Édition du 17 décembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Économie

Résumé du rapport d’Oxfam sur les écarts de richesse

Une économie au service des 99%

Il est temps de construire une économie plus humaine qui profite à tous, et non à quelques privilégiés.

D’après les dernières estimations, seuls huit hommes détiennent autant de richesses que la moitié la plus pauvre de la population mondiale. La croissance profite aux plus riches, au détriment du reste de la société, notamment des plus pauvres. Le modèle économique dans lequel nous évoluons et les principes qui y sont associés nous ont menés à cette situation injuste, extrême et non durable. Notre système économique doit cesser de profiter abusivement à une élite pour se mettre au service du plus grand nombre. Une économie plus humaine exige des États responsables et visionnaires, des entreprises qui travaillent dans l’intérêt des travailleurs et des producteurs, un environnement respecté, la promotion des droits des femmes et une fiscalité robuste et équitable.

Une économie au service des 99%

Quatre années se sont écoulées depuis que le Forum économique mondial a identifié les inégalités économiques croissantes comme principale menace à la stabilité sociale1, et trois ans depuis que la Banque mondiale a ajouté à son objectif d’éradication de la pauvreté la nécessité de partager la prospérité2. Depuis lors, et bien que les dirigeants mondiaux se soient prononcés en faveur d’un objectif mondial de réduction des inégalités, le fossé entre les riches et le reste de la population s’est encore creusé. Cette situation ne peut plus durer. Comme l’a déclaré le président Obama lors de son dernier discours à l’Assemblée générale des Nations unies en septembre 2016 : « La stabilité est illusoire dans un monde où 1% de l’humanité détient autant de richesses que le reste de la population ».

Pourtant, la crise mondiale des inégalités sévit de plus belle :

•Depuis 2015, les 1% les plus riches détiennent autant de richesses que le reste de la planète3.

•À l’heure actuelle, seuls huit hommes détiennent autant de richesses que la moitié la plus pauvre de la population mondiale4.

•Au cours des 20 prochaines années, 500 personnes transmettront plus de 2100 milliards de dollars à leurs héritiers, soit plus que le PIB de l’Inde, un pays qui compte 1,3 milliard d’habitants5.

•Les revenus des 10% les plus pauvres ont augmenté de moins de 3 dollars par an entre 1988 et 2011, tandis que l’augmentation des revenus des 1% les plus riches était 182 fois supérieure6.

•Un PDG d’une entreprise du FTSE 100 (les cent entreprises britanniques les plus capitalisées et cotées à la bourse de Londres) gagne en un an autant que 10000 ouvriers de l’industrie textile au Bangladesh7.

•Aux États-Unis, une nouvelle recherche publiée par l’économiste Thomas Piketty révèle qu’au cours des 30 dernières années, le revenu de la moitié la plus pauvre de la population n’a pas évolué, tandis que celui des 1% les plus riches a augmenté de 300%8.

• Au Vietnam, l’homme le plus riche du pays gagne plus en une journée que ce que touche la personne la plus pauvre en 10 ans9.

Sans changement, les inégalités croissantes menacent de disloquer nos sociétés. Elles exacerbent la criminalité et l’insécurité et ruinent l’éradication de la pauvreté10. L’espoir s’amenuise, laissant plus de place à la peur.

Du Brexit à l’élection de Donald Trump, en passant par la montée préoccupante du racisme ou la défiance vis-à-vis des partis traditionnels et de la politique, il apparaît de plus en plus clairement qu’un nombre croissant de personnes dans les pays riches ne souhaitent plus accepter ce statu quo. Pourquoi en serait-il autrement, alors même que ce système semble n’avoir produit qu’une stagnation des salaires, des emplois précaires et un fossé croissant entre les riches et les plus démunis ? Le défi consiste à proposer une alternative positive qui n’exacerbe pas les divisions.

La situation dans les pays pauvres est tout aussi complexe et préoccupante. Au cours des dernières décennies, des centaines de millions de personnes sont sorties de la pauvreté.

