I) Aperçu du projet
Gazoduq Inc. reconnaît dans sa description initiale du projet que son principal client est l’usine Énergie Saguenay. Dans la section « Besoin et objet », le promoteur affirme même que le projet « est nécessaire pour combler les exigences de son client principal, GNLQ, qui consiste à fournir à Énergie Saguenay un accès à long terme à du gaz naturel provenant exclusivement de l’ouest du Canada ». De plus, bien que le promoteur affirme que des « services de transport de gaz naturel empruntant le nouveau gazoduc seront également offerts à des entreprises de distribution locales », aucun contrat n’a été conclu à ce niveau. Pour l’instant, le promoteur a donc pour unique client GNL Québec Inc. et le projet Énergie Saguenay a logiquement besoin du projet Gazoduq pour voir le jour. Cette dépendance mutuelle des projets Gazoduq et Énergie Saguenay semble indiquer qu’il ne s’agit en fait que d’un seul et même projet qui vise à transporter, liquéfier et exporter du gaz naturel de l’Ouest canadien.
Question
1) Compte tenu que GNL Québec Inc. est le seul client confirmé de Gazoduq, qu’Énergie Saguenay est approvisionné en gaz naturel uniquement par Gazoduq, et donc que l’usine de liquéfaction et le terminal maritime ne peuvent voir le jour sans le gazoduc et vice-versa, pourquoi ne pas présenter l’usine de liquéfaction, le terminal maritime et le gazoduc comme un seul projet auprès des agences fédérale et provinciale d’évaluation des impacts ?
Question
2) Où et quand pourraient s’ajouter d’éventuels services de transport de gaz naturel, qui se feraient vraisemblablement par gazoducs connexes connectés au gazoduc principal ?
Dans l’aperçu du projet, le promoteur indique qu’une « vaste majorité des zones sensibles identifiées dans le processus de sélection de la ZAP [zone d’aménagement privilégiée] » sera évitée.
Question
3) Quelles zones sensibles identifiées ne seront pas évitées ? Pourquoi sont-elles considérées comme des zones sensibles ? Pourquoi ces zones ne sont-elles pas évitées en raison de leur sensibilité ? Contourner ces zones est-il possible ? Quels seront les impacts du projet sur la fragmentation des habitants dans ces zones sensibles et entre les zones sensibles ?
Dans l’aperçu du projet, le promoteur affirme qu’il « propose de verser une somme totale de 36 millions de dollars par année aux communautés allochtones de la ZAP », qualifiant même cette contribution de « novatrice ». Bien qu’une annonce publique ait été faite dans les médias concernant cette contribution, aucun engagement écrit, ni contrat ne semble exister pour le moment. Sans engagement formel, ces millions promis nous semblent un moyen d’acheter l’acceptabilité du public.
Question
4) Existe-t-il des contrats entre Gazoduq Inc. et les communautés locales allochtones concernant les 36 millions de dollars annuels promis ? Ces sommes seront-elles versées sur toute la durée de vie du projet, c’est-à-dire au moins 25 ans et possiblement 50 ans ? Advenant que l’entreprise rencontre des difficultés financières durant la durée de vie du projet, les sommes continueront-elles d’être versées ? Qui administrera les fonds communautaires créés par le paiement de ces sommes ? Est-ce que ce seront les communautés locales qui pourront déterminer la façon dont ces montants seront utilisés ?
Le promoteur présente dans l’aperçu du projet, le calendrier souhaité pour obtenir les approbations réglementaires, prendre une décision finale en matière d’investissement, réaliser les travaux de construction et procéder à la mise en service commerciale. La période d’opération du gazoduc est espérée pour le quatrième trimestre de 2024.
Cela dit, le secteur mondial de l’énergie peut énormément évoluer d’ici là. Par exemple, le plus récent bilan de l’Agence internationale de l’énergie renouvelable (IRENA) montre que le coût de l’électricité provenant de l’énergie solaire à concentration a diminué de 26% en 2018, alors que celui de la bioénergie a diminué de 14%. Les coûts de l’électricité provenant des panneaux solaires et de l’éolien terrestre ont quant à eux chuté de 13 % et ceux de l’hydroélectricité de 12%1. Selon l’IRENA, « les énergies éoliennes terrestre et solaire photovoltaïques offriront bientôt une électricité moins chère que toute autre option basée sur les combustibles fossiles, sans soutien financier ».
