Et pourtant, au Québec, ça fait longtemps qu’on a choisi que l’aide sociale, c’était un droit, pas un privilège, un droit. Pourquoi ? Bien, parce que, dans nos chartes des droits et libertés, dans nos signatures des conventions internationales, dans comment le Québec a sorti de la période noire des années 50, on a convenu collectivement qu’il fallait prendre soin les uns des autres.
Alors, Mme la Présidente, aujourd’hui, mon coeur saigne. Mon coeur saigne, parce que je connais ces personnes. Mon coeur saigne, parce que jamais de toute ma vie je n’aurais pensé que le jour où on revenait à des pratiques d’un autre siècle qui étaient de sanctionner les gens qui sont victimes souvent des impacts de comment fonctionne notre société... Je ne pensais jamais que ce jour-là allait arriver où moi, Manon Massé, j’allais être obligée de voter sur un projet de loi qui nous ramène dans des pratiques qui ont largement démontré que ça ne donnait rien, en fait que c’était juste une punition de plus, c’était juste de renchérir sur ces personnes-là qui déjà sentent le poids du regard de notre société, leur dire : Bien, vous êtes tellement pas fins, vous êtes tellement pas bons, que, dans le fond, là, on va vous donner une pénalité si vous ne venez pas chercher votre chèque. Comment vous voulez qu’on vive dans la dignité quand on se fait traiter comme ça ?
Et je ne croyais pas non plus qu’on allait... Je me souviens des luttes des années 80, où il y avait une telle différence entre le revenu des jeunes en bas de 30 ans à l’aide sociale et le revenu des plus de 30 ans, où on s’était dit à ce moment-là : C’est fini. C’est fini, cette discrimination. C’est fini de mettre volontairement des gens dans la pauvreté. Et on s’est tellement dit que c’était fini que, de façon unanime au début du XXIe siècle, au début des années 2000, on a adopté ici même, dans cette enceinte, une loi pour contrer la pauvreté, une loi qui disait que d’avoir assez de revenus pour sortir la tête de l’eau, c’est comme ça qu’on lutterait contre la pauvreté.
La loi n° 112... En fait, si j’étais riche, là, je poursuivrais le gouvernement parce que la loi n° 112, avec le projet de loi n° 70, n’est pas respectée, alors qu’elle a été adoptée à l’unanimité. J’insiste, il y a des gens qui étaient assis dans les banquettes, des gens du Parti libéral dans ces années-là, qui, avec tous les autres parlementaires, ont dit : Le Québec veut mettre fin à la pauvreté. Ce n’est pas ça qu’on a devant nous.