Le monde a de quoi en être fier. Pourtant, une personne sur neuf se couche toujours le ventre vide. Si la croissance avait bénéficié aux plus pauvres entre 1990 et 2010, ce sont 700 millions de personnes supplémentaires, principalement des femmes, qui ne vivraient plus dans la pauvreté à l’heure actuelle11. Une étude indique que les trois-quarts de la pauvreté extrême pourraient être éradiqués à l’aide des ressources existantes en ajustant la fiscalité et en réduisant les budgets militaires et d’autres dépenses régressives12. D’après la Banque mondiale, à moins de redoubler d’efforts pour lutter contre les inégalités, il est clair que les dirigeants du monde ne parviendront pas à atteindre leur objectif d’éradiquer l’extrême pauvreté d’ici 203013.Les inégalités ne sont pas une fatalité. La réponse populaire aux inégalités ne doit pas accroître les divisions.

Une économie au service des 99% analyse comment les grandes entreprises et les plus fortunés alimentent la crise des inégalités, et ce qui peut être fait pour changer la donne. Ce document revient sur les fausses idées qui nous ont menés dans cette impasse et indique comment construire un monde plus juste basé sur une économie plus humaine qui soit axée non pas sur les profits, mais sur les êtres humains, notamment les plus vulnérables.

Comprendre les causes des inégalités

Il est indéniable que les grands gagnants de l’économie mondiale actuelle sont les plus riches. Selon une recherche d’Oxfam, au cours des 25 dernières années, les revenus des 1% les plus riches ont dépassé les revenus cumulés des 50% les plus pauvres14. Loin d’être réinjectés dans l’économie, revenus et richesses sont aspirés vers le haut à un rythme alarmant. À quoi cela est-il dû ? Les grandes entreprises et les plus fortunés jouent un rôle déterminant.

Grandes entreprises au service d’une élite

Les grandes entreprises ont obtenu de bons résultats en 2015-2016 : les profits sont au rendez-vous et les dix plus grandes entreprises au monde affichent un chiffre d’affaires cumulé supérieur aux budgets cumulés de 180 pays15. Les entreprises sont l’ossature de l’économie de marché. Lorsqu’elles œuvrent au bénéfice de tous, elles peuvent être les acteurs clefs de sociétés justes et prospères. Mais lorsqu’elles se mettent au service des nantis, la croissance économique ne profite plus à ceux qui en ont le plus besoin. En vue d’offrir des rendements élevés aux plus fortunés, les grandes entreprises sont encouragées à exploiter davantage les travailleurs et les producteurs, et à échapper à l’impôt qui bénéficierait à tous et en particulier aux plus pauvres.

Pression sur les travailleurs et les producteurs

Tandis que de nombreux PDG, souvent rémunérés en actions, ont vu leur rémunération s’envoler, les salaires de base des producteurs et des travailleurs ont très peu évolué, voire baissé dans certains cas. Le PDG de la plus grande société informatique indienne gagne 416 fois plus qu’un employé ordinaire travaillant dans son entreprise16. Dans les années 1980, les producteurs de cacao recevaient 18% de la valeur d’une barre chocolatée, contre seulement 6% aujourd’hui17. Dans certains cas extrêmes, des entreprises recourent au travail forcé ou à l’esclavage pour maintenir les coûts de production au niveau le plus bas. Selon l’Organisation internationale du travail, 21 millions de personnes sont en situation de travail forcé, générant quelque 150 milliards de dollars de bénéfices chaque année18. Les plus grandes entreprises de confection au monde font toutes appel aux usines de filature de coton indiennes, coutumières du travail forcé de jeunes filles19. Les femmes et les jeunes filles sont les moins bien rémunérées et évoluent dans les conditions les plus précaires20. Partout dans le monde, les entreprises font sans cesse pression pour réduire les coûts de la main-d’œuvre et veillent à ce que les ouvriers et les producteurs intervenant sur les chaînes logistiques se partagent une part toujours plus petite du gâteau. Cette approche accroît les inégalités et étouffe la demande.

Évasion fiscale

Les entreprises optimisent leurs bénéfices, notamment en allégeant le plus possible leur charge fiscale. Pour cela, elles recourent aux paradis fiscaux ou incitent et influencent les pays à proposer une fiscalité attrayante (allègements, exonérations et taux bas).

Au-delà de la généralisation de l’évasion fiscale, les taux d’imposition sur les sociétés sont en baisse partout dans le monde, ce qui assure une charge fiscale minimale pour de nombreuses entreprises. Apple aurait été imposé à seulement 0,005% sur ses bénéfices réalisés en Europe en 201421. Pour les pays en développement, l’évasion fiscale entraîne chaque année un manque à gagner estimé à 100 milliards de dollars22. Les pays se privent de plusieurs milliards supplémentaires en proposant des crédits et exonérations fiscales.