Les énergies renouvelables sont donc de plus en plus abordables et le marché ne cesse de croître. Entre 2013 et 2018, la capacité mondiale totale nette de génération des centrales électriques et autres installations utilisant des sources d’énergie renouvelables pour produire de l’électricité est passée de 1,56GW à 2,35GW, une augmentation de 50 %. L’étude du marché prédit que cette capacité mondiale continuera de croître dans les prochaines années. En observant la tendance, on peut supposer que la capacité de génération d’électricité par les énergies renouvelables s’accroîtra autant dans les cinq prochaines années que dans les cinq dernières. De plus, le prix des énergies renouvelables devrait poursuivre sa chute de manière conséquente.
Questions
5) Considérant la diminution du coût des énergies renouvelables et l’augmentation des capacités de génération d’électricité « propre », comment Gazoduq Inc. évalue-t-elle la demande mondiale en gaz naturel en 2024, année de mise en opération espérée du gazoduc et sa profitabilité à long terme ? Comment Gazoduq Inc. évalue-t elle la demande mondiale en gaz naturel durant les années de service prévues de son projet (entre 2024 et 2049) ?
II) Bénéfices
Le promoteur prétend que le projet sera bénéfique puisqu’il « devrait contribuer à faciliter la transition énergétique au profit du gaz naturel au détriment des sources d’énergie plus polluantes (par exemple, charbon, mazout et diesel) actuellement utilisées sur certains marchés internationaux ». Le promoteur affirme même que le projet « devrait contribuer à soutenir la lutte contre les changements climatiques en réduisant notamment les émissions de GES sur les marchés internationaux ».
Or, si on en croit le promoteur Gazoduq Inc., ce n’est pas son gazoduc qui exportera le gaz naturel liquéfié, mais bien le projet d’usine Énergie Saguenay. Le promoteur GNL Québec Inc. pourrait à la rigueur présenter dans les bénéfices de son projet Énergie Saguenay, une théorique réduction mondiale des GES par le remplacement d’énergies plus polluantes, mais pas Gazoduq Inc. puisqu’il prétend aux fins de la présente évaluation, que son projet et l’usine Énergie Saguenay sont deux projets différents. Par ailleurs, même si on fait abstraction du point précédent, Gazoduq Inc. ne présente aucune étude pour appuyer ses affirmations quant au remplacement d’énergies plus polluantes.
Question
6) Si le projet Gazoduq et l’usine Énergie Saguenay sont deux projets séparés qui justifient des études d’impacts différentes, comment le promoteur peut-il affirmer que son projet permettra de diminuer les GES à l’international en permettant le remplacement d’énergies plus polluantes par du gaz naturel liquéfié ? Si l’exportation du GNL permet réellement le remplacement d’énergies plus polluantes, n’est-ce pas plutôt un bénéfice potentiel du projet Énergie Saguenay et non du projet Gazoduq ?
7) Sur quelles études se base le promoteur pour affirmer que le GNL exporté servira à remplacer des énergies plus polluantes sur les marchés internationaux ? Détient-il des contrats avec des clients qui obligent l’utilisation du GNL pour remplacer le charbon, le pétrole et le mazout ? Le promoteur présentera-t-il des scénarios où le GNL exporté par l’usine Énergie Saguenay remplacerait plutôt des énergies renouvelables et freinerait l’essor de ces énergies propres, entraînant par le fait même un frein aux réductions mondiales de GES ?
Le promoteur ne mentionne pas la contribution du projet Gazoduq dans l’augmentation de la production de gaz naturel dans l’Ouest canadien. Il mentionne que le projet permettrait de « relier les producteurs canadiens de gaz naturel aux marchés internationaux de GNL », sans mentionner si cela permettra d’augmenter la production de gaz naturel.
Questions
8) Quels seront les impacts du projet sur la production de gaz naturel dans l’Ouest canadien ? Le projet entraînera-t-il une augmentation de la production de gaz naturel et par le fait même, une augmentation des émissions de GES liées à cette production ? Si oui, quels en seront les impacts sur les politiques canadiennes de lutte contre les changements climatiques ? Cette possible augmentation de la production de gaz naturel en sol canadien est-elle compatible avec les engagements du Canada en matière de réduction des GES ?
Le promoteur affirme que son projet « est conçu de manière à être compatible avec les politiques provinciales, canadiennes et internationales en matière d’énergie et de climat ». Or, les politiques climatiques doivent se baser sur les plus récentes études climatiques si nous voulons avoir une chance de limiter le réchauffement planétaire à un seuil sécuritaire. Le plus récent rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) montre que l’humanité doit réduire ses émissions de GES de moitié d’ici 2030 et atteindre la neutralité carbone d’ici 20502.
