Alors même que la loi a été adoptée sous bâillon et alors même que notre charte des droits et libertés a été mis au placard pour procéder à l’adoption de cette loi, le gouvernement québécois continue d’assurer que cette loi est bonne pour la “paix sociale”.
La loi telle que votée hier ne contient aucune définition de ce qu’est un signe religieux. Interrogé plus tôt dans la semaine à quelques jours du scrutin, Simon Jolin-Barrette, ministre responsable du projet de loi, a finalement défini un signe religieux comme « tout objet, notamment un vêtement, un symbole, un bijou, une parure, un accessoire ou un couvre-chef » sera considéré comme étant un « signe religieux » s’il est porté « en lien avec une conviction ou une croyance religieuse », ou s’il est « raisonnablement considéré comme faisant référence à une appartenance religieuse ».
Avec une telle définition des plus vagues, nous imaginons très bien les dérives de l’applicabilité de l’interdiction des “signes religieux”. À la merci de la subjectivité des personnes chargées de statuer arbitrairement sur ce qu’est ou non un signe religieux, les populations minoritaires seront indéniablement celles visées par le projet de loi.
Et pour cause, là où des campagnes législatives similaires ont été mises en place, les femmes issues des minorités étaient déjà la cible de dérives, quand bien-même les lois en question définissent avec plus de précision le “signe religieux”, notamment par la taille.
C’est un projet de loi boiteux qui a été adoptée au côté du projet de loi 9 jetant définitivement à la poubelle 18 000 dossiers de demandes d’immigration. En un seul week-end, le gouvernement actuel a donné son feu vert pour mettre en parenthèse la vie de 50 000 personnes directement concernées par les 18 000 dossiers de demandes d’immigration et suspendre les projets d’avenir de centaines de milliers d’autres, visé.e.s par la loi 21.
Moins de 40h de débats en commission ont été consacrées pour la loi 21, adoptée sous bâillon, tout en invoquant la clause dérogatoire à la charte des droits et libertés de la personne au Québec. C’est du jamais vu.
Aujourd’hui vous n’êtes peut-être pas de ceux ou celles qui sont directement touché.e.s par la loi 21. Sachez cependant qu’hier le Québec a fait la démonstration qu’il pouvait viser n’importe quel groupe minoritaire en mettant les droits fondamentaux au placard.
Mais aujourd’hui, nous avons une pensée particulière pour les femmes musulmanes. Elles seront les premières touchées par la loi 21.
Nous leur exprimons notre entière solidarité et nous réitérons que nous nous maintenons à leurs côtés.
En mai 2019 dernier, la FFQ avait voté avec ses membres une résolution pour participer aux efforts des groupes de défense des droits collectifs et des droits de la personne afin d’amener le gouvernement à retirer le discriminatoire projet de loi 21.
En vertu de cette résolution, nous étudierons les moyens d’action disponibles pour contester la loi 21.
Nous resterons debout-tes (!) auprès de vous tout.e.s.
En ce triste jour, nous mettons de nouveau à disposition la liste des témoignages que l’autrice Idil Issa avait collecté pour notre mémoire sur le PL21 en vue de notre passage en commission parlementaire :
Témoignages sur le projet de loi 21
– Madina, Administration - Je suis voilée, ma famille et moi sommes touchées psychologiquement.
– Anonyme, Enseignante au secondaire – Nous prévoyons, moi et ma famille, de changer de province.
– Messaouda, Enseignante au primaire - Je représente un pilier financier important pour la famille. Je paie le loyer, les factures et l’école privée de ma fille.
– Messaouda, Enseignante au primaire - C’est discriminatoire ce projet. La clause dérogatoire est injuste. Elle m’obligerait à stagner dans mon poste jusqu’à la retraite. Je dois oublier le rêve d’acheter une maison comme tous mes collègues vu que je ne peux pas changer de commission scolaire.
– Messaouda, Enseignante au primaire - Depuis la charte de Marois des gens me disent de rentrer chez moi.
– Lucie – enseignante – c’est un projet de loi discriminatoire envers beaucoup de gens. Je porte le voile et j’ai heureusement un poste permanent. Mais je pense à toutes les autres.
