proulx qu’elle n’acceptera pas de rouvrir le contrat de travail qui vient d’être renégocié et qui arrivera à échéance en mars 2020 seulement. Pendant les consultations, la Fédération québécoise des directions d’établissement (FQDE) a indiqué au ministre que certaines dispositions négociées et contenues dans le contrat de travail des enseignantes et enseignants ne contribuaient pas à la réussite des élèves. Plus précisément, la FQDE avance que le contrat de travail des profs ne permet pas « de mettre les bonnes personnes à la bonne place » et qu’il faudrait donc « assouplir » le processus d’affectation des enseignantes et enseignants. Un paradoxe que ne s’explique pas la FAE.
« Le ministre Proulx doit comprendre que ce sont les directions d’établissement et les commissions scolaires qui décident de la composition des classes et qui les remplissent au maximum, tout en alourdissant la tâche des enseignantes et enseignants, notamment pour celles et ceux qui débutent dans la profession. Les personnes qui prétendent que notre contrat de travail est trop rigide sont les mêmes qui exercent un contrôle absolu sur le temps de travail des profs. En plus de devoir justifier l’utilisation de la moindre minute, certains profs, qui voudraient pouvoir offrir de la récupération à leurs élèves, doivent plutôt répondre à des besoins administratifs. C’est la rigidité des gestionnaires qui nuit à la réussite des élèves, pas notre contrat de travail », pointe M. Mallette.
Des milliers d’expertes et experts
En se disant ouvert à discuter de ces propositions, le ministre alimente la suspicion à l’endroit du processus qu’il a lancé. Un processus qui doit, selon ses propres dires, conduire à des consensus. Bien au contraire, ces propositions, portées par des petits groupes qui s’activent dans l’appareil bureaucratique, alimentent la méfiance et conduisent inéluctablement à l’affrontement. « Depuis son entrée en fonction, le ministre dit qu’il veut rassembler les acteurs du milieu. Il peut donc faire le choix d’écouter les milliers d’expertes et experts que sont les profs. À la différence de celles et ceux qui proposent toujours des solutions inadéquates ou qui aggraveraient la situation, nous travaillons jour après jour auprès des élèves jeunes et adultes. Le ministre peut faire le choix de reconnaître cette expertise qui est tirée de notre pratique au quotidien. En agissant de la sorte, il assurerait le succès de la démarche à laquelle il nous convie », conclut M. Mallette.
La FAE regroupe huit syndicats qui représentent quelque 34 000 enseignantes et enseignants (le tiers du personnel enseignant au Québec) du préscolaire, du primaire, du secondaire, du milieu carcéral, de la formation professionnelle et de l’éducation des adultes et le personnel scolaire des écoles Peter Hall et du Centre académique Fournier, ainsi que les 800 membres de l’Association de personnes retraitées de la FAE (APRFAE).