Monsieur Trudeau, monsieur Legault,
Il vous reste – il nous reste – 10 années pour sauver l’avenir de nos enfants.
Je n’aime pas être catastrophiste, mais les faits sont là (demandez aux Australiens comment ils voient leur avenir) ; les prévisions des scientifiques sont solides (le GIEC a mis longtemps avant de pousser son cri d’alarme) ; la conscience de la crise climatique est entrée dans le quotidien (peut-on passer une journée sans en entendre parler ?) ; les solutions pour la transition sont là (formulées, à l’essai ou déjà en plein essor, dans tous les secteurs de la société, dans tous les domaines). Alors, où est le problème ?
Le problème, c’est que les actions individuelles, les initiatives collectives, les innovations des entrepreneurs, les efforts déployés par les municipalités, tout ce bouillonnement n’a que peu de poids sur notre bilan carbone.
Le problème – et vous ne pouvez pas l’ignorer – c’est que ce bilan carbone dépend essentiellement des hydrocarbures fossiles : leur extraction, leur transformation, leur transport, leur utilisation. Cette extraordinaire source d’énergie a nourri le développement de notre économie qui, fondée sur le mythe de la croissance infinie, s’est pervertie en un système d’accumulation de capital découplé de la réalité des besoins humains et de la capacité de production des écosystèmes.
Il faut freiner cette tendance, freiner la perturbation du climat, freiner le bouleversement des écosystèmes.
C’est à vous, nos élus, de cesser d’appliquer des politiques qui mettent l’État au service du marché. C’est à vous de donner le coup de barre nécessaire pour procéder à un changement radical d’orientation de notre économie et de notre société.
Plutôt que la « prospérité de la classe moyenne », pourrions-nous nous donner un idéal plus élevé, celui d’assurer l’avenir des générations qui nous suivent ?
Par où commencer ? Tout d’abord, réduire nos émissions de gaz à effet de serre. Mettre en œuvre la taxe carbone et la faire augmenter rapidement pour inciter les entreprises à réorienter leurs activités. Freiner la consommation d’hydrocarbures dans les transports, les industries et les infrastructures. Prendre des mesures pour inciter les citoyens à moins utiliser les véhicules individuels. Rejeter tout projet de construction ou d’agrandissement de pipelines. Interdire tout nouveau projet de prospection et d’exploitation des hydrocarbures fossiles. Cesser de subventionner tous ces éléments, et consacrer les milliards ainsi économisés à la reconversion écologique de la société (et oui, il faut aider l’Alberta à reconvertir son économie, pas à augmenter sa production d’hydrocarbures).
Et c’est cette reconversion écologique qui va nous permettre de sortir de l’impasse où nous sommes engagés, en luttant contre les changements climatiques et en créant des emplois axés sur la transition dans tous les domaines.
Qu’attendez-vous pour lancer un grand programme, un New Deal vert comme celui dont on parle aux États-Unis et en Europe ? Convoquez des états généraux. Faites appel aux nombreux groupes et associations qui vous proposent des plans d’aménagement, des projets de lois-cadres, des interventions dans tous les secteurs (habitation, transports, agriculture, aménagement du territoire, foresterie, énergie, industries diverses, intelligence artificielle, éducation, santé publique, culture, arts).
Lancer cette reconversion écologique, cette reconstruction de notre société fondée sur le respect des humains et des écosystèmes, ce serait un beau moyen de passer à l’histoire, pour les bonnes raisons.
Denise Campillo
7 janvier 2020
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