Édition du 12 novembre 2024

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Planète

Vœux pour la nouvelle année 2024, après la COP28

«  Que le Grand Esprit de Justice puisse accueillir les appauvris et damnés de la Terre au paradis et condamner les dominants prédateurs à l’enfer  »

Tiré de Pressenza
(Crédit image : bing / Pressenza)

17.12.23 - Bruxelles - Riccardo Petrella

Il faut arrêter d’accepter l’hypocrisie et le cynisme, une fois de plus des invités de marque à la table de la COP28. Certes, les grands prédateurs de la vie de la Terre peuvent fêter les conclusions qu’ils ont imposées au monde et qui vont tout droit dans la direction de leurs intérêts et priorités. Mais que penser des centaines de millions d’asiatiques du Sud, d’africains subsahariens, de moyen-orientaux, en particulier, victimes des grandes inondations et des grandes sécheresses dont la responsabilité primaire revient aux plus grands et riches producteurs d’énergies fossiles ? La COP28 a annoncé la création d’un fonds pour pertes et compensations (sic !) Les inondations record dont le Pakistan a été victime ont déplacé environ 33 millions de personnes et compromis les moyens de subsistance de la population avec la perte d’environ un million de têtes de bétail. En outre, elles ont emporté au moins un million de maisons et endommagé un tiers de terres agricoles (avec famine à l’horizon proche). Or les dernières estimations font état de dégâts pour plus de 30 milliards de dollars !

Quid, aussi, de la destinée de la majorité des habitants/paysans des 52 pays principales victimes de la dette spoliatrice qui les empêche de disposer de ressources financières pour mitiger et s’adapter aux conséquences néfastes du changement climatique. Revenons au Pakistan, ses créditeurs lui demandent de verser avant la fin de 2023 plus de 38 milliards de dollars au seul titre du service de la dette. Au Nigeria, le service de la dette s’élève à 60% du budget alors que la part de l’éducation ne représente que 5,6% et celle de la santé 4,6 !! La COP28 a fait le silence sur le drame mondial de la piraterie de la dette exercée par les pays riches sur les pays appauvris. Elle s’est limitée à renvoyer, hypocritement, aux solutions qui depuis trente ans ont démontré leur perversité et leurs insuffisances, parmi lesquelles la plus mystificatrice est sans doute la solution dite des « échanges dette-nature », un énième piège inventé par le génie financier du monde dominant.

Il n’y a rien non plus à fêter, c’est clair, par les milliards d’affamés, d’assoiffés, des sans couverture sanitaire (à ce jour, plus de 4 milliards d’êtres humains, dont 736 millions d’enfants sont en risque élevé de pénurie d’eau, c’est-à-dire, sans eau potable et manque d’hygiène) du fait que la COP 28 continue à apprécier que les pays riches manifestent encore l’intention d’allouer 100 milliards par an à un fonds pour l’aide aux pays « en développement » (sic), décision prise à Paris et qui devait être exécuté à partir de 2020 ! Or, la COP28, malgré les 4 ans de non-respect de l’engagement, s’est limitée à souhaiter que la concrétisation de l’engagement puisse commencer en 2024 ! Entre-temps la compagnie pétrolière ADNOC, propriété du président de la COP28 Al-Jaber, a décidé d’augmenter la production de pétrole de 600.000 barils par jour d’ici 2030 en investissant à cette fin plus de 150 milliards de dollars. Dans le même sens, les plans des principaux pays producteurs de combustibles fossiles prévoient d’augmenter leur production d’ici 2030 de 110% de plus que celle compatible avec la limite/objectif de 1.5°C.

Enfin, petite cerise du grand théâtre de l’irresponsabilité qui vient d’être joué à Dubaï, on nous dit qu’il faut exulter pour le fait que, pour la première fois depuis le lancement en 1993 par l’ONU des COP annuelles sur le changement climatique, les groupes dominants du monde (en particulier les groupes industriels et financiers privés) ont mentionné, 30 ans après, leur accord non pas pour la fin de l’utilisation des énergies fossiles (charbon, pétrole et gaz) mais pour une « transition hors les énergies fossiles », sans contraintes, volontaire, sans échéances datées, sans mention des montants des investissements nécessaires…
Congratulations aux groupes dominants. Ils ont réussi, grâce aussi aux médias de toute nature, à faire croire que nous tous, citoyens e citoyennes de divers continents de la planète, nous devons être de plus en plus contents du moins en moins d’engagements pris par eux en faveur des droits à la vie de tous les habitants de la terre et du droit de la vie de la communauté de vie de la Terre. C’est cela que les seigneurs de la finance prédatrice mondiale appellent « efficience ». Dormons tranquilles.

On peut, cependant, se poser une question. S’il a fallu 30 ans aux groupes dominants du monde pour mentionner leur accord en faveur d’un jeu de mots tel que « la transition hors énergies fossiles » au lieu de « sortie des énergies fossiles « (accompagné d’une panoplie considérable de lacunes, imprécisions et contradictions), combien d’années leur faudra-t-il pour parvenir à « zéro énergies fossiles » effectif ? Je préfère, en tout cas, ne pas attendre et obtenir que le Grand Esprit de Justice exauce mon vœux pour 2024 et qu’il «  accueille (le moment venu) les appauvris et damnés de la Terre au paradis et condamne (le plus tôt possible) les dominants prédateurs à l’enfer ».

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Riccardo Petrella

Titulaire d’un doctorat en Sciences politiques et sociales, et du doctorat honoris causa de huit universités : Suède, Danemark, Belgique (x2), Canada, France (x2) et Argentine. Professeur émérite de l’Université catholique de Louvain (Belgique) ; Président de l’Institut européen de recherche sur la politique de l’eau (IERPE) à Bruxelles (www.ierpe.eu). Président de "l’Université du Bien Commun" (UBC), association à but non lucratif active à Anvers (Belgique) et à Sezano (VR-Italie). De 1978 à 1994, il a dirigé le département FAST, Forecasting and Assessment in Science and Technology à la Commission de la Communauté européenne à Bruxelles, et en 2005-2006, il a été Président de l’Aqueduc de la région de Puglia (Italie). Il est l’auteur de nombreux ouvrages sur l’économie et les biens communs.

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