Or, le promoteur Gazoduq Inc. estime que son projet sera en opération au plus tôt en fin d’année 2024 (section Aperçu du projet), pour une durée de vie de 25 ans « pour répondre aux besoins de GNLQ, le principal client de Gazoduq » (section Mise hors service et abandon). On parle donc d’un gazoduc qui serait en fonction au minimum jusqu’en 2049.
Questions
9) Comment ce projet peut-il être compatible avec la nécessité pour l’humanité de réduire ses émissions de GES de moitié d’ici 2030 et d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, alors qu’au mieux, il ne sera en opération qu’à partir de 2024 et au moins jusqu’en 2049 ? Estce qu’un projet qui pourrait conduire à une augmentation de la production de gaz naturel, une énergie fossile, pendant encore au moins 30 ans est compatible avec les politiques canadiennes et internationales en matière de climat ?
Questions
10) Advenant que la communauté internationale respecte les recommandations des scientifiques et se tourne massivement vers les énergies renouvelables pour diminuer les émissions anthropiques de GES de moitié d’ici 2030 et atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, qu’arrivera-t-il du projet si Énergie Saguenay n’a plus de clients pour son GNL ?
Qu’adviendra-t-il du projet Gazoduq si GNL Québec Inc. n’arrive plus à vendre son GNL sur les marchés mondiaux avant la fin de la phase d’exploitation prévue ? La rentabilité à long terme du projet Gazoduq serait-elle remise en question s’il est impossible pour GNL Québec Inc. de garantir que son usine de liquéfaction et d’exportation du GNL sera bel et bien en opération pendant 25 ans ? Une entente entre Gazoduq Inc. et GNL Québec Inc. a-t-elle été signée pour obliger GNL Québec Inc. à s’approvisionner en gaz naturel au projet Gazoduq pendant 25 ans ? Y a-t-il une durée de vie minimale au projet Gazoduq pour que celui-ci soit rentable, considérant ses importants coûts en amont ?
Au niveau des retombées, Gazoduq Inc. indique que son projet « engendrera des avantages économiques importants, y compris sur le plan de la création d’emplois au Québec, en Ontario et au Canada ». Considérant que le Québec vit présentement une situation de plein emploi, il est important d’évaluer les impacts du projet sur les emplois déjà existants afin d’éviter une aggravation de la pénurie de main-d’œuvre.
Questions
11) Quels seront les impacts du projet sur la pénurie de main-d’œuvre au Québec ? Quels seront les avantages économiques du projet ? Quel sera l’impact du projet sur d’autres secteurs économiques des régions touchées, particulièrement le secteur récréotouristique ?
L’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS) a publié récemment une étude sur les retombées fiscales du projet Gazoduq/Énergie Saguenay3. Cette étude montre que Gazoduq Inc. et GNL Québec Inc. sont toutes deux des filiales de la société en commandite GNL Québec, l’entreprise dans laquelle sont injectés les capitaux de différents investisseurs. Cela renforce d’une part nos interrogations à l’effet que Gazoduq et Énergie Saguenay soient évalués comme deux projets différents, alors qu’ils ont bel et bien le même promoteur : GNL Québec Inc. L’étude de l’IRIS montre aussi que puisque les investisseurs du projet Gazoduq sont étrangers, le taux d’imposition de leurs dividendes pourrait avoisiner 5%, plutôt que 39,9% si les commanditaires avaient été canadiens. De plus, l’étude de l’IRIS montre que la structure juridique privilégiée par les investisseurs de Gazoduq « permet de se doter de sociétés dans des paradis fiscaux, soit le Delaware, les Bermudes, Hong Kong, les Îles Vierges britanniques, Singapour ainsi que les Îles Caïmans ».
Questions
12) Quels seront les impacts fiscaux du projet Gazoduq au Canada ? Comment le promoteur explique-t-il l’utilisation de paradis fiscaux par les investisseurs du projet ?
III) Solutions et moyens de rechange
Le promoteur affirme avoir évalué les besoins d’Énergie Saguenay et que l’évaluation a permis de conclure « que l’aménagement d’un nouveau gazoduc de grand diamètre constituait la seule option réalisable ». Cela vient une fois de plus confirmer notre affirmation selon laquelle, sans projet Énergie Saguenay, il n’y aurait pas de projet Gazoduq et que sans projet Gazoduq, il n’y aurait pas de projet Énergie Saguenay, montrant ainsi qu’il s’agit en fait du même projet qui devrait être évalué dans son ensemble pour analyser correctement tous ses impacts potentiels.
