Édition du 18 juin 2024

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Politique canadienne

Canada : La course à la chefferie au NPD dans le contexte de l'apparition du mouvement Occupy

Nous ferons possiblement face à des changements économiques et sociaux considérables dans les prochaines années. Le NPD va-t-il choisir un cadre et un stratège de génie ou va-t-il choisir un visionnaire qui aura le courage de prendre des risques et saura mobiliser les 99% ?

Traduction : Shelly D’Cruz

Il n’y a rien de mieux qu’un mouvement social global pour virer les autres événements pour faire la Une des médias et le mouvement Occupy y est arrivé. Après l’avoir ignoré pendant quelques semaines, alors qu’il naissait à New York, les médias s’en sont depuis saisis.

Je m’y attendais à moitié parce que les médias tiennent pour acquis l’échec du mouvement et ce sont des rapaces. Mais avec l’espoir qui imprègne le mouvement, peut-être que même les journalistes et les gardiens de l’information seront amenés à lui porter plus d’attention ( ils font après tout, partis des 99%)

L’un des événements qui a sauté de la une des journaux est la course à la chefferie du NPD. Ce n’est pas parce que le mouvement Occupy est unique et sans précédent depuis les vingt dernières années ou plus. C’est parce que les thèmes abordés par Occupy font comparativement de la course à la chefferie quelque chose de mondain et ridicule.

Ce mouvement est, que cela ait été mentionné ou non, un accès de colère anticapitaliste qui exige une réelle justice sociale, une réelle démocratie et qui est absolument indépendant de toutes entités politiques, institutions et organisations existantes traditionnelles.

Une partie du message est claire comme du cristal : les Indignés nous disent - et l’élite au pouvoir, est que peu importe ce qu’eux et nous faisons, cela ne signifie rien pour eux. Les politiques syndicales, la culture du mouvement social, les partis politiques ( incluant le NPD) ont tous été déclarés implicitement si ce n’est explicitement, défunts, sans pertinences et pour leurs objectifs ---la justice sociale dans son ensemble — sans aucune utilité.

Cela prendra un long moment avant que le mouvement Occupy s’essoufle et il paraît peu probable que le NPD puisse retrouver sa place dans les médias avec la présente brochette de candidatEs au leadership. Enfin, c’était jusqu’à aujourd’hui, quand certains partisans de Peggy Nash ont annoncé qu’elle présenterait bientôt sa candidature. Quelques mots sur Madame Nash suivront dans la minute. Si le parti choisit l’un des favoris, Brian Topp ou Thomas Mulcair, cela consolidera la droite du parti à la dérive et cela apportera des réponses à ses préoccupations concernant les manoeuvres stratégiques à un moment où les événements dans le monde feront de tous ces changements quelques choses de secondaires.

Comme l’a récemment écrit Chris Edge dans une brillante réflexion sur la signification d’Occupy : « Modifier l’État entreprise ne fonctionnera pas. Nous allons soit être plongés dans un système néo-féodal et une catastrophe environnementale ou nous allons arracher le pouvoir des mains des multinationales. » [1]

Où se situe la course à la chefferie du NPD dans ce spectre de ces possibilités ? Y a-t-il au moins quelques-uns des candidats masculins au courant des choix mis en exergue par Hedges ? Nous pouvons rapidement rayer de la liste Thomas Muclair. C’est un capitaliste patenté et un libéral dans l’âme qui se distingue à peine des 1% ciblés par les Indignés.

En 2007, Kady O’Malley a interviewé Mulcair et lui a demandé de se décrire en tant que politicien. Il a répondu : « Avant toute chose, je suis un administrateur public et un cadre. J’ai siégé au sein de la plus grande agence québécoise de régulation et j’ai diminué son personnel, j’ai apporté des systèmes de gestion pour améliorer l’effectivité. ...Quand j’étais ministre de l’Environnement, j’ai réduit de 15% le budget du ministère. » Wow. J’aurai aimé voter pour Tom.

