Le Parlement salvadorien (Congreso) a adopté, le 30 mars 2017, une loi mettant fin à toute activité minière et emploi de produits -cyanure, mercure et autres- utilisés lors de telles activités. Pour contrer les impacts négatifs sur l’environnement et sur la santé des personnes, l’adoption de cette loi, par 82% des députés du parlement, interdit les activités d’exploration, d’extraction, d’exploitation, et de traitement de minéraux, que ce soit à ciel ouvert ou par procédés souterrains.1
Malgré l’importance d’une telle mesure, elle est malheureusement passée sous silence dans un pays -le Canada- où plus des 2/3 des compagnies minières du monde y tiennent leur siège social.
Une victoire populaire
Cette mesure législative fait suite à une longue bataille des diverses communautés affectées par les impacts négatifs de cette industrie. Devant le risque d’assèchement des nappes phréatiques et de contamination des eaux par les activités minières, c’est depuis les années 2000 que des pressions populaires se sont multipliées, au point d’obliger le gouvernement d’Elías A. Saca -très à droite-, à cesser l’octroi de concessions à compter de 2008. Les mouvements environnementaux, de droits humains et l’Église catholique, notamment, se sont associés aux pressions populaires pour faire adopter cette loi.2.
Des projets de minières canadiennes, comme celui de Pacific Rim, furent au centre de luttes s’opposant à l’industrie minière. En 2008 par exemple, sur la base de ce « moratoire », Pacific Rim s’est vu refuser le projet d’exploitation de la mine « El Dorado » à Santa Marta (3500 familles), et les gouvernements ultérieurs du Salvador ont maintenu cette mesure. La compagnie décida de poursuive le Salvador devant le CIRDI (Organe de règlement des différends de la Banque mondiale) pour 250$ millions.
Mais fait rare, cette minière acquise par Oceana Gold en 2013 perdit sa cause devant le CIRDI le 14 octobre 2016, après plusieurs années d’arbitrage.3 Elle fut alors condamnée à payer des frais juridiques de l’ordre de $8 millions, frais qu’elle n’a toujours pas acquittés.4 Plus récemment, en mars 2017, Oceana Gold fut sommée de payer aussi des intérêts sur sa dette ainsi qu’une taxe mensuelle pour retard à solder la dette encourue.
La bataille demeure pour l’application de cette loi
Ces deux décisions judicaires alimentèrent un climat favorable à l’interdiction des minières sur tout ce territoire de 6,6 millions d’habitants. Un tel précédent est certes encourageant pour des dizaines de milliers de communautés aux prises avec les mêmes impacts négatifs d’activités minières à travers le monde, et notamment ici même. Mais il reste encore à garantir la publication officielle de cette loi, ainsi que sa promulgation par le président du pays, Salvador Sánchez Cerén, avant d’en entreprendre la mise en œuvre effective.
Denis Langlois
21 avril 2017
1.« El Salvador, primer país del mundo en prohibir la minería metálica », La Vanguardia, 30/03/2017, http://www.lavanguardia.com/natural/20170330/421317896373/el-salvador-ley-prohibicion-mineria-metalica.html
2.Voir le site : Mesa Nacional Frente a la Minería Metálica, No a la mineria si a la vida, http://noalamineria.org.sv/
3.« El Salvador - le CIRDI se prononce contre une compagnie minière australienne », Alter Infos, 4 novembre 2016, http://www.alterinfos.org/spip.php?article7669
4.« El Salvador abre camino al mundo, al prohibir la minería metálica », IPS, 1er avril 2017, http://www.ipsnoticias.net/2017/04/el-salvador-el-primer-pais-del-mundo-en-prohibir-la-mineria-metalica/
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