Par ailleurs, trois possibilités de tracé ont été évaluées, mais le promoteur ne mentionne pas qu’une autre solution existe : que le projet ne voit pas le jour. En effet, le promoteur doit présenter le moyen de rechange de la non-réalisation du projet et son remplacement par le recours immédiat aux énergies renouvelables pour remplacer le charbon, le pétrole et le mazout sur les marchés mondiaux.
Les solutions alternatives à l’utilisation des énergies fossiles sont nombreuses et variées. Outre le recours aux énergies renouvelables, l’efficacité énergétique, qu’elle soit industrielle ou domestique, est souvent la solution la plus rentable à court terme. Cette solution a l’avantage d’offrir une gamme variée d’emplois (d’ingénieurs à manœuvre, en passant par électricien et presque tout le milieu de la construction) aux communautés locales, étant donné que les travaux d’efficacité énergétique doivent être réalisés à la grandeur du pays. Le promoteur doit donc inclure également l’efficacité énergétique dans son analyse des solutions et des moyens de rechange.
Questions
13) Quels seraient les impacts sur la réduction des émissions de GES canadiennes et mondiales de la non-réalisation du projet et son remplacement par le recours immédiat aux énergies renouvelables et à l’efficacité énergétique pour remplacer le charbon, le pétrole et le mazout sur les marchés mondiaux ? Pourquoi le promoteur ne présente-t-il pas cette solution de rechange comme alternative ?
Le promoteur présente plusieurs raisons qui expliquent le choix du tracé du gazoduc au nord, incluant la « possibilité d’éviter des zones d’intérêt écologique ou récréatif », la « possibilité de traverser surtout des terres publiques », le « nombre moindre de franchissements d’infrastructures (c’est-à-dire, autoroutes, routes et voies ferrées) », et la « capacité d’accéder à des sources de gaz naturel provenant exclusivement de l’Ouest canadien ».
Questions
14) Pourquoi ces critères particuliers ont-ils été utilisés pour choisir le site du tracé ? Pourquoi utiliser comme critère la possibilité de traverser surtout des terres publiques ? Est-ce que le promoteur souhaite ainsi limiter ses dépenses en dédommagement ? Quelle est la réflexion sous-jacente au choix de ce critère ?
15) Pourquoi utiliser comme critère le nombre moindre de franchissements d’infrastructures, mais non le nombre moindre de franchissements de cours d’eau, de milieux humides et de rivières ? Pourquoi le promoteur préfère-t-il éviter les infrastructures, mais n’hésite pas à franchir des dizaines de cours d’eau ? Est-ce que le projet respectera le principe de zéro perte nette en matière de protection des milieux humides ? Comment le promoteur se conformera-t-il à la nouvelle Loi concernant la conservation des milieux humides et hydriques du gouvernement québécois ?
16) Pourquoi utiliser comme critère la capacité d’accéder au gaz naturel provenant exclusivement de l’Ouest canadien ? Vu la situation géographie du projet Énergie Saguenay, n’aurait-il pas été plus avantageux économiquement de s’approvisionner avec du gaz naturel américain ? Pourquoi le promoteur cherche à s’approvisionner exclusivement de gaz canadien ?
IV) Composantes du Projet et activités
Dans les composantes du projet, le promoteur mentionne que trois stations de compression d’une superficie variant de 5 à 10 ha par station seront réparties le long du tracé du gazoduc près de Ramore, de La Corne et du lac Ashuapmushuan. Ces stations seront alimentées par des turbines électriques ou à gaz, selon leur localisation.
Questions
17) Considérant leur superficie de 5 à 10 ha, quels seront les impacts des stations de compression sur les écosystèmes avoisinants et les espèces ? Ces stations apporterontelles des destructions et des fragmentations d’habitats ? Quels seront les impacts visuels de ces stations de compression sur le paysage avoisinant, considérant que les emplacements proposés sont utilisés fréquemment pour des activités récréotouristiques ?
Au niveau des équipements connexes, le promoteur mentionne que des « infrastructures temporaires, comme des routes d’accès, des baraquements, des sites d’entreposage et des chantiers de l’entrepreneur seront nécessaires pendant la construction » et que « certaines nouvelles routes d’accès permanentes seront également nécessaires pour la phase d’exploitation ».
Questions
18) Quels seront les impacts de ces équipements connexes sur les écosystèmes, les habitats et les espèces ? Quels seront les impacts des routes temporaires et permanentes sur la fragmentation des habitats et l’ouverture de certains territoires jusqu’alors protégés des activités humaines par une difficulté d’accès ? Quels seront les impacts d’une plus grande accessibilité de ces territoires sur les habitats et les espèces, principalement les espèces menacées et vulnérables ?