Quand Mulcair était le porte-parole des finances du NPD, il a rarement dit quoique ce soit de critique envers les politiques économiques du gouvernement et n’a virtuellement jamais émis de propositions progressistes pour contrer Harper et son idéologie affairiste. Il a rarement abordé le sujet des politiques économiques au Parlement et selon les dires, encore moins durant les caucus.

Mais dernièrement, il s’est mis à nous faire part de ses réflexions et incroyablement, de son soutien à l’ALENA. Il a déclaré ce soutien dans une entrevue récente et il s’enorgueillissait d’avoir aidé à la rédaction préliminaire de l’Accord, et de dire : « Pour certains, l’ALENA est une abomination. L’ALENA est le premier accord international incluant des dispositions quant à l’environnement. On ne peut pas jeter le bébé avec l’eau du bain. » [2]

L’ALE et l’ALENA ont été les accords les plus dommageables que le pays n’ait jamais eu à endurer—déclenchant deux décennies de baisse des salaires, un rapide tarissement des ressources naturelles, une baisse de la productivité, la perte de plusieurs centaines de milliers des meilleurs emplois dans le pays et en dépit des déclarations naïves de Muclair, virtuellement il a conduit le gouvernement fédéral à mettre fin à toutes nouvelles législations environnementales ( après que celui-ci ait perdu deux contestations au sein de l’ALENA).

Ajoutons à cette position économique de droite, qu’il a été largement rapporté que Muclair se comporte comme une brute, a un mauvais tempérament et fait preuve de mauvais jugements ( comme lorsqu’il a exposé son parti à l’humiliation en s’attaquant publiquement à Libby Davie pour son soutien aux Palestiniens) et l’une des choses qui deviennent évidents : si le NPD choisit Mulcair, il va détruire ce qui reste de l’aile sociale-démocrate du part i— ce qu’il a déjà sous-entendu qu’il ferait en orientant le parti plus vers le centre.

Avec des radicaux du libre-échange à la tête des Libéraux et des Conservateurs, le NPD est déjà au centre, Muclair ne ferait que déplacer son parti vers la droite — directement dans le système libéral qu’il a soutenu et promu pendant des années.

Brian Tom est aussi un sujet d’inquiétudes, mais pour différentes raisons. Il n’y a aucun doute sur le fait que Topp est une personne intelligente et il connaît les arcanes du gouvernement et des campagnes électorales. Mais sa campagne à l’investiture du parti rappelle celle de Paul Martin - dont la méchanceté et le zèle à le faire étaient sans égal, dont sa campagne de dénigrement des autres candidats a handicapé son parti.

Mais Topp a été accusé d’essayer de devancer rapidement tout le monde que les autres bons potentiels candidats ont abandonné avant même qu’ils aient la chance de décider s’ils allaient entrer dans la course. Un ancien poids lourd du NPD, Doug MacArthur rapporte les propos d’un membre de l’équipe de campagne de Topp : « Finissons-en avec cette course à l’investiture avant même qu’elle ne commence. »

Topp était un proche conseiller de Roy Romanow. Mais Romanow était essentiellement un libéral et son administration a sabré dans les budgets de l’éducation et de la santé autant que sous le précédent gouvernement conservateur. J’ai fait, une fois, une entrevue avec Romanow, juste avant qu’il devienne le chef du parti, et je lui ai demandé son avis sur le rôle des mouvements sociaux et il a répondu que ceux-ci étaient « complètement inutiles. » Son gouvernement a reflété cette attitude. Peut-être Topp était en porte à faux avec lui —mais si cela était le cas, il avait une faible influence.

L’une des faiblesses du parti sous Jack Layton était sa préoccupation à l’égard des manoeuvres stratégiques au détriment des politiques de développement. Le parti n’avait presque qu’aucune politique en matière de personnel, mais un système de communication bien rôdé.

