Édition du 17 décembre 2024

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États-Unis

Aux États-Unis les positions contre l’immigration de J. Session influenceront au-delà de son poste de ministre de la justice

Plus Donald Trump, le Président désigné, avance dans la constitution de son cabinet, plus on comprend que c’est la loyauté à son égard qui guide ses choix. Un homme se distingue à ce chapitre.

Pema Levy, Mother Jones, 18 novembre 2016 | Traduction, Alexandra Cyr

Le sénateur de l’Alabama, Jeff Session, qui s’est fait une réputation d’opposition extrême à l’immigration, vient d’être choisi par Donald Trump pour le poste d’« attorney general », de ministre de la justice. Son influence devrait dépasser de beaucoup ce puissant rôle. L’équipe de transition de D. Trump est remplie de membres actuels-les et antérieurs-es du personnel du sénateur Session. L’impact profond du sénateur sur l’équipe de D. Trump est probablement le signal le plus clair que les engagements du candidat contre l’immigration sont encore plus près de devenir réalité.

J. Session a été l’objet d’accusations de racisme répétées. Cela remonte au moment ou il était jeune avocat à Mobile en Alabama. Au Sénat, il s’est fait remarquer par son opposition à l’immigration. Tucker Carlson, le fondateur du conservateur Daily Caller, l’a rencontré au cours d’une de ses batailles contre l’immigration en 2014. Il le décrit comme un « nationaliste ». Lorsque le sénateur est devenu président d’un panel du Sénat sur l’immigration, en janvier 2015, il l’a immédiatement rebaptisé « sous-comité de l’immigration et de l’intérêt national », comme « une déclaration au peuple américain que ce sous-comité lui appartient et non à l’élite financière et politique » a-t-il expliqué. À peine quelques mois plus tard, Donald Trump devenait candidat à la Présidence en promettant de remettre les États-Unis au premier rang des nations.

Le sénateur Session a construit sa réputation au Sénat en prenant d’assaut les deux derniers efforts du Congrès pour introduire une réforme complète de l’immigration. Il a réussi à faire battre unprojet de réforme en 2007. Six ans plus tard, il a agit de la même manière face à un autre projet de loi. Breitbart News, le site d’extrême droite que dirige Stephen Bannon qui devient stratégiste en chef à la Maison blanche, entretient une plateforme pour le mouvement d’un groupe de gens d’extrême droite (alt-right). Il a rendu compte de l’opposition du sénateur Session au projet de loi de 2013 en approuvant son action. Lorsque ce projet de loi a été présenté aux élus-es de la Chambre des représentants, il a distribué un texte de 23 pages armant ainsi ses alliés-es de statistiques et d’arguments pour que le projet n’y soit pas adopté. Intimidés par cette opposition d’extrême droite, les dirigeants-es des Républicains-es à la Chambre n’ont jamais soumis le projet au vote. Jeff Session avait gagné.

« Session est le sénateur le plus opposé à l’immigration de toute la Chambre. Il détient ce titre et il ne lui est pas vraiment disputé », déclare Frank Sharry du groupe America’s Voice, qui lutte en faveur de réformes en matière d’immigration.
Des membres actuels-les et antérieurs-es de son personnel jouent un rôle de premier plan dans l’équipe de transition de D. Donald Trump. Ils et elles devraient décrocher des postes dans son administration l’an prochain. L’avocat Brian Benczkoski, ex responsable du personnel du Comité judiciaire du Sénat, est maintenant responsable de la transition au Ministère de la Justice. Selon le Daily Caller, Stephen Miller, l’ex directeur des communications du sénateur Session et son bras droit dans sa bataille contre la loi de 2013, est maintenant considéré pour plusieurs postes dont celui d’adjoint au chef de cabinet pour les politiques et directeur du Domestic Policy Council. Rick Dearborne, chef de cabinet du sénateur Session qui a travaillé, sans que ce soit officiel, à la campagne de D. Trump pendant des mois, pourrait devenir directeur de l’Office of Legislative Affairs à la Maison blanche. Danielle Curona, conseillère en chef au comité judiciaire de M. Session, est maintenant responsable de « Immigration Reform & Building the Wall » dans l’équipe de transition du Président désigné, selon un document obtenu par le New York Times. La transition au Ministère de la sécurité nationale, qui supervise la majorité des politiques en matière d’immigration, est dirigée par Cindy Hayden qui était conseillère en chef au comité judiciaire (du Sénat) durant la bataille du sénateur Session contre la réforme de l’immigration en 2007. Il a reconnu, avec d’autres personnes, que Mme Hayden avait porté le coup de mort à ce projet de loi avec grand bruit.

Malgré ces victoires contre les réformes de l’immigration, le sénateur Session se distingue de ses collègues. Il ne fait pas que s’opposer à des solutions qui permettraient aux immigrants-es qui ont leurs papiers d’accéder à la citoyenneté, comme la plupart des Républicains-es le font. Il veut qu’il y ait moins d’immigrants-es un point c’est tout, y compris d’immigrants-es qui entrent au pays légalement. Selon un-e démocrate qui a travaillé à l’adoption du projet de loi de 2013, la bataille du sénateur Session et de son personnel étaient « vue comme une lutte pour le cœur de l’identité américaine comme ils et elles la comprennent plutôt qu’une simple mésentente sur des politiques. Cette forte animation a élevé le niveau de hargne et d’émotions chez les sénateurs-trices et chez le personnel affecté au travail autour de cette loi ».