V) Proximité des communautés locales
Selon Gazoduq Inc., « 72 maisons unifamiliales, 1 bâtiment multirésidentiel et 43 chalets » seraient présents dans la zone d’aménagement privilégiée (ZAP). De plus, l’aéroport de Bagotville, au Saguenay, se trouve à 2,7 km de la ZAP.
Questions
19) Quels seront les impacts du projet, incluant les impacts sonores et visuels, sur les personnes résidant dans la ZAP lors des phases de construction et d’exploitation ? Quels seront les impacts pour les personnes résidant dans la ZAP et pour l’aéroport de Bagotville en cas de fuite de gaz ? Quels seront les impacts pour les personnes résidant dans la ZAP et pour l’aéroport de Bagotville en cas d’accident et d’explosion ?
VI) Sécurité, environnement et préparation aux urgences
Le promoteur affirme que des plans de mesure d’urgence seront élaborés afin que Gazoduq Inc. dispose « de capacités d’intervention suffisantes et des ressources nécessaires pour faire face aux urgences éventuelles, y compris l’éventualité peu probable d’un rejet involontaire ».
Questions
20) Que veut dire le promoteur par rejet involontaire ? S’agit-il de fuites de gaz le long du tracé ? Si oui, sur quelles études se base-t-il pour affirmer que ces rejets involontaires sont peu probables ? Quels plans de mesure d’urgence seront mis en place en cas d’explosion du gazoduc ? Quels seraient les impacts d’une explosion du gazoduc sur les écosystèmes, les habitats, les espèces, les communautés locales et les travailleurs ?
Quelles interventions le promoteur pourrait-il effectuer pour limiter l’échappement du gaz naturel dans l’atmosphère en cas de bris ou d’explosion du gazoduc ? Le promoteur a-t-il évalué les émissions de GES liées à ces fuites (liées à des émissions fugitives « normales » ou à des incidents) ?
VII) Échange d’information et processus de consultation
Le promoteur présente, selon lui, les principaux enjeux soulevés jusqu’à maintenant par les parties prenantes lors des activités d’information et de « consultation » réalisées par Gazoduq Inc. dans les régions visées par le projet. Le promoteur décrit ceux-ci comme : l’eau et les milieux humides ; la cohabitation des activités économiques, touristiques et de loisirs ; l’environnement ; l’affectation du territoire ; la sécurité et le risque d’accident ; la relation avec les communautés autochtones.
Questions
21) Quels autres enjeux ont été soulevés par les parties prenantes ? Les autres enjeux soulevés seront-ils inclus dans l’analyse du projet ? Qu’en est-il des enjeux de relation avec les communautés locales, de la pertinence du projet, des changements climatiques, de la biodiversité et des impacts économiques et fiscaux ?
VIII) Contexte physique et biologique
Gazoduq Inc. reconnaît que le corridor à l’étude pour son projet abrite une multitude d’habitats fauniques et floristiques. Selon le promoteur, « les espèces d’intérêt pour la conservation » et « les espèces susceptibles d’être désignées comme menacées ou vulnérables, ou évaluées par le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada » ont été « prises en considération lors de la détermination de la ZAP ».
Questions
22) Qu’entend le promoteur lorsqu’il affirme que les espèces ont été « prises en considération » ? Est-ce que la ZAP exclut l’habitat des espèces d’intérêt pour la conservation et l’habitat des espèces menacées ou vulnérables ? Qu’en est-il des autres espèces ? Leur habitat a-til été pris en considération lors de la détermination de la ZAP ? Quels seront les impacts de la construction et de l’opération du gazoduc sur l’habitat des espèces ? Le promoteur explique que « le Corridor d’étude ne compte aucune aire protégée désignée au niveau fédéral », mais que « les aires protégées légalement désignées au niveau provincial couvrent 4,26 % du Corridor d’étude ». Toujours selon le promoteur, « la ZAP évite ces aires protégées ».
Questions
23) Bien que la ZAP évite les aires protégées, existe-t-il une zone tampon entre celle-ci et les limites des aires protégées ? Quels impacts auraient la construction et l’opération du gazoduc sur ces aires protégées ? Quels seraient les impacts d’une fuite de gaz ou d’une explosion sur ces aires protégées, les habitats et les espèces qu’elles protègent ? Existent-il des zones d’intérêt identifiées pour de futures aires protégées dans la ZAP ?
