En novembre dernier, à Varsovie et dans le froid, la majorité des ONG et mouvements avaient décidé de quitter les négociations climat de l’ONU avant leur terme. Au nom des slogans suivants : « Assez de discours, des actes », « les pollueurs parlent, nous marchons », « écoutez les peuples, pas les pollueurs ». Quelques six mois plus tard, sous la chaleur, les négociations climat ont repris à Bonn (4 – 15 juin) comme si de rien n’était. Comme si de nouveaux records de concentrations de gaz à effets de serre n’avaient pas été récemment enregistrés. Comme si les ouragans Sandy (Cuba – Etats-Unis) et Haiyan (Philippines) n’étaient plus que de lointains souvenirs. Comme si les vives critiques de la société civile pouvaient se dissiper alors que rien n’a été fait pour remédier à l’emprise des intérêts des entreprises les plus polluantes sur les négociations.
« Ne soyez pas si pessimistes ! » nous est-il répondu du côté du gouvernement français, invitant à regarder du côté des Etats-Unis qui viennent d’annoncer des objectifs de réduction d’émissions de gaz à effets de serre (GES) pour leurs centrales électriques. Difficile pourtant de s’enthousiasmer pour ce très léger sursaut de lucidité du pire élève de la classe de cancres que représentent les Etats majoritairement responsables des émissions (passées et présentes) de GES. Des Etats qui sont incapables de respecter leurs propres engagements visant à ne pas dépasser les 2°C de réchauffement climatique d’ici la fin du siècle.
Ainsi, les pays du G20, qui représentent 80 % de la consommation mondiale d’énergie, ont accru leur consommation d’énergie de 2,1 % en 2013 et leurs émissions de GES d’environ 2 %, rendant possible une croissance économique moyenne de 2,8 %. A chaque point de croissance supplémentaire correspond une augmentation de 0,7 point d’émissions. Un ordre de grandeur qui se confirme tant dans le temps que dans l’espace (voir cette étude), le découplage croissance-émissions restant à l’état de prophétie non réalisée. Point d’exemplarité européenne en la matière, puisque l’amélioration de l’intensité énergétique du PIB européen n’a été rendue possible que par la substitution d’importations aux productions domestiques les plus intensives en énergie. La dégradation continue de l’empreinte carbone des Européens, y compris des Français, l’atteste.
Courir après un point de croissance économique supplémentaire, sans même mentionner aucune exigence de contenu, revient donc à engendrer les conditions du chaos climatique. Si Laurent Fabius souhaite sincèrement éviter un tel chaos, comme il vient de l’annoncer, encore faut-il qu’il en tire toutes les conséquences en matière de politique économique. Tant en France qu’au niveau de l’Union européenne. Le nouveau report de la loi transition énergétique, le maintien de projets climaticides, l’absence de financements pour la transition énergétique (voir notre rapport) sont autant d’indices du manque d’empressement du gouvernement de relever les défis de la transition. Des défis auxquels il faut rajouter les propositions largement insuffisantes de la Commission européenne en matière de réduction d’émissions de gaz à effet de serre, d’efficacité énergétique et de développement des énergies renouvelables pour 2030. Et des négociations commerciales transatlantiques qui sabordent le climat et la transition.
Les négociations climat ont donc repris leur cours à Bonn. Comme si de rien n’était. Point d’objectif de réduction d’émission à la hauteur sur la table. Des « cacahuètes » en termes de financement. Et des négociateurs qui annoncent déjà que la conférence de Paris sera incapable de prendre des décisions à la hauteur des enjeux. Là où il faudrait revenir en deçà d’un seuil de 38 gigatonnes d’émissions d’équivalent CO2 d’ici à 2020, on se dirige tout droit vers 57 gigatonnes d’émissions en 2020 sans qu’aucun Etat n’envisage de revoir à la hausse ses objectifs de réduction d’émissions d’ici là. Et notamment par l’Union européenne qui ne veut absolument pas revoir son ambition à la hausse.
Comme l’affirme une déclaration signée par plusieurs organisations internationales, dont Attac France, « si nous perdons cette décennie, c’est le chaos climatique assuré » et « aucun futur accord ne sera en mesure de réparer les dégâts occasionnées par les émissions de gaz à effets de serre actuelles ». Surtout pas l’accord sans envergure que promet d’obtenir le gouvernement français en 2015. « Le temps est venu d’agir » selon ces organisations. « Nous avons besoin de tout le monde » disent-elles, mais « le temps des faibles stratégies, des demi-mesures ou des promesses vides (…) est dépassé », déclarent-elles, questionnant tout autant les politiques publiques des Etats et des collectivités, que les stratégies des différentes composantes de la société civile.
Par son engagement et ses actions à venir, Attac France contribuera, avec tous ceux qui le souhaitent, à renforcer un mouvement pour la justice climatique qui soit à la fois capable de promouvoir et donner à voir les alternatives au business as usual, notamment à travers le processus Alternatiba, et qui soit en mesure de clairement s’opposer aux adversaires de la transition, notamment les secteurs industriels et financiers qui sapent toute possibilité de déploiement massif de ces alternatives. L’Université des mouvements sociaux qui se tiendra à Paris du 19 au 23 août à l’initiative du réseau des Attac d’Europe sera l’occasion de mettre en débat et d’avancer collectivement sur ces enjeux majeurs du 21ème siècle.
Maxime Combes, membre d’Attac France et de l’Aitec, engagé dans le projet Echo des Alternatives (www.alter-echos.org)
Paris réunira début 2015 une conférence des capitales et des grandes villes européennes sur le climat, en vue de #ParisClimat2015#COP21