Les grands perdants sont les plus pauvres, qui dépendent le plus des services publics que cet important manque à gagner aurait permis de financer. Le Kenya perd chaque année 1,1 milliard de dollars en exonérations fiscales accordées aux entreprises, soit près du double du budget de la santé dans un pays où une femme sur 40 décède lors de l’accouchement23. Deux éléments peuvent motiver un tel comportement de la part des entreprises : la priorité donnée à la rentabilité à court terme pour les actionnaires et l’intensification du « capitalisme de connivence ».

Un capitalisme actionnarial outrancier

Dans de nombreuses régions du monde, les entreprises sont de plus en plus motivées par un seul objectif : optimiser la rentabilité pour leurs actionnaires. Cela implique non seulement de maximiser les bénéfices à court terme, mais également d’octroyer une part encore plus grande de ces bénéfices aux actionnaires. Au Royaume-Uni, la part des bénéfices revenant aux actionnaires était de 10% dans les années 1970 ; elle est désormais de 70%25. En Inde, ce chiffre est plus bas mais connaît une forte croissance.

Pour de nombreuses entreprises, il est désormais supérieur à 50%26. Cette situation a fait l’objet de nombreuses critiques, notamment de la part de Larry Fink, PDG de Blackrock (le plus grand gestionnaire d’actifs au monde)27 et d’Andrew Haldane, économiste en chef au sein de Bank of England28. Cette hausse de la rentabilité pour les actionnaires profite aux plus riches (la majorité des actionnaires figurant parmi la frange la plus aisée de la société), ce qui accroît les inégalités. Les investisseurs institutionnels, comme les fonds de pension, détiennent des parts toujours plus modestes dans les entreprises. Il y a trente ans, les fonds de pension détenaient 30% des actions au Royaume-Uni, contre seulement 3% actuellement29. Chaque euro de bénéfice octroyé aux actionnaires des grandes entreprises est un euro qui aurait pu être dépensé pour augmenter la rémunération des producteurs ou des travailleurs, contribuer davantage à l’impôt ou investir dans des infrastructures ou dans l’innovation.

Un capitalisme de connivence

Comme l’a démontré Oxfam dans son précédent rapport Une économie au service des 1%30, les entreprises de nombreux secteurs (finance, industrie extractive, confection, pharmaceutique et autre) utilisent leur pouvoir et leur forte influence pour s’assurer que les réglementations et les politiques nationales et internationales soient formulées de manière à soutenir durablement leur rentabilité. Par exemple, les sociétés pétrolières telles que Shell ont activement fait pression sur le Nigeria pour éviter toute hausse des impôts sur les bénéfices31. Même le secteur des technologies, autrefois considéré comme un secteur plus coopératif, est de plus en plus l’objet de critiques pour connivence. Alphabet, société mère de Google, est devenu l’un des plus grands lobbyistes à Washington et en Europe au sujet des règles anti-trust et de la fiscalité32. Le capitalisme de connivence bénéficie aux riches, aux personnes qui détiennent et gèrent ces entreprises aux dépens du bien commun et de la lutte contre la pauvreté. Cela signifie que des entreprises de moindre envergure peinent à rester compétitives. Face aux cartels et au pouvoir de monopole de certaines entreprises et des personnes ayant des liens étroits avec les gouvernements, les citoyens ordinaires se retrouvent à devoir payer plus pour les biens et les services. Le mexicain Carlos Slim, troisième fortune mondiale, contrôle quelque 70% des services de téléphonie mobile et 65% des lignes fixes au Mexique, pesant près de 2% du PIB33.

Le rôle des plus riches dans la crise des inégalités

À tous les égards, nous vivons dans l’ère des super-riches, un deuxième « âge d’or » qui occulte la corruption et les problèmes sociaux. L’analyse d’Oxfam concernant les plus riches inclut toutes les personnes dont la fortune nette atteint au moins 1 milliard de dollars.

Les 1810 milliardaires en dollars de la liste Forbes pour 2016, dont 89% d’hommes, détiennent 6500 milliards de dollars, soit autant que les 70% les plus pauvres de l’humanité34. Tandis que certains milliardaires doivent surtout leur fortune à leur talent et à leur travail acharné, l’analyse d’Oxfam sur ce groupe révèle qu’un tiers de la fortune des milliardaires dans le monde provient d’héritages, et 43% sont le fait de l’existence d’une forme de connivence35.