Le Corridor à l’étude abrite « plusieurs zones d’intérêt récréatif et touristique », incluant quatre zones d’exploitation contrôlée (ZEC), neuf pourvoiries, une réserve faunique et deux zones fauniques communales. De plus, selon le promoteur, l’activité économique dans le Corridor d’étude « repose sur l’exploitation des ressources naturelles », comme l’exploration et l’exploitation minière ainsi que l’industrie forestière. Le promoteur reconnaît que plusieurs zones d’intérêt récréotouristique se trouvent dans le Corridor à l’étude, sans toutefois nommer le secteur récréotouristique comme faisant partie intégrante de l’activité économique des régions touchées par le projet.
Questions
24) Quels seraient les impacts du projet sur les activités de chasse, pêche et piégeage dans ces zones d’intérêt récréotouristique ? Quels seraient les impacts lors de la construction et de l’opération du gazoduc, et en cas de fuite et d’explosion ?
25) Pourquoi ne pas reconnaître que l’activité économique dans le Corridor à l’étude ne repose pas uniquement sur l’exploitation des ressources naturelles, mais également sur le secteur récréotouristique ? Quels seraient les impacts du projet sur le secteur récréotouristique ?
IX) Intérêts fédéraux
Dans la section sur les intérêts fédéraux, le promoteur présente au tableau F.25.11 les impacts potentiels sur les « composantes environnementales qui relèvent de l’autorité législative fédérale ». Les deux seules composantes environnementales présentées dans ce tableau sont la composante « Poisson, habitat du poisson et espèces aquatiques » et la composante « Oiseaux migrateurs ». Les impacts potentiels sont présentés pour les phases de construction et d’opération du gazoduc, ainsi que pour la construction et le fonctionnement des postes de compression.
Questions
26) Quels seraient les impacts sur les composantes environnementales de la construction et de l’utilisation des équipements connexes, comme les routes d’accès temporaires, les baraquements, les sites d’entreposage, les chantiers de l’entrepreneur et les routes d’accès permanentes ? Quels seraient les impacts sur les composantes environnementales d’une fuite et d’une explosion ? Pourquoi est-ce que seulement deux composantes environnementales ont été retenues ? Qu’en est-il des autres espèces et habitats qui ne relèvent pas directement de l’autorité législative fédérale ? Les impacts du projet sur ces autres espèces seront-ils évalués ?
Toujours dans la section sur les intérêts fédéraux, Gazoduq Inc. mentionne que la construction du projet permettrait « de relier des sources d’approvisionnement excédentaire en gaz naturel situées dans l’ouest du Canada aux marchés internationaux ».
Questions
27) Qu’est-ce que le promoteur entend par sources d’approvisionnement « excédentaires » en gaz naturel ? Qu’advient-il de ce gaz excédentaire actuellement ? Est-il gardé sous terre ?
28) Comment s’assurer que le projet ne relie que des sources d’approvisionnement excédentaires en gaz naturel ? Est-ce que le projet permettra aux producteurs de gaz naturel situés dans l’ouest du Canada d’augmenter leur production, augmentant ainsi les émissions de gaz à effet de serre produites en amont du projet ? Si le projet encourage une production supplémentaire de gaz naturel, est-ce que les émissions de GES résultant de cette augmentation de la production seront prises en compte dans l’étude d’impact du projet ?
29) De quelle façon est produit le gaz naturel de l’Ouest canadien transporté par le projet ? Estce que les producteurs ciblés utilisent la fracturation hydraulique et autres techniques nonconventionnelles d’extraction du gaz naturel ? Quels sont les impacts de la production du gaz naturel dans l’Ouest canadien sur les sources d’eau potable, la santé des populations locales et les secousses sismiques ? Est-ce que les impacts de la production du gaz naturel dans l’Ouest canadien seront pris en compte dans l’étude d’impact du projet ?
De plus, le promoteur affirme que le projet permettrait « de fournir éventuellement des services de transport aux EDL (entreprises de distribution locale) situées dans le nord de l’Ontario et au Québec ».
Questions
30) Comment le promoteur peut-il s’assurer que le gaz qu’il fournirait éventuellement aux EDL situés dans le nord de l’Ontario et au Québec serait utilisé pour remplacer des énergies plus polluantes, et non pas remplacer des énergies renouvelables comme l’hydroélectricité ou freiner le remplacement du mazout et du diesel par des énergies plus propres comme le solaire, l’éolien, l’hydroélectricité et la biomasse forestière ? Existera-t-il des clauses dans les potentiels contrats avec des EDL sur l’utilisation finale du gaz naturel afin qu’il remplace bel et bien des énergies plus polluantes comme le prétend le promoteur ?