– Messaadi, Enseignante – Je vis dans le stress, quotidiennement. Je ne pourrai pas changer de commission. Je ne pourrai pas postuler pour un autre poste.
– Messaadi, Enseignante - Dès mon arrivée au Québec, je me suis très bien intégrée. J’a fait toutes les démarches nécessaires pour avoir mon permis d’enseigner. J’ai investi mon temps et mon argent ! C’est inhumain, c’est discriminatoire de m’interdire d’enseigner parce que je porte un signe religieux.
– Messaadi, Enseignante - Oui, le regard des gens a changé. Dans le métro, dans la rue ou à l’école, les gens me dévisagent. Je me sens visée, harcelée par les regards.
– Manal, Étudiante au BEPEP/suppléante - Il faut continuer à avoir une ouverture aux autres et sur le monde. Il faut accepter et respecter la diversité de penser, d’être et d’agir des autres . Nous n’avons pas besoin d’être en accord sur tout pour coexister. Enfin, il faut favoriser le dialogue dans le respect.
– Samia, Enseignante – Ce projet n’a pas sa place dans notre société.
– Samia, Enseignante – J’ai été victime d’intimidation indirecte par des collègues disant qu’une enseignante portant un hijab est un mauvais exemple pour les jeunes filles puisque cela valoriserait un symbole de soumission de la femme selon eux. Aussi, ce n’est pas facile de rester positive lorsqu’un climat de haine règne. Je m’inquiète parfois pour ma sécurité en plus de m’inquiéter pour mon avenir.
– Jaouadi, Enseignante - Ça sera la précarité financière, car je contribue financièrement dans l’éducation de mes enfants. De plus, comment expliquer à un enfant que sa maman est discriminée dans la société parce qu’elle a fait des choix. Comment faire élever mon enfant dans une société qui m’a rejetée et qui par conséquent renie mes enfants ? Comment expliquer à mon enfant que même en étant différent on a le droit de rêver, d’aspirer à la justice et l’égalité et au bonheur ?
– Jaouadi, Enseignante – Nul doute que ce PL est une brêche dans la société qui a permis aux mals intentionnés d’exprimer leur haine. Le regard froid de la vendeuse, le doigt d’honneur du conducteur, le mépris de ta collègue qui te dit de porter la tuque des Canadiens et j’en passe…
– Anonyme, Enseignante – Pourquoi faire une loi pour brimer des personnes dans leurs droits fondamentaux alors qu’elles sont utiles dans notre société ?
– Anonyme, Enseignante – À chaque fois qu’on parle de ce projet, le moindre mal sont les regards hostiles, mais le pire, ce sont les injures et les agressions verbales et physiques dont mes ami-e-s et moi avons été victimes ; je ne le souhaite a personne !
– Fatima, Student Teacher – I will no longer be able to complete my stages with a hijab according to Bill 21. I will no longer be able to become a teacher in this province. I will no longer be able to even attend my university classes since I wear the face veil. I will also not be able to receive or give public services with my niqab. I already feel unsafe in the streets, and this feeling will only be heightened by Bill 21. I feel unwanted, and as a second class citizen because of Bills such as Bill 21. My freedom is on the line.
– Fatima, Student Teacher – I need to think twice before going outside. People look at me differently because of the way I dress. This bill makes people’s reactions worst.
– Nafeesa, Teacher – I will not be able to move and relocate. I will no longer be able to pursue my Masters in educational leadership to work at a public school board.
– Nafeesa, Teacher – The way people dealt with me at times. Most important my mental health, feeling scrutinized and made to feel like the other – it weighs on me everyday when I go to work.
– Aya, Teacher - I feel other-ed in a province I spent 29 years in. I feel like I am not welcome here unless I deny who I am and religious convictions. My experience as a teacher will definitely be worsened if this legislation is implemented.
– Anne-Marie, Suppléante au primaire – Cette loi va m’empêcher de continuer de travailler comme suppléante au primaire. Pourtant, il y a actuellement un besoin criant de personnels en enseignement au primaire.
Témoignages sur le projet de loi 21 – p14-16 du mémoire de la FFQ sur le projet de loi 21.
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