Topp a eu une énorme influence sur Layton et nous pouvons assumer qu’il a été l’un des architectes de cette approche — il a été l’un de ceux qui a orienté le parti vers le centre. En même temps, le parti a été accusé de mettre ses intérêts avant deux du pays — certains allant même jusqu’à les blâmer d’avoir permis à Harper d’avoir obtenu sa première minorité.

Toutefois pour donner un peu plus de crédit à Topp, celui-ci semble déterminé à explorer de nouveaux terrains. Il s’est positionné en faveur de l’augmentation des taxes sur les riches et les entreprises — c’est le premier candidat à le faire. C’est une position que ses rivaux doivent suivre si le parti veut demeurer une force sociale démocratique viable. Topp ne s’est jamais excusé de ses connexions avec les milieux syndicaux, s’adressant à la Presse Canadienne, il a déclaré « Si ce n’était pour le mouvement syndical, nous aurions commencé à travailler dès l’âge de sept ans. »

Nous faisons face possiblement à des changements sociaux et économiques monumentaux dans les prochaines années. La course au leadership est jugé par rapport à l’optique de savoir qui pourrait battre Stephen Harper dans 4 ans— mais que pensent les gens de ce que le Canada et le monde auront l’air dans 4 ans ?

Est-ce qu’Harper, le soi-disant génie stratégique, sera toujours aussi formidable ou est-ce que la dépression globale et les désastres croissants du changement climatique lui auront fait mordre la poussière ? Le NPD a-t-il besoin d’un cadre doublé d’un génie de la tactique ou a-t-il besoin d’un visionnaire qui aura le courage de prendre des risques et de mobiliser les 99% ?

Avons-nous besoin d’une personne qui va s’étouffer avec le mot capitalisme de peur d’effrayer les gens ou avons-nous besoin d’une personne qui peut se lier avec le seul nouveau mouvement depuis ces 40 dernières années qui prend le capitalisme pour cible de façon si évidente.

La candidature potentielle de Peggy Nash va donner un choix très intéressant dans brochette de candidatEs. Juste le fait qu’elle ne soit pas un homme blanc est assez rafraîchissant. Et c’est elle qui est virtuellement, la première porte-parole en matière de finances du NPD pour autant que je me rappelle et qui comprend réellement l’économie et qui a assez d’intelligence pour se mesurer à un ministre de l’économie.

Elle s’est activement opposée à Flaherty et avec succès sur des bases régulières depuis qu’elle occupe dans cette fonction. Elle pourrait, à elle seule, changer la perception du NPD sur les questions d’économies. Et l’économie sera un des enjeux majeurs pour un long moment.

Mais plus encore, ce qui distingue Nash des autres candidats c’est qu’elle travaille depuis longtemps avec les mouvements sociaux et syndicaux. Si le NPD pense qu’il peut gagner les prochaines
élections tout seul, il rêve.

Les médias et Harper vont s’en prendre au NPD et celui qui sera investi, et ce d’une façon qu’ils n’ont jamais faite auparavant puisque le NPD est la menace la plus sérieuse et la plus imminente pour la domination des entreprises sur le pays.

Une relation avec le mouvement Occupy, peu importe, ce qu’il devient ( en plus des mouvements sociaux traditionnels) deviendra obligatoire et ne peut être motivé par de l’opportunisme politique. Nash est, pour ainsi dire, l’unique candidate capable de construire une relation égalitaire avec les mouvements sociaux, celle-ci sera la clé pour battre Harper et s’opposer à l’État entreprise. Les membres du NPD vont-ils, avec un peu d’espoir, faire preuve de plus d’imagination et faire plus attention à sa candidature ?


Notes

[1] http://www.truthdig.com/report/item...

[2] http://www.ipolitics.ca/2011/10/14/...

* From X-Ray :

http://xraymagazine.ca/34/6/

* Murray Dobbin est un journaliste, commentateur radio, auteur et militant depuis 40 ans. Cet article a été publié sur son blog murraydobbin.ca.

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