Le promoteur affirme même que le projet permettrait de « fournir un accès à long terme à du gaz naturel canadien à prix compétitif » aux « marchés internationaux », ce qui favoriserait « le remplacement de sources énergétiques plus polluantes (par exemple, le charbon, le mazout et le diesel) ». Selon Gazoduq Inc., son projet de gazoduc aurait donc « une incidence bénéfique sur la santé publique, comme au chapitre de la qualité de l’air, du smog, des pluies acides et des changements climatiques, en contribuant à la réduction des gaz à effet de serre (GES) et d’autres émissions ».
Questions
31) Si le projet Gazoduq vise en premier lieu à fournir à GNL Québec Inc. du gaz naturel pour son projet Énergie Saguenay et que les deux projets sont distincts comme le prétendent les promoteurs, comment Gazoduq Inc. peut-il affirmer que ce projet fournira du gaz aux marchés internationaux pour le remplacement de sources énergétiques plus polluantes ? N’est-ce pas plutôt le projet Énergie Saguenay qui pourrait avoir cette prétention puisque c’est le projet Énergie Saguenay qui exportera le gaz vers les marchés internationaux ? Est-ce que Gazoduq Inc. a des contrats avec des acheteurs sur les marchés internationaux qui stipulent que le gaz naturel sera utilisé pour remplacer des énergies plus polluantes ?
32) Comment Gazoduq Inc. peut affirmer que son projet aura une incidence bénéfique sur la santé publique, la qualité de l’air, le smog, les plus acides et les changements climatiques s’il n’a aucun contrôle sur l’utilisation qui sera faite du gaz naturel par GNL Québec Inc., son projet Énergie Saguenay et les acheteurs sur les marchés internationaux ? Si le projet ne vise qu’à « fournir à Énergie Saguenay un accès à long terme à du gaz naturel provenant exclusivement de l’ouest du Canada », tel que stipulé dans la section Besoin et objet, comment est-ce que le promoteur peut affirmer que son projet contribuerait à réduire les émissions des GES et d’autres émissions, alors qu’il n’a aucun contrôle sur l’utilisation qui sera faite du gaz naturel par GNL Québec Inc., son projet Énergie Saguenay et les acheteurs sur les marchés internationaux ?
33) Est-ce que le promoteur présentera une étude sur le pire scénario en matière d’émissions de GES, soit la fourniture de gaz naturel sur les marchés internationaux qui remplacerait des sources d’énergies moins polluantes (hydroélectricité et autres énergies renouvelables) ?
X) Émissions de gaz à effet de serre
Le promoteur présente dans sa description initiale du projet, les émissions de GES qui seraient produites pendant les phases de construction et d’exploitation du gazoduc. Le promoteur explique aussi que des émissions fugitives de gaz le long du tracé pourraient survenir et contribuer à augmenter les émissions de GES du projet.
Dans une lettre ouverte signée et appuyée par 180 scientifiques et experts publiée en juin 20194, il est indiqué que le projet de Gazoduq Inc. « favoriserait l’extraction quotidienne de 44 millions de mètres cubes de gaz naturel dans les Prairies canadiennes, ce qui représente 2,6 fois la consommation quotidienne de l’ensemble du Québec. Le Canada, qui est déjà le 5e exportateur de gaz naturel en importance au monde, verrait ses exportations nettes de gaz naturel grimper de 27% si ce projet allait de l’avant ». Au niveau des émissions fugitives, ces scientifiques et experts expliquent que « comme le gaz naturel est constitué essentiellement de méthane, un gaz à effet de serre 84 fois plus puissant que le CO2 sur un horizon de 20 ans, la contribution de ces fuites au réchauffement planétaire est énorme, et il est donc possible que les émissions totales de GES associées à ce projet soient considérablement plus élevées que les meilleures estimations disponibles ».
Questions
34) Quelles sont les émissions de GES liées au projet outre durant les phases de construction et d’exploitation ? Quel est le bilan des émissions de GES du gaz naturel produit dans l’Ouest canadien qui serait transporté par le projet Gazoduq ?
35) Considérant que le projet permettrait d’ouvrir de nouveaux marchés pour le gaz naturel canadien et que selon 180 scientifiques et experts, cela entraînerait une augmentation de la production et des exportations nettes du gaz naturel, quelles seraient les émissions de GES liées à l’augmentation de la production liée au projet ?
36) Comment seront mesurées les fuites de gaz le long du tracé ? Comment seront calculées les émissions de GES produites par ces fuites de gaz ?
