tiré de : Entre les lignes et les mots 2019 - 41 - 12 octobre 2019
L’OCDE, institution qui réunit les pays les plus riches du monde, a revu à la baisses ses prévisions de croissance mondiale à 2,9% pour cette année et 3% pour 2020. Le plus bas niveau depuis 10 ans. Le plus intéressant est le commentaire : « Si les gouvernements n’agissent pas maintenant, la croissance en 2020 sera encore plus faible. » Manière de tirer un constat d’échec de la poursuite des politiques d’austérité et de baisse continue du coût du travail à grands coups de lois structurant la flexibilité du marché du travail.
La croissance versus l’accumulation du capital
La question clé n’est pas celle de la croissance mais de l’accumulation du capital. Les innovations liées à la révolution numérique transforment la vie quotidienne mais ne se traduisent pas en efficacité industrielle, en une nouvelle forme de travail, de création de richesses. Les modèles industriels sont obsolètes.
Les grandes entreprises, les sociétés transnationales ne visent que l’augmentation du profit pour distribuer des dividendes pour rendre plus riches les riches. Le résultat : l’approfondissement des inégalités, un système lié au néolibéralisme et un facteur de la tendance à la surproduction. Les gouvernements devraient rompre avec les baisses d’impôt – en France le CICE – des entreprises qui accentue les écarts de revenus sans permettre la relance nécessaire des investissements productifs.
Tous les indicateurs poussent à ce changement des politiques économiques. Du côté de la finance tout d’abord. Jamais les cours de la Bourse n’ont été aussi élevés. Et aussi désynchronisée par rapport à la réalité de l’économie. La récession menace en Europe via l’économie allemande déjà touchée, première économie de la zone, aux Etats-Unis, sans parler des grands pays d’Amérique latine, l’Argentine en dépression, le Brésil en crise de la dette ou de l’Inde. La Chine elle-même connaît une baisse de sa croissance et se trouve proche de la surproduction.
Le décalage s’explique largement par la politique monétaire mise en place par les banques centrales. Pour éviter le retour de la crise financière, elles ont inondé les marchés financiers de liquidités via la baisse jamais vue des taux d’intérêts – les gouvernements allemands et français empruntent à des taux d’intérêt négatifs – et des achats massifs d’obligations d’Etat. Les banques se trouvent ainsi fragilisées – certains proches de la faillite – et conduisent des restructurations qui passent principalement par des suppressions d’emplois. Le coût du travail reste la seule variable d’ajustement.
Limites de la politique monétaire
Cette politique a fonctionné. La crise financière a été évitée. Un des effets a été d’orienter la spéculation vers les actions, seule explication de la montée des cours. Dans le même temps, les entreprises ont amassé du « cash » au lieu d’investir faute d’incitation. Elle n’a pas su combattre la déflation, indicateur fondamental de la surproduction, visible dans le très faible taux d’inflation, 1% pour la zone euro.
La politique monétaire dite de « Quantitative Easing » connaît ses limites. Les banques centrales n’ont à leur disposition que ces instruments. Ils ne suffiront pas à éviter la crise qui vient. Elle s’annonce plus profonde que celle de 2008.
La conjonction des crises devrait inciter les gouvernements à changer de braquet au lieu de s’aveugler volontairement en lançant un plan d’investissements publics pour lutter contre les mutations climatiques et la crise écologique tout en réduisant les inégalités. Si, comme le dit Piketti, le capitalisme ne peut pas réaliser ce programme vital pour notre survie, alors il faut sortir de la logique de la valorisation du Capital…
Nicolas Béniès
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