Tiré de Courrier international.
Le candidat de M. Sanchez, l’ex-ministre de la Santé, Salvador Illa, a beau être arrivé premier avec 23% des voix et 33 sièges sur 135 au parlement régional (contre 17 auparavant), il n’a a priori aucune chance de prendre la tête de la riche région de 7,8 millions d’habitants.
Un échec pour cette figure de la lutte contre le Covid-19 mais aussi pour M. Sanchez qui s’est personnellement impliqué dans la campagne pour tenter de déloger les indépendantistes du pouvoir.
Si les socialistes "espéraient écarter les indépendantistes du pouvoir, ils avaient mal lu le scénario. C’était un objectif peu réaliste", juge la chercheuse en sciences politiques Berta Barbet.
Si peu réaliste que les indépendantistes, pourtant profondément divisés depuis l’échec de la tentative de sécession de 2017, ont renforcé leur majorité avec 74 sièges au parlement catalan contre 70 auparavant.
Et, certes aidés par une abstention record qui a pénalisé les anti-indépendantistes, ils ont dépassé pour la première fois la barre des 50% des voix lors d’un scrutin régional, contre 47,5% lors du dernier scrutin de 2017.
Un score qui n’est toutefois pas synonyme de majorité indépendantiste dans la région : selon un sondage datant de janvier, 47,7% des habitants de la région sont opposés à la sécession tandis que 44,5% y sont favorables.
Modérés
Le rapport de forces au sein du mouvement indépendantiste, au pouvoir depuis 2015 à Barcelone, a en revanche évolué.
Formation plus modérée, Gauche Républicaine de Catalogne (ERC, 33 sièges) a devancé pour la première fois l’autre grand parti séparatiste, Ensemble pour la Catalogne (JxC, 32 sièges) de l’ex-président régional Carles Puigdemont.
Les radicaux de la CUP ont eux remporté 9 sièges.
Le candidat d’ERC, Pere Aragonés, 38 ans, est donc le mieux placé pour prendre la présidence de la région à la tête d’une nouvelle coalition indépendantiste.
Une autre hypothèse aurait pu être une alliance entre les socialistes, ERC et la gauche radicale de Podemos mais les deux premiers rejettent une telle idée bien qu’ils soient alliés au parlement espagnol où ERC a soutenu la reconduction au pouvoir de Pedro Sanchez il y a un an.
"Le scénario le plus plausible est celui d’une nouvelle coalition ERC-JxC" mais cette fois "avec ERC à sa tête", estime Berta Barbet.
Pour Ernesto Pascual de l’Université Ouverte de Catalogne, la bonne nouvelle, après une décennie de tensions, est qu’"au sein de chaque bloc (indépendantiste et non-indépendantiste), les électeurs ont voté pour les partis qui veulent le plus trouver une solution au problème" catalan.
Les socialistes deviennent ainsi la première force du bloc anti-indépendantiste au détriment des centristes de Ciudadanos, farouchement opposés à la stratégie de détente de Pedro Sanchez en Catalogne.
A la tête du camp séparatiste, ECR aura en revanche fort à faire pour aplanir ses divergences avec les fidèles de Carles Puigdemont, qui prônent toujours la rupture avec Madrid.
Sanchez n’a pas tout perdu
S’il a manqué son principal pari, Sanchez n’a pas tout perdu et ramène "de bonnes nouvelles" de Catalogne, selon l’analyste Josep Ramoneda.
Avec ERC, il disposera d’un interlocuteur plus facile à Barcelone même si leurs positions restent antagonistes sur l’idée d’un référendum d’autodétermination.
Par ailleurs, ses opposants de droite et du centre sont "dans une situation de crise" après avoir été dépassés dimanche par l’extrême droite de Vox qui détient plus de sièges au parlement catalan (11) que le Parti Populaire (droite) et Ciudadanos réunis (3 et 6).
Ce qui pourrait conférer à Pedro Sanchez plus de marge de manoeuvre pour, par exemple, accorder sa grâce aux indépendantistes condamnés en 2019 à la prison pour leur rôle dans la tentative de sécession, ce que réclament les séparatistes à cor et à cri.
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