Tel que requis par l’Assemblée générale du 3 mai 2020 et tel que je m’y étais engagé, voici un résumé succint des faits qui permet de comprendre l’offensive actuelle des sociétés gazières et pétrolières. J’y ai greffé un résumé du contenu de la proposition réglementaire du 19 février 2020 ainsi que la réaction de nos alliés, le Collectif scientifique sur la question du gaz de schiste et le Comité de pilotage des municipalités qui réclament une meilleure protection de leurs sources d’eau potable. Finalement, j’y ai joint l’adresse où faire parvenir vos mémoires, commentaires et objections.
La problématique générale
On se souviendra d’abord que le gouvernement Couillard avait amendé de façon radicale les propositions réglementaires devant mettre en œuvre la Loi sur les hydrocarbures et ce, juste avant de perdre le pouvoir, le 1er octobre 2018. Les règlements d’application de cette loi prévoyaient maintenant l’interdiction de la fracturation hydraulique dans le shale (schiste), des distances séparatrices significatives pour protéger les cours d’eau, etc.
Comme je l’ai expliqué dans le document Le labyrinthe juridique, si les règlements du ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles (MERN) et découlant de la Loi sur les hydrocarbures, les règlements du ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MELCC) et découlant de la Loi sur la qualité de l’environnement devaient être harmonisés avec ceux du MERN car ils sont contradictoires prévoyant des normes opposées et incohérentes.
En effet, le Règlement sur le prélèvement des eaux et leur protection (RPEP), qui découle lui du MELCC autorise la fracturation hydraulique sur l’ensemble du territoire, à condition de respecter la distance horizontale de 500 mètres entre la tête du puits gazier et la source d’eau et de 400 mètres verticalement entre l’extension horizontale du forage et la base de l’aquifère.
La chronologie des faits
18 mars 2018 : Après de multiples démarches pour obtenir une dérogation au RPEP de façon à élargir les distances séparatrices entre les puits gaziers et les sources d’eau potable, 125 élu.e.s. municipaux réunis à Drummondville décident de s’adresser aux tribunaux.
Printemps 2018 : Des négociations intensives sont menées avec la ministre de l’Environnement, madame Mélançon, pour obtenir cet élargissement des zones de protection.
Septembre 2018 : le gouvernement Couillard cède et amende les règlements d’application de la Loi sur les hydrocarbures et interdit la fracturation dans le schiste.
1er octobre 2018 : La CAQ est élue et dirige maintenant le Québec
Novembre 2018 : Le Comité de pilotage des municipalités s’élargit et accueille dans son sein des maires et préfets du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie, les territoires non protégés par les règlements d’application de la Loi sur les hydrocarbures, puisque leur territoire ne contient pas de schiste
Automne 2018 : Questerre entreprend la contestation des règlements d’application de la Loi sur les hydrocarbures devant la Cour supérieure. La compagnie demandera ensuite au tribunal de suspendre la cause le temps qu’elle négocie avec le gouvernement pour obtenir des changements aux règlements ou une exemption, compte tenu que son projet est prétendument expérimental et que la loi permet au ministre, dans un tel cas, de donner une autorisation. Le gouvernement refuse et la contestation reprend devant la Cour supérieure.
Janvier-mai 2019 : les élu.e.s. du Bas-Saint-Laurent décident de tenir des assemblées publiques d’information et d’adopter des résolutions rejetant la recherche d’hydrocarbures dans leur territoire. Marc Durand, Richard E. Langelier et Chantal Savaria participent à ces réunions tenues à Sainte-Luce-sur-mer et Amqui.
Janvier 2019 : A titre de mandataire du Comité de pilotage, je rencontre les attachés politique du ministre Charrette concernant l’harmonisation du RPEP avec les règlements du MERN. Une rencontre est convenue avec le ministre.
Février 2019 : Le Comité de pilotage fait parvenir au ministère une série de documents sur la preuve scientifique contre la fracturation.
Juin 2019 : une délégation du Comité de pilotage accompagnés de Richard E. Langelier et de Chantal Savaria rencontre le ministre Charrette. La rencontre est cordiale et le ministre se dit ouvert aux revendications des élu.e.s. municipaux. Une autre rencontre est convenue à l’automne 2919 où le gouvernement doit donner sa réponse.
Octobre 2019 : Le ministre refuse de rencontrer les élu.e.s. municipaux comme convenu à cause de la contestation de Questerre.
