Édition du 17 décembre 2024

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Une première vague de grèves d’avertissement perturbe fortement le trafic ferroviaire

Une première vague de grèves d’avertissement [1], menées mardi 26 octobre 2010 par les cheminots des chemins de fer allemands (Deutsche Bahn, entreprise possédée entièrement par l’Etat allemand) et de concurrents privés, a paralysé fortement le trafic ferroviaire.

Une première vague de grèves d’avertissement [1], menées mardi 26 octobre 2010 par les cheminots des chemins de fer allemands (Deutsche Bahn, entreprise possédée entièrement par l’Etat allemand) et de concurrents privés, a paralysé fortement le trafic ferroviaire.

Les actions de protestations organisées par les syndicats GDBA [2] et Transnet [3] étaient ciblées sur le trafic régional. Elles ont pourtant aussi massivement perturbé le trafic à longue distance de la Deutsche Bahn.
L’entreprise de chemin de fer a répertorié « plusieurs centaines de trains annulés ». Les arrêts de travail ont principalement concerné les Länder de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, de Bavière et de Hesse.

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Selon les déclarations du porte-parole de Transnet, Michael Klein, mardi 26 octobre à Berlin, environ 1700 travailleurs des chemins de fer auraient participé aux mobilisations visant à revendiquer des conditions tarifaires uniques pour l’ensemble des entreprises ferroviaires, publiques comme privées. Il a ajouté : « Nous avons provoqué un gros impact avec peu de gens mobilisés ».

Une détente de la situation, dans le bras de fer qui oppose les syndicats aux entreprises ferroviaires, n’est pas envisageable dans un futur proche. Certes, les syndicats ne souhaitent pas organiser de nouvelles grèves d’avertissement jusqu’à vendredi 29 octobre 2010. Pourtant, les parties du conflit n’ont pas encore pu se mettre d’accord sur un rendez-vous pour de nouvelles négociations rassemblant, outre les deux syndicats cités plus haut, les six entreprises ferroviaires privées Abellio, Arriva, Benex, Keolis, Veolia Environnement, ainsi que Hessische Landesbahn [4].

L’offre faite jusqu’à présent par les entreprises privées de chemin de fer et portant sur une convention tarifaire commune à toutes les entreprises du trafic ferroviaire régional a été rejetée par les syndicats Transnet et GDBA, qui la considèrent comme prévoyant un niveau salarial trop bas. Selon les syndicats, celui-ci se situerait 20 % en dessous du niveau salarial en vigueur pour les employés de la Deutsche Bahn.

Un porte-parole des entreprises ferroviaires privées a déclaré qu’elles espéraient malgré tout un retour à la table des négociations. Leur proposition d’engager une procédure d’arbitrage (Schlichtungsverfahren) serait, selon le même porte-parole, toujours valable. Transnet et GDBA ont réitéré leur refus de cette proposition. Les deux syndicats prévoient une rencontre avec la Deutsche Bahn le vendredi 29 octobre 2010 afin de négocier.

Le chef de Transnet, Alexander Kirchner, a déclaré lors d’un rassemblement à la gare centrale de Cologne : « Nous voulons signaler aux employeurs que nous prenons la chose au sérieux. ». Selon ses dires, de nouveaux arrêts de travail menacent si les entreprises ferroviaires ne reviennent pas sérieusement sur leurs positions. Dans le cas extrême, les syndicats organiseront un vote général du personnel (Urabstimmung) afin de préparer une grève dans le cadre des conventions collectives (regulärer Sreik) - ce qui mènerait à la paralysie du trafic ferroviaire.

La direction de la Deutsche Bahn s’est, de son côté, montrée étonnée de la façon dont les actions de protestation ont perturbé le trafic ferroviaire. Et de répéter que l’entreprise au capital étatique est une cible illégitime des grèves d’avertissement, selon les mots du membre de la direction de la Deutsche Bahn chargé du trafic passager, Ulrich Homburg.

Les grèves d’avertissement seraient « inopportunes et disproportionnées », selon le chef du personnel de la Deutsche Bahn, Ulrich Weber. L’entreprise Deutsche Bahn serait, selon lui, prête à négocier une convention de travail pour l’ensemble de la branche économique (Branchentarifvertrag) [5] et aurait déjà fait une proposition dans ce sens. Sur cette base, le niveau salarial de l’ensemble de la branche pourrait se situer 5% en dessous du niveau en vigueur dans l’ancienne régie fédérale. La Deutsche Bahn serait, toujours selon les propos d’Ulrich Weber à Berlin, disposée à payer aux employés de ses propres filiales régionales nouvellement crées des salaires au niveau de la Deutsche Bahn.

Dans le conflit actuel sur les conventions tarifaires, il est uniquement question du revenu d’environ 3500 salariés des chemins de fer qui travaillent auprès de concurrents de l’entreprise Deutsche Bahn et qui gagnent nettement moins que 90 % de leurs collègues du trafic régional. En tout, plus de 10’000 salariés travaillent pour des entreprises ferroviaires privées en Allemagne [6].
Dans le round actuel de négociations (Tarifrunde), les parties discutent d’abord d’une convention collective de travail pour la branche (Branchentarifvertrag).