XI) Processus d’évaluation
Nous souhaitons exprimer notre profond désaccord avec le processus d’évaluation du projet Gazoduq. Nature Québec juge sévèrement le processus actuel d’évaluation environnementale.
Nous dénonçons qu’un même actionnaire majoritaire (GNL Québec S.E.C.) divise en deux entités juridiques distinctes un projet dont les composantes sont intrinsèquement liées et impossibles à réaliser les unes sans les autres. Malheureusement, les structures d’évaluation du Québec et du Canada semblent impuissantes face à cette façon de faire qui a pour effet de rendre impossible une évaluation globale du projet et de ses impacts réels et cumulatifs.
Nonobstant ce qui précède, Nature Québec ne comprend pas la raison pour laquelle il y aura deux évaluations environnementales distinctes – par l’AEIC et par le BAPE – d’un même projet industriel (Gazoduq). Cette façon de faire sème la confusion et n’est pas de nature à favoriser une large participation du public et une compréhension claire des enjeux et des impacts du projet.
Nature Québec considère que le projet GNL Québec dans son ensemble (gazoduc, usine de liquéfaction et terminal maritime) aurait dû faire l’objet d’une « commission d’examen conjoint » selon les paramètres légaux et ceux inclus dans L’Entente de collaboration Canada-Québec en matière d’évaluation environnementale (2010). Le projet GNL Québec, s’il se réalise, pourrait affecter significativement le bilan carbone du Canada. Difficile d’imaginer un projet plus approprié pour le déclenchement d’une commission d’examen conjoint compte tenu de son caractère profondément déstructurant en matière de lutte contre les changements climatiques et de ses impacts sur la biodiversité.
AVIS : Même si Nature Québec a accepté de participer au présent processus d’évaluation, elle n’en reconnaît pas la légitimité et la légalité compte tenu de ce qui précède et se garde tous ses droits de recours légaux le cas échéant.
Conclusion
En terminant, Nature Québec tient à souligner que la description initiale du projet présentée par Gazoduq Inc. est biaisée. En effet, en répétant les prétentions de son client GNL Québec Inc. concernant l’utilisation finale du gaz naturel liquéfié sur les marchés internationaux pour remplacer des énergies fossiles plus polluantes sans une analyse impartiale de ces prétentions, le promoteur décrit son projet de manière peu objective. Il est essentiel que la description initiale du projet soit présentée de façon impartiale et objective, en s’appuyant sur des faits et non des spéculations, sinon c’est tout le processus d’évaluation qui peut être teinté.
Références
GIEC, 2018 : Résumé à l’intention des décideurs, Réchauffement planétaire de 1,5 °C, Rapport spécial du GIEC sur les conséquences d’un réchauffement planétaire de 1,5°C par rapport aux niveaux préindustriels et les trajectoires associées d’émissions mondiales de gaz à effet de serre, dans le contexte du renforcement de la parade mondiale au changement climatique, du développement durable et de la lutte contre la pauvreté [Publié sous la direction de V. MassonDelmotte, P. Zhai, H. O. Pörtner, D. Roberts, J. Skea, P.R. Shukla, A. Pirani, W. Moufouma-Okia, C. Péan, R. Pidcock, S. Connors, J. B. R. Matthews, Y. Chen, X. Zhou, M. I. Gomis, E. Lonnoy, T. Maycock, M. Tignor et T. Waterfield]. Organisation météorologique mondiale, Genève, Suisse, 32 p. : https://www.ipcc.ch/site/assets/uploads/sites/2/2019/09/IPCC-Special-Report-1.5-SPM_fr.pdf
IRENA, 2019 : Renewable capacity statistics 2019, International Renewable Energy Agency (IRENA). Abu Dhabi, Émirats arabes unis, 60 p. : https://www.irena.org/-/media/Files/IRENA/Agency/Publication/2019/Mar/IRENA_RE_Capacity_Statistics_2019.pdf
IRIS, 2019 : GNL Québec/Énergie Saguenay – Quelles retombées fiscales ? [Auteurs : Colin Pratte et Bertrand Shepper]. Montréal, Canada, 4 p. : https://cdn.iris-recherche.qc.ca/uploads/publication/file/FicheCAQ-8-GNL_WEB.pdf
Jesse Greener et Lucie Sauvé (Liste complète des signataires : http://www.ledevoir.com/documents/pdf/2019-06-03_signataires-lettre.pdf: Le projet GNL Québec doit être rejeté [Publié dans Le Devoir]. Montréal, Canada : https://www.ledevoir.com/opinion/libreopinion/555880/le-projet-gnl-quebec-doit-etre-rejete
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