Tiré de Courrier international. Cet article fut publié à l’origine par Ha’Aretz.
Le cataclysme qui fracasse Israël est clairement la responsabilité d’une seule personne : Benyamin Nétanyahou. Notre Premier ministre, qui s’enorgueillit d’une expérience politique sans précédent et d’une solide capacité de discernement en matière sécuritaire, n’a manifestement pas pris à leur juste mesure les menaces auxquelles il exposait Israël en mettant sur pied un gouvernement d’annexion et de dépossession, en nommant [les dirigeants d’extrême droite suprémaciste] Bezalel Smotrich et Itamar Ben Gvir à des postes clés, tout en adoptant une politique étrangère qui nie explicitement les droits des Palestiniens, voire la simple existence de ces derniers.
Nétanyahou essaiera sans doute de fuir ses responsabilités en rejetant les causes du meḥdal [“déroute”] sur les chefs de Tsahal [armée israélienne], de l’Aman [services de renseignements de l’armée] et du Shabak [Shin Bet, renseignements intérieurs].
Arbitre ultime
Certes, nos organes de sécurité n’ont affiché que mépris et orgueil envers l’ennemi et ses capacités militaires. Cela prendra encore quelques jours voire quelques semaines, mais lorsque l’ampleur des manquements de l’armée israélienne et des services de renseignements sera révélée dans toute sa crudité, leurs responsables devront se présenter devant le tribunal de l’opinion.
Cependant, la déroute de Tsahal et de tous nos services de renseignements n’exonérera pas Nétanyahou de sa responsabilité dans le désastre actuel. En tant que Premier ministre, il est l’arbitre ultime des affaires étrangères et sécuritaires israéliennes. Dans ces affaires, contrairement à ses prédécesseurs Golda Meir [guerre du Kippour de 1973], Menahem Begin [guerre du Liban de 1982] ou Ehoud Olmert [guerre du Liban de 2006], Nétanyahou n’est un novice ni en matière militaire, ni en matière de renseignements.
C’est Nétanyahou qui, au gouvernement comme dans l’opposition, a élaboré une politique multiforme visant à écraser les deux courants majeurs du mouvement national palestinien dans la bande de Gaza [Hamas] et en Cisjordanie [Autorité palestinienne, dominée par le Fatah] et l’a rendue acceptable pour une opinion israélienne convaincue que c’était là le prix moral à payer pour sa sécurité.
Une opinion palestinienne à bout
Longtemps, Nétanyahou s’est présenté comme un dirigeant prudent évitant les guerres et les multiples pertes du côté israélien. Mais, après sa victoire lors des élections de novembre 2022, il a troqué cette prudence pour une politique de “droite totale”, avec des mesures ouvertement prises pour annexer une partie de la Cisjordanie et, pour ce faire, procéder à un nettoyage ethnique dans certaines parties de la zone C [61 % du territoire de la Cisjordanie échappant à l’Autorité palestinienne].
Sur le terrain, cette nouvelle politique a ouvert la voie à une expansion massive des implantations [colonies] en Cisjordanie et au renforcement de la présence juive sur le mont du Temple et donc sur l’esplanade des mosquées du dôme du Rocher et d’Al-Aqsa [troisième lieu saint de l’islam] à Jérusalem.
Pis, Benyamin Nétanyahou a cru bon d’annoncer une normalisation imminente des relations avec les Saoudiens, en vertu d’un accord dans lequel les Palestiniens n’auraient obtenu aucune mesure de concession.
Or le renforcement de la main de fer israélienne en Cisjordanie, contre les civils palestiniens et au bénéfice des colons d’extrême droite, ne pouvait que faire craindre une réaction à la hauteur des enjeux. Et le Hamas a compris que le moment était idéal pour déstabiliser l’Autorité palestinienne et attaquer directement Israël. En d’autres termes, l’offensive déclenchée depuis la bande de Gaza est tout sauf insensée, mais a au contraire toutes les chances de bénéficier d’un large soutien d’une opinion palestinienne littéralement à bout.
À tout prix
Surtout, le danger qui pèse sur Israël ces dix derniers mois a été parfaitement pris en compte par le Hamas et ses alliés de circonstance. Un Premier ministre inculpé dans trois affaires de corruption ne peut pas s’occuper des affaires de l’État, sauf à voir les intérêts nationaux israéliens sacrifiés à la seule et unique obsession de Nétanyahou : échapper à la justice.
Or c’est uniquement par la seule volonté de Nétanyahou de survivre politiquement et avec l’appui des partis coloniaux d’extrême droite que son gouvernement a pu être mis sur pied et que son putsch judiciaire a pu être lancé [sa très contestée réforme de la justice, qui vise à modifier l’équilibre des pouvoirs], le tout en marginalisant les institutions militaires israéliennes. À tout prix. Sauf que, depuis ce samedi, le prix de ces manœuvres est connu. Et ce sont les victimes de l’invasion du sud d’Israël [où se trouve l’électorat populaire traditionnel de Nétanyahou et de ses alliés] qui l’ont payé.
Éditorial
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