Édition du 17 décembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Lutte contre les pipelines

Pour bloquer les projets de l’industrie des énergies fossiles

Angle mort

Une partie de l’opposition aux énergies fossiles a misé sur le PQ lors des élections de 2012. Elle a déchanté lorsque ce parti s’est jeté tête baissée dans l’exploitation des énergies fossiles. La question est maintenant de savoir comment développer une opposition qui fait face à des défis immenses (dossiers d’Anticosti, de Gaspé, du Golfe St-Laurent, des projets d’oléoducs et de pipelines et le retour des projets entourant le gaz de schiste) tout en misant sur une stratégie et un véhicule politique davantage conforme à l’orientation du mouvement et qui peut se poser en réelle alternative.

L’opposition aux projets liés aux gaz de schiste avait infligé une réelle défaite à l’oligarchie. On dira ce qu’on voudra à propos des variations de prix de la matière pour expliquer les reculs des tenants de l’énergie fossile, les citoyenNEs ont fait reculé une industrie importante. Cette opposition avait été un facteur important de la défaite du gouvernement Charest aux élections de 2012. Elle a aussi contribué à l’élection du PQ croyant que celui-ci mènerait une politique différente. Or, ce ne fut pas le cas et nous avons assisté à un autre épisode des virages du PQ qui s’est écrasé devant l’offensive du gouvernement Harper pour forcer le transport du pétrole des sables bitumineux au Québec. Une catastrophe pour le mouvement écologiste. Et une opportunité pour le gouvernement Harper et l’industrie. Pourquoi une telle erreur ?

Une situation plus difficile

Lorsque le PLQ a récemment annoncé la reprise de la filière pétrolière, une table dressée par le PQ lors de son court mandat, nous avons assisté à la mobilisation de l’élite qui voit dans cette politique le retour des « vraies d’affaires ». « Le CPEQ voit d’un bon œil la volonté affichée du gouvernement du Québec de ne pas fermer la porte à la filière des hydrocarbures. » (1) « La Fédération québécoise des municipalités (FQM) accueille favorablement la mise en place d’un plan d’action gouvernemental quant au développement de la filière des hydrocarbures » (2) « Alors que le gouvernement doit absolument augmenter ses revenus, le Conseil estime qu’il est impératif que le Québec libère davantage son potentiel en matière de ressources naturelles et énergétiques, notamment dans le secteur des hydrocarbures. » (Conseil du patronat du Québec) (3) Et la meilleure... « Les hydrocarbures doivent contribuer à la réduction progressive des émissions de gaz à effet de serre. » (Manufacturiers et exportateurs du Québec) (4)

L’élite est vraiment séduite par l’approche libérale qui ne se laisse pas distraire par l’opposition citoyenne à l’exploitation des énergies fossiles mais qui cherche plutôt à la déstabiliser. Pour cette oligarchie, le précédent gouvernement du PQ était trop identifié aux quelques individus que l’on prétendait proche du mouvement écologiste. Il préfère un véhicule familier, qui ne comporte aucun irritant. L’oligarchie veille à ce qu’aucun obstacle ne se dresse sur sa route. Pourtant le PQ a tout fait pour séduire l’élite.

Ce concert d’éloges au PLQ par les cercles du 1% était prévisible pour quiconque connait l’appétit de l’oligarchie pour chaque occasion de réaliser un profit juteux. Dans la société capitaliste actuelle, un bon gouvernement est le gouvernement qui prépare la table pour que l’élite récolte le pactole. Le ministre de l’énergie et des ressources naturelles, Pierre Arcand a bien résumé le rôle du gouvernement lorsqu’il a déclaré « l’acceptabilité sociale des activités dans le shale n’est pas encore acquise. » (5) Dans ce contexte, l’oligarchie commande au PLQ de faire en sorte que les citoyenNEs avalent la couleuvre.

