Édition du 29 octobre 2024

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Canada

Refonte de la loi sur la citoyenneté canadienne

Comment perpétrer la peur de l'autre

« Canada, terre d’asile ? Malgré le nombre record de réfugiés dans le monde, Ottawa a reçu deux fois moins de demandes en 2013 qu’en 2012 », titrait Le Devoir, en couverture de son édition du 21 mars dernier. Selon un nouveau rapport de l’agence des Nations unies pour les réfugiés (HCR), quelque 10 400 personnes ont déposé une demande d’asile auprès du Canada en 2013, contre presque le double, soit 20 500 l’année précédente. Pourtant, une hausse substantielle de demandes, soit 28 % de plus, est observée dans l’ensemble des 44 pays industrialisés cités dans le rapport de l’HCR.

(tiré du Journal Unité - Conseil central métropolitain-CSN, juin 2014, vol. 28, no.5)

Pour l’agence onusienne, cette diminution du nombre de demandes découle des nouvelles politiques d’accueil du gouvernement canadien mises en place en décembre 2012 et restreignant les critères d’admission des ressortissants provenant de certains pays jugés plus sécuritaires. Ainsi, les demandeurs provenant de pays comme la Hongrie et le Mexique qui auraient été déboutés ne peuvent interjeter appel auprès de la Section d’appel des réfugiés d’Immigration et citoyenneté Canada. Or, avec la Chine, le plus grand nombre de demandeurs d’asile provenaient de ces pays.

C-24, encore plus contraignant

Encore récemment, Ottawa a resserré ses critères dans l’octroi du statut de citoyenneté canadienne. Pratiquement passée sous le radar, la refonte de la Loi sur la citoyenneté, déposée en février dernier par le ministre de l’Immigration Chris Alexander, suscite de vives inquiétudes tant du côté du Conseil canadien pour les réfugiés qu’auprès de l’Association du Barreau canadien (ABC). Dans son communiqué daté du 30 avril, l’ABC émet de grandes réserves sur les nouvelles dispositions de C-24. Elle cible notamment « l’importante augmentation des pouvoirs du gouvernement de révoquer la citoyenneté et l’exigence faite aux demandeurs de la citoyenneté de démontrer une intention de résider au Canada ».

Au lendemain du dépôt du projet de loi, le chroniqueur en matière d’affaires nationales au Toronto Star, Thomas Walkom, le qualifiait de cheval de Troie. « Il est présenté comme un effort pour réduire la fraude et rationaliser le processus d’accession à la citoyenneté canadienne, deux objectifs louables. Mais il accordera également une autorité sans précédent au gouvernement conservateur de Stephen Harper en privant des Canadiens de leur citoyenneté, y compris des milliers d’entre eux nés au Canada. »

Avant, il était impossible de retirer la citoyenneté canadienne à une personne née au Canada. Plus maintenant. Si le projet de loi est adopté tel que proposé, des Canadiennes et des Canadiens de naissance pourraient perdre leur citoyenneté s’ils ont droit à la citoyenneté d’un autre pays. Pour plusieurs observateurs, il s’agit ici d’une parfaite illustration de la dérive sécuritaire qui caractérise les politiques du gouvernement conservateur. « Les migrations internationales prennent aujourd’hui une importance considérable. Les réponses élaborées par les États, qui doivent composer avec cette réalité, se déploient dans une conjoncture mondiale surtout dominée par le paradigme sécuritaire et utilitariste. Le Canada s’engage largement dans cette voie. » (Mouloud Idir, du Centre Justice et foi, dans le Huffington Post Québec, 26 mars 2014).

Des citoyens plus égaux que d’autres...

Le projet de loi C-24 contient aussi des mesures discriminant certains Canadiens par rapport à d’autres. Dans le mémoire déposé par l’ABC au Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration de la Chambre des communes, l’association estime que certaines dispositions établissant une distinction entre les Canadiens naturalisés et les autres citoyens canadiens sont contraires à la Charte canadienne des droits et libertés.

Certains Canadiens seront-ils plus égaux que d’autres ? D’aucuns estiment que l’actuel projet de loi ne passerait pas le test des tribunaux en matière de constitutionnalité et d’équité de traitement. À l’occasion de la Journée mondiale pour les réfugiés, le 20 juin, dénonçons les politiques du gouvernement conservateur en matière d’immigration et de citoyenneté, lesquelles sont marquées au coin par la xénophobie.

Emmanuelle Proulx

Conseillère syndicale

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