Publié le 30 janvier 2018
OPINION – Dans la foulée du congédiement d’André Arthur à la suite de son commentaire homophobe de mercredi dernier, le directeur de l’Alliance Arc-en-ciel démontre comment, encore en 2018, l’homophobie et les préjugés existent.
Un texte de Louis-Filip Tremblay, directeur général de l’Alliance Arc-en-ciel de Québec
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« Est-ce que l’homophobie, ça existe toujours ? » Dans le cadre de notre travail à l’Alliance, on remet souvent en cause nos actions et nos luttes, on nous demande si la communauté LGBT+ a encore des gains à obtenir, on suppose que notre combat s’est terminé avec l’arrivée du mariage pour les conjoints de mêmes sexes ou encore avec l’ajout de l’expression de genre comme motif de discrimination. Bien que nous saluons cet optimisme, et que parfois on vient presque à y croire nous-mêmes, les événements de cette semaine démontrent que pour une partie de la population, avoir des propos homophobes est encore acceptable.
Reprenons du début : les propos d’André Arthur. Mercredi dernier, dans un segment plus qu’anodin où l’animateur septuagénaire invite ses auditeurs à manger un bon « spaghatt » dans un restaurant voisin du Drague Cabaret Club, bar LGBT+ bien connu dans la capitale. Dans ce message qui frise le placement publicitaire caché, il croit bon de situer l’endroit ainsi :
« …c’est sur le boulevard sida au cœur du quartier gai, juste entre Le Drague et le Ballon rouge. » – André Arthur sur le BLVD 102,1
Écoutez l’extrait complet
Clairement un propos homophobe, cet amalgame entre le VIH-SIDA et la communauté gaie est un préjugé des plus détectable et évident. Ce qui est surprenant à ce moment de l’histoire, c’est que l’émission du midi qu’anime Arthur sur les ondes de BLVD FM 102,1 est préenregistrée. Cette phrase a donc, supposément, passé le test de la censure de la station appartenant à Leclerc Communication. On nous a contactés à l’Alliance pour réagir dans cet article du Journal de Québec que vous pouvez consulter.
D’autres voix se sont soulevées contre ces propos, surtout du côté de ses collègues de la planète radio de Québec. Sophie Durocher est « profondément choquée », Jérôme Landry parle de « propos totalement épouvantables » et Richard Martineau a utilisé son légendaire « dégueulasse ». Stéphane Gendron a même été émotif, particulièrement lors de cette entrevue avec Louis-David Bourque, un collègue de chez MIELS-Québec, organisme qui agit auprès de différentes populations à risque pour prévenir le VIH et les autres infections transmissibles sexuellement et par le sang. En plus de plusieurs commentaires anti-Arthur sur les réseaux sociaux, un groupe de citoyen a même mis en demeure la station BLVD. On a finalement su lundi dernier que l’animateur perdait son poste.
À toute bonne médaille, son envers. Déjà, dans l’article auxquels l’Alliance a participé, la propriétaire du restaurant en question, le Veau d’Or, se fait minimisante sur l’affirmation d’André Arthur :
« Avec Arthur, il y a deux bords. Il y a ceux qui l’aiment et ceux qui ne l’aiment pas. C’est correct. […] Il est toujours comme ça quand il parle à la radio. Il aime ça exagérer un petit peu. » – Joanne Bragoli, le Veau d’Or
Tout à son honneur, Mme Bragoli s’est rétractée rapidement sur la page Facebook de l’entreprise.
Parlant de minimiser, André Arthur a lui-même réagi à ses propos comme le rapporte Radio-Canada :
« Ça fait 20 ans que j’emploie cette expression-là. Rappelez-vous quand la crise du SIDA est arrivée à Québec et que, dans le quartier gai, les gens mouraient […]. À un moment donné, c’est devenu une façon de dédramatiser la chose » – André Arthur
Dédramatiser, vraiment ? Il n’y malheureusement rien à dédramatiser : vivre avec le VIH-SIDA est un drame. Bien qu’on en meurt moins et qu’on observe des progrès énormes améliorant la qualité de vie des personnes atteintes, cette maladie reste incurable et a des effets néfastes. Et être un homme ayant des relations sexuelles avec un autre n’est pas un prérequis pour être infecté, tenez-vous-le pour dit.
En voyant, l’aisance avec laquelle l’ex-animateur est diffuse et défend de tels commentaires, on peut facilement comprendre comment certaines personnes sont entièrement décomplexées de tenir des propos homophobes. Sur la page de l’Alliance, depuis notre prise de position de la semaine dernière et surtout depuis le congédiement d’André Arthur, les commentaires homophobes et haineux se multiplient. Leclerc Communication avare de détails sur les raisons de son congédiement, les fans d’Arthur se sont retournés vers l’Alliance, voyant la communauté LGBT+ comme responsable de son départ. S’en est suivi une chaîne de commentaires homophobes, emplis de préjugés.
C’est pour cette raison que l’Alliance réagit quand on observe un propos comme celui-ci diffusé à la radio : ça délie les langues, ça donne une espèce de « permission » aux auditeurs. « Si Arthur le dis, moi aussi j’ai le droit à ma liberté d’expression ». Vous trouverez ci-dessous plusieurs exemples de propos homophobes glanés sur notre page Facebook, réels et récents, qui répondront une fois pour toutes à la question : « Est-ce que l’homophobie, ça existe toujours ? »
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