Une personne affectée à ces tâches à l’époque, nous souligne que M. Session et son personnel étaient obsédés par le nombre d’immigrants-es qui pourraient entre dans le pays. Selon ces personnes, la loi en aurait autorisé 30,000 de plus à entrer légalement. Selon cette même personne le raisonnement de base de cette équipe était le suivant : « (Dans le système actuel), premièrement, Albert Einstein ou Ousama Ben Laden ne sont que des numéros. Tous et toutes sont également mauvais-es à la base selon leur évaluation du système d’immigration ».

J. Session n’avait pas honte de son opposition à l’immigration. Mais, il avait peu d’alliés-es sur ce point, jusqu’à ce que Donald Trump arrive. Au printemps 2013, l’examen du projet de loi sur l’immigration était en cours au Comité judiciaire du Sénat. M. Session a déposé un amendement pour limiter l’immigration légale. Il a été le seul à voter pour ; l’amendement à été rejeté. Selon Frank Sharry d’America’s Voice : « Il était isolé au Sénat. Maintenant il a l’oreille du Président désigné. C’est très inquiétant ».

Quand, à l’été 2015, toute la presse politique et les élus-es de la capitale riaient devant la possibilité que D. Trump ne se lance dans la course à la Présidence, J. Session et son personnel commençaient leur prospection. Avec S. Miller, le sénateur a aidé D. Trump à rédiger ses politiques en immigration et pour le commerce. Peu avant les caucus de l’Iowa, M. Miller a officiellement rejoint l’équipe de campagne du candidat. Il est devenu extrêmement influent dans le cercle rapproché des conseillers-ères et aides de D. Trump. Un mois plus tard, durant les primaires, J. Session endossait sa candidature. Il a été le seul membre du sénat à le faire. Le Président désigné adoptait les politiques défendues par J. Session alors qu’il s’était trouvé isolé pendant des années.

Peu avant qu’il ne rejoigne lui-même l’équipe de campagne de D. Trump l’été dernier, S. Bannon a déclaré au magazine Politico : « Que ce soit à propos de l’immigration ou de l’Islam radical, bien des années avant que D. Trump n’entre en scène, le sénateur Session était le leader du mouvement et S. Miller était son bras droit ».
Les Démocrates et les avocats spécialistes en immigration vont mener la charge au cours des auditions pour la confirmation du sénateur au poste de Ministre de la justice. F. Sharry prédit : « Je pense qu’il va passer un bien mauvais quart d’heure. Je pense qu’il va y avoir beaucoup d’opposition contre lui. Rappelez-vous qu’il a été refusé la dernière fois où il a été entendu devant le Sénat ».

En effet, en 1986, M. Session était procureur en Alabama. Le Président R. Reagan l’avait nommé à un poste de juge fédéral. Durant les auditions pour sa confirmation, des témoins sont venus-es dire qu’il avait des idées et des conceptions bien inquiétantes autour des questions raciales. Un employé du Ministère de la Justice est venu dire que J. Session avait qualifié l’Association pour l’avancement des gens de couleur et l’Union pour les libertés civiles aux USA de « groupes non américains » qui « font entrer les droits civils dans la gorge du peuple ». Un procureur noir, Thomas Figures, qui avait travaillé au bureau de M. Session en Alabama, soulignait qu’il s’adressait à lui en l’appelant « boy » et qu’une fois il l’avait mis en garde « de faire bien attention à ce qu’il pouvait dire aux blancs ». Il avait aussi fait des commentaires quant à sa proximité avec des membres du Ku Klux Klan. Ceci à cessé quand il s’est rendu compte que ces gens fumaient de la marijuana. Par la suite, il a qualifié ses propos de farce. Peut-être bien qu’en 2016 certains membres du Sénat ne trouve pas cela si amusant sachant que le KKK a endossé l’élection du Président désigné.

À l’époque des auditions de M. Session pour le poste de juge fédéral, il a poursuivi, sans succès, trois militants des droits civils dont un adjoint de M. L. King jr. pour fraude électorale après qu’ils aient travaillé à l’enregistrement d’électeurs-trices de race noire en Alabama. Après quelques heures, le jury les a acquittés. Au cours de ces auditions, M. Figures à déclaré que M. Session ne faisait pas diligence pour piloter les causes de droits civils.

J. Session a nié la plupart de ces allégations, dont celle qui voulait qu’il se soit adressé à M. Figures en l’appelant « boy ». Il a aussi dit que ses commentaires à propos des organisations pour les droits civils n’en référaient qu’à leur position sur des questions de politique étrangère. Mais, avec ces témoignages sa candidature à été rejetée.

À l’ouverture des ces auditions, le maintenant défunt sénateur T. Kennedy, (démocrate du Massachussetts) déclarait : « M. Session appartient à une époque honteuse que les Américains-es noirs-es et blancs-hes pensaient être du passé. Pour moi, il est inconcevable qu’une personne avec une telle attitude puisse être qualifiée pour un poste de procureur américain et laissé seul en qualité de juge ».
Trente ans plus tard, il aspire à un des postes les plus influents de l’administration Trump.

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