Automne 2019 : Questerre achète les permis de recherche d’hydrocarbures dans une large partie de la vallée du Saint-Laurent (une compagnie achèterait-elle des permis pour forer alors que c’est interdit dans la vallée du Saint-Laurent sans engagement, sans obtenir de garanties ?)
Décembre 2019 : Alain Sans Quartier, cadre supérieur de Questerre, entre au bureau du premier ministre. Aucune transparence n’est donnée à cette nomination ni de la part du gouvernement ni de la part de Questerre.
Janvier 2020 : Questerre avise par lettre les résidents qu’elle détient maintenant les permis de recherche d’hydrocarbures dans la vallée du Saint-Laurent semant une vague d’inquiétude. Je dénonce ce projet dans le journal L’Express de Drummondville.
Janvier 2020 : Questerre réagit à ma dénonciation dans le journal L’Express de Drummondville. Le représentant de la compagnie affirme que Questerre compte créer 5 000 emplois et donner des redevances importantes aux municipalités (Pour créer 5 000 emplois il faut forer des centaines de puits ; les faibles redevances prévues dans la règlementation actuelle laissent de larges moyens aux compagnies pour tenter de corrompre les élu.e.s. locaux)
19 février 2020 : le gouvernement publie son projet de règlement complaisant à l’égard des gazières et amende le RPEP pour le rendre encore moins sévère à l’égard des gazières. C’est ce règlement que nous allons maintenant analyser.
La proposition réglementaire du 19 février 2020
Chantal Savaria et moi avons, avec la collaboration de Marc Durand, analysé en détail ce projet de règlement, on peut donc y référer car il est sur le site du RVHQ.
Mais pour l’essentiel que contient-il et que ne contient-il pas ?
Le projet de règlement sur l’encadrement d’activités en fonction de leur impact sur l’environnement, REAIE :
1- N’assure aucune transparence : l’accès au programme technique de l’entreprise est impossible (les produits introduits dans le sous-sol, les techniques utilisées, etc.), la protection des secrets industriels l’emporte sur l’intérêt public, l’accès aux renseignements caviardés pour protéger ces intérêts corporatifs pourrait prendre de longues années (jusqu’à plus de 25 ans !!!!).
2- Les assemblées publiques pour débattre des projets ne touchent que la recherche et non la production d’hydrocarbures, l’accès au programme technique est impossible et donc aucun consentement éclairé et libre n’est possible.
3- Il n’existe aucune norme pour la gestion des eaux usées imposée par le règlement.
4- Il n’existe aucune norme de séparation entre les résidences et les puits gaziers.
5- Il n’existe aucune norme sur les nuisances causées par la fracturation : aucune norme sonore, aucune norme sur la circulation des véhicules lourds autour des résidences.
6- Les informations transmises aux municipalités sont limitées et la consultation des élu.e.s. est minimale.
Les amendements au RPEP :
1- Ne modifient pas les distances séparatrices entre les sources d’eau et les puits gaziers. Donc, les contradictions avec les normes du MERN demeurent et c’est une façon d’encourager le tribunal à invalider les normes du MERN.
2- Font perdre la compétence au MELCC pour examiner les sondages stratigraphiques et leurs conséquences sur l’environnement.
La riposte à cette politique réactionnaire est engagée
1- Le Collectif scientifique sur la question du gaz de schiste présentera un mémoire rejetant ces propositions et exigeant leur retrait.
2- Le Comité de pilotage des municipalités qui réclament une meilleure protection de leurs sources d’eau potable présentera aussi un mémoire et envisage de demander au tribunal la permission d’intervenir.
3- Des scientifiques ont déjà fait connaitre leurs critiques et oppositions, dont Marc Durand.
4- Des comités ont commencé à écrire aux journaux ou dans les journaux municipaux.
5- Des citoyens et des comités ont commencé à écrire à leur député pour se plaindre de ces changements d’orientation pour le gouvernement de la CAQ.
Mais il faut amplifier le mouvement de résistance…
Comme le laisse voir la chronologie des faits et comme le confirment les projets réglementaires complaisants analysés précédemment, il semble bien que l’industrie ait réussi à instrumentaliser l’appareil d’État et le présent gouvernement pour les mettre à son service.
L’industrie gazière profite de la crise sanitaire, composante de la crise climatique, pour avancer ses pions sur l’échiquier social et politique.
Il importe de contrer cette offensive de l’industrie pour éviter que le « grand retournement » du gouvernement Legault ne se confirme et nous ramène 10 ans en arrière.
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