Ensuite, les négociations porteront sur le revenu d’environ 135’000 employés de la Deutsche Bahn. Le troisième complexe de négociations traite de la protection des salariés contre les licenciements. La convention collective de travail actuelle, prévoyant une garantie d’emploi pour environ 165’000 employés de la Deutsche Bahn, arrive cette année à échéance. De manière indépendante des syndicats Transnet et GDBA, le syndicat de conducteurs de locomotives Gewerkschaft Deutscher Lokomotivführer (GDL) revendique une convention tarifaire de branche (Branchentarifvertrag) pour les 20’000 conducteurs de locomotives travaillant en Allemagne [7].

Rien qu’en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, de 500 à 600 cheminots ont participé aux grèves d’avertissement, selon les chiffres des syndicats. A cause du fait que de nombreux pendulaires ont pris leur voiture au lieu de prendre le train, des bouchons de plus de 125 kilomètres de long se sont formés sur les autoroutes du Land le plus peuplé de la République Fédérale. Un expert de la direction centrale du trafic (Verkehrleitstelle) a expliqué aux médias que 60 kilomètres de bouchons autoroutiers sont la moyenne pour un mardi habituel. De très fortes perturbations ont touché la gare centrale de Cologne, où pas un seul train ne roulait à partir de 7 heures du matin. Les lignes à longue distance partant de Cologne pour traverser la conglomération urbaine de la Ruhr vers Berlin et Hannover ont également été fortement perturbées.

De même, de nombreuses lignes ICE depuis Francfort-sur-le-Main vers Stuttgart, Bâle, Leipzig, Dresde, Berlin et Hambourg ont été « largement interrompues » à cause de la grève, selon un communiqué de la Deutsche Bahn. Une situation semblable était à constater sur la ligne Münich- Nuremberg.
La Deutsche Bahn prévoit que les perturbations dureront jusqu’à tard dans la soirée du mardi 26 octobre. Ceci est lié au fait que les trains qui ont été touchés le matin par les grèves d’avertissement arrivent ensuite avec du retard à leur nouveau lieu de départ

Notes

1 Dans les relations fortement ritualisées et convenues entre syndicats et patronat en Allemagne, dans le cadre du système de conventions collectives et de co-gestion (Mitbestimmung), le recours à la grève est soumis à un corset réglementaire de façon à les rendre plus prévisibles, et donc contrôlables par les dits partenaires sociaux. Les grèves d’avertissement (Warnstreik) doivent ainsi être courtes et s’inscrire dans un contexte de négociation tarifaire, autant sur le plan du contenu que temporel, normes qui sont issues des décisions du Bundesarbeitgericht. Cela offre un moyen –dans la plus stricte conformité des règles - aux sommets syndicaux d’appuyer leurs revendications. Ici, il convient de rappeler que le cadre réglementaire des conventions collectives de travail en Allemagne n’autorise le recours à la grève que dans le cadre des négociations tarifaires, excluant ainsi le blocage de la production pour des motifs politiques.

2 Gewerkschaft Deutscher Bundesbahnbeamten und Anwärter, littéralement Syndicat des fonctionnaires allemands du chemin de fer et des apprentis (futures fonctionnaires), fondé en 1948 en Rhénanie-du-Nord-Westphalie et ouvert en 1963 aux salariés non-fonctionnaires de la Deutsche Bahn. Depuis 1994, année durant laquelle la Deutsche Bahn a été transformée en une AG de droit privé, le syndicat se considère comme un syndicat du trafic ferroviaire voulant représenter tous les salariés du secteur. Des plans de fusion avec le syndicat Transnet sont discutés depuis 2009 et ont provoqué des problèmes avec le Deutscher Beamtenbund.

3 Transnet- Gewerkschaft der Eisenbahner Deutschlands (court : Transnet) est le plus gros syndicat de cheminots en Allemagne, fondé en 1896 à Hambourg. En 2007, ce syndicat comptait 227.000 membres, en 2000 encore 340.000 membres.

4 ABELLIO appartient depuis 2008 à l’entreprise privée NedRailways. Les trains de cette firme établie à Essen roulent en Rhénanie-du-Nord-Westphalie. ARRIVA est une entreprise britannique qui exploite des lignes ferroviaires en Bavière, en Brandenburg et en Basse-Saxe. BENEX est une filiale de l’entreprise Hochbahn, originaire d’Hambourg. Elle exploite des trains en Haute-Franconie et à Regensburg. HESSISCHE LANDESBAHN est une entprise qui est propriété du Land de Hesse et presque exclusivement active en Hesse.

KEOLIS est une entreprise française, dont la SNCF est actionnaire majoritaire (Figaro du 16 mars 2010) et qui compte 45.000 salariés au niveau international. Elle est active en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, ainsi qu’en Basse-Saxe. VEOLIA (Veolia environnement) est une multinationale française active dans les anciens secteurs de service public et issue en 2000 du groupe Vivendi, anciennement Compagnie générale des Eaux, dont l’actionnaire majoritaire est l’état français (Caisse de dépôts et consignations). Elle emploie 319.000 salariés dans 72 pays. C’est la plus grande entreprise ferroviaire privée en Allemagne et exploite de nombreuses lignes à travers le pays, par l’intermédiaire de filiales.Source : Frankfurter Rundschau du 26-10-2010.

5 Il s’agit ici du secteur du transport régional de passagers.

6 C’est-à-dire dans des branches économiques autres que le trafic régional de passagers,

7 GDL n’a pas participé à la grève du 26 octobre 2010. Nous pourrons revenir plus précisément sur cette question prochainement.

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