Édition du 19 novembre 2024

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Le blogue de la présidente de la CSQ

Une fiscalité avantageuse pour une majorité de la population québécoise

Nouveau gouvernement, nouveau budget, vieille histoire. Voilà comment on peut résumer les tentatives de certains de rejouer le plus gros succès de la propagande néolibérale soit que « les Québécoises et Québécois sont les plus imposés au monde ». C’est normal, c’était prévisible même, qu’à l’approche des consultations prébudgétaires plusieurs veuillent retaper le clou de la nécessité de « remettre de l’argent dans le portefeuille des Québécoises et Québécois ».

Au-delà du sensationnalisme

Il est évident que de claironner que les Québécoises et Québécois sont les plus taxés au monde, ça fait sensationnel, ça accroche l’œil, ça fait cliquer. Surtout que ça participe à entretenir ce mythe qui est devenu un grand succès chez certains polémistes. Un ver d’oreille qui semble revenir souvent dans les textes de bon nombre de chroniqueurs et animateurs. Sauf que lorsqu’on y regarde de plus près, c’est loin d’être aussi tranché que ça. Lorsqu’on prend en compte tous les types d’impôt (taxes, cotisations sociales, taxes foncières, etc.), le Québec arrive 15e dans le peloton du milieu parmi les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

Si l’on ajoute à l’équation les transferts aux individus et aux entreprises (crédits d’impôts et subventions), ce qu’on appelle la fiscalité nette, la situation du Québec devient assez avantageuse.

En fait, l’écart avec les autres provinces se rétrécit tellement que l’on arrive à égalité avec la Nouvelle-Écosse (31,8 %) et que l’on ne devance l’Ontario (31,4 %) que de 0,4 % ! Plus encore, pour une majorité des cas de ménages analysés par les chercheurs de la Chaire en fiscalité de l’Université de Sherbrooke, la charge fiscale nette, c’est-à-dire ce qui reste dans les poches après impôt et transferts, est plus avantageuse au Québec qu’en Ontario !

Redistribuer la richesse, c’est payant

Ces choix fiscaux, que nous avons faits par le passé, nous permettent de réinjecter une part importante des contributions fiscales directement dans l’économie par le biais des transferts fiscaux. Autrement dit, notre fiscalité n’est pas une simple pompe. Comme le ferait un jacuzzi, les transferts réinjectent de l’argent et redistribuent la richesse, ce qui dynamise l’économie du Québec. Ces transferts (allocations pour enfants, crédits pour les taxes sur la consommation, prime au travail, etc.) représentent 4 % de notre PIB (1) !

Et ça, c’est sans compter les services à la population comme nos services éducatifs à la petite enfance qui font toute une différence « dans le portefeuille des familles », comme le dirait notre premier ministre.

L’éducation, la santé et la petite enfance : premiers perdants des baisses d’impôt

Depuis le début des années 2000, les gouvernements néolibéraux successifs ont tous adopté la même stratégie délétère qui consiste à faire des compressions dans les services publics pour dégager un surplus qui a fini par devenir un cadeau électoral sous la forme de baisse d’impôt. Ça ne prend pas la tête à Papineau pour comprendre que cette stratégie nous enferme collectivement dans un cercle vicieux. Selon une recherche de l’Institut de recherche en économie contemporaine (IREC), ce cercle vicieux nous aura fait perdre collectivement 6 milliards de dollars entre 1999 et 2013. Entre 2015 et 2018, les réductions d’impôt du gouvernement Couillard nous ont privés de 3,6 milliards de dollars. Le nouveau gouvernement de la Coalition avenir Québec (CAQ) a déjà annoncé qu’il en rajouterait un autre 1,5 milliard d’ici 2020. Pour celles et ceux qui comptent, ça fait 11 milliards en 20 ans.

Les conséquences sont bien connues. On voit l’aboutissement de cette logique dans nos écoles et nos centres ainsi que dans nos hôpitaux et CLSC : c’est la surcharge de travail de femmes et d’hommes dévoués au service public à qui l’on demande d’en faire toujours plus avec moins ; ce sont les milliers d’élèves en attente de services professionnels ; c’est le déficit d’entretien et la vétusté de nos édifices publics qui entraînent des problèmes de santé ; c’est le manque criant de personnel dans les CHSLD ; etc.

Donnons-nous les moyens

Pour sortir de ce cercle vicieux, il n’y a pas trente-six-mille solutions, nous devons consolider nos surplus et les réinvestir dans nos services publics. C’est pourquoi il serait dangereux, dans un contexte où un ralentissement économique peut survenir à tout moment, de réduire les impôts et de se priver d’une marge de manœuvre financière pour des raisons électoralistes.

Notre système fiscal, bien qu’imparfait (on pourrait ajouter des paliers d’imposition pour le rendre encore plus équitable, rétablir la taxe sur le capital, etc.), fonctionne et est loin d’exercer une pression indue sur les ménages. La prochaine fois que vous entendrez quelqu’un vous dire que l’on subit une « pression fiscale » intenable, faites-lui lire ce billet !

Note

1 Contre 2,6 % en moyenne au Canada.

Sonia Éthier

Présidente de la CSQ (2018-...)

Elle siégeait sur l’exécutif de la CSQ depuis 2015 à titre de première vice-présidente. Enseignante en adaptation scolaire auprès d’élèves en difficulté d’apprentissage, elle a été présidente du Syndicat de l’enseignement du Bas-Richelieu durant neuf ans. Elle milite au sein du mouvement syndical depuis plus de 30 ans.

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