L’enjeu est énorme : dès 2011, le gouvernement Harper a fait de l’exportation des ressources, du pétrole des sables bitumineux de l’Alberta en particulier, un axe majeur du développement économique du pays. Le sort de cette industrie dépend de sa capacité à faire transiter le pétrole albertain vers les marchés étrangers. Les passages par le Québec et la côte ouest sont donc cruciaux. Et le gouvernement fédéral n’hésite pas mettre tout son poids dans le débat, à criminaliser l’opposition comme on l’a vu au Nouveau-Brunswick, à s’associer à l’extrême-droite pour vendre sa salade comme en Ukraine. Bref, les enjeux sont énormes, bien davantage que lors de la bataille contre les gaz de schiste.

Une opposition qui ne part pas à zéro

L’opposition à l’industrie des énergies fossiles peut s’appuyer sur des acquis et des avantages réels. Elle possède l’expérience et l’organisation qui a mené la bataille contre les gaz de schiste au Québec et dans les Maritimes. Elle est présente dans plusieurs régions du Canada, tant à l’est qu’en Colombie-Britannique. Elle s’exprime dans plusieurs communautés autochtones qui s’ouvrent au partenariat avec les population d’origine européennes à travers les mobilisation d’Idle no more. Elle aura l’occasion de s’exprimer et de s’organiser dans le cadre du Forum social des peuples qui aura lieu en août prochain.

Cette opposition possède les moyens pour se développer et bloquer les projets de l’industrie et imposer une autre orientation, celle de la sortie du pétrole. Toutefois, elle doit miser sur une stratégie qui combine mobilisation civique et lutte politique. On doit multiplier les initiatives comme celle de la Marche des peuples pour la Terre-mère qui consiste à aller vers les communautés et expliquer les enjeux. On doit mettre de l’avant comme l’a fait récemment le Regroupement interrégional sur le gaz de schiste de la Vallée du Saint-Laurent des solutions en matière d’énergies propres. Et elle doit dès aujourd’hui construire une alternative politique capable d’inverser le rapport de force et de mettre un terme au positionnement demandeur-décideur dans laquelle se retrouve nécessairement l’opposition citoyenne lorsque les seuls candidats au pouvoir sont les amiEs de l’industrie. Une telle alternative sera le reflet réel de l’opposition tant et aussi longtemps que celle-ci sera mobilisée dans la rue et qu’elle assumera un leadership social. La bataille contre les gaz de schiste l’a démontré à de multiples reprises : le pôle de gravité de l’opposition est dans la rue et doit se répercuter jusqu’à l’assemblée nationale, pas l’inverse.

Notes

1-Conseil patronal de l’environnement du Québec (CPEQ) http://www.newswire.ca/fr/story/1364473/le-conseil-patronal-de-l-environnement-du-quebec-cpeq-reagit-a-l-annonce-des-ministres-arcand-et-heurtel-sur-la-filiere-des-hydrocarbures

2-http://www.newswire.ca/fr/story/1364431/plan-d-action-sur-les-hydrocarbures-les-demandes-de-la-fqm-enfin-entendues

3-http://www.newswire.ca/fr/story/1364489/liberer-de-facon-responsable-et-durable-le-potentiel-du-quebec-en-matiere-d-hydrocarbures-une-necessite-croit-le-conseil-du-patronat

4-http://www.newswire.ca/fr/story/1364525/plan-d-action-gouvernemental-sur-les-hydrocarbures-manufacturiers-et-exportateurs-du-quebec-salue-la-proactivite-du-gouvernement-du-quebec

5-Le Devoir du 3 juin, p A-3

6-Plusieurs accorde l’étiquette social-démocrate au PQ alors que, contrairement au PQ, le courant social-démocrate est issu d’initiative des organisations ouvrières depuis le XIXe siècle jusqu’aux années 60. Le PQ n’a aucun lien historique avec ce courant. Il a tenté de soumettre sa candidature à l’Internationale socialiste, candidature qui fut bloquée par le NPD. Par contre, il a développé une utilisation de l’étiquette habile pour faire come la social-démocratie traditionnelle : social-libérale dans l’opposition, néolibérale au pouvoir.

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