Une fois accumulée ou acquise, une fortune développe sa propre dynamique. Les plus fortunés disposent des moyens suffisants pour s’offrir les meilleurs conseils en investissement. Les richesses qu’ils détiennent depuis 2009 ont d’ailleurs augmenté en moyenne de 11% par an. Ce taux d’accumulation est largement supérieur à ce que des épargnants ordinaires peuvent obtenir. Que ce soit par le biais de fonds spéculatifs ou d’entrepôts remplis d’œuvres d’art ou de voitures de collection37, la très opaque industrie de la gestion de fortune réussit très bien à augmenter encore plus la prospérité des nantis. La fortune de Bill Gates a augmenté de 50% (soit 25milliards de dollars) depuis qu’il a quitté Microsoft en 2006, malgré ses efforts louables de faire don d’une bonne partie38. Si les milliardaires continuent à s’assurer de tels retours sur investissement, le premier trillionnaire au monde verrait le jour d’ici 25 ans. Dans un tel environnement, si vous êtes déjà riche, ne pas devenir encore plus riche requiert un effort particulier.

Les immenses fortunes que l’on retrouve au sommet de la pyramide des richesses et des revenus sont une preuve indiscutable de la crise des inégalités et entravent la lutte contre l’extrême pauvreté. Mais les plus fortunés ne sont pas de simples bénéficiaires de la concentration croissante des richesses. Ils participent activement à sa perpétuation. Pour cela, ils s’appuient notamment sur leurs investissements. Les plus riches, parmi lesquels figurent les plus gros actionnaires (en particulier dans les fonds d’investissement et les fonds spéculatifs), bénéficient de manière considérable du culte de l’actionnaire qui transforme progressivement le comportement des entreprises.

Optimisation fiscale et achat des politiques

Payer le moins d’impôts possible est une stratégie mise en œuvre par une bonne partie des plus fortunés39. À cette fin, ils recourent activement au réseau mondial de juridictions opaques et de paradis fiscaux pour les entreprises, comme l’ont révélé les Panama Papers et d’autres scandales. Les pays se livrent une concurrence pour attirer les plus fortunés, bradant ainsi leur souveraineté. Les exilés fiscaux ultra-fortunés n’ont que l’embarras du choix de la destination car la notion de frontière n’est pas la même pour eux. Pour un investissement d’au moins 2millions de livres sterling, il est possible d’acheter le droit de vivre, travailler et devenir propriétaire au Royaume-Uni et bénéficier de généreux allègements fiscaux. À Malte, paradis fiscal de grande envergure, la citoyenneté de plein droit se monnaie 650000 dollars. Gabriel Zucman a estimé que 7600 milliards de dollars sont dissimulés à l’étranger40. À elle seule, l’Afrique subit un manque à gagner fiscal de 14 milliards de dollars à cause des plus fortunés utilisant des paradis fiscaux. D’après les calculs d’Oxfam, cela suffirait pour financer des soins de santé qui pourraient sauver la vie de quatre millions d’enfants et pour employer assez d’enseignants pour scolariser tous les enfants africains. Les taux d’imposition sur la fortune et sur les revenus les plus élevés n’ont cessé de reculer dans tous les pays les plus riches. Aux États-Unis, la tranche supérieure d’impôt sur le revenu était de 70% en 1980 ; elle est maintenant de 40%41. Dans les pays en développement, l’imposition des riches est encore plus faible : les recherches d’Oxfam révèlent que le taux supérieur moyen est de 30% sur les revenus, et que la majorité n’est jamais perçue42.

Une bonne partie des plus fortunés utilise également son pouvoir, son influence et ses connexions pour accaparer les politiques et s’assurer que les règles adoptées lui sont favorables. Les milliardaires brésiliens font pression pour réduire les impôts44tout en privilégiant l’hélicoptère pour se rendre au travail, survolant les embouteillages et les infrastructures vieillissantes de Sao Paulo45. Parmi les plus riches, certains utilisent aussi leur fortune pour acheter les décisions politiques qui les arrangent, cherchant à influencer les élections et les politiques publiques. Les frères Koch, deux des hommes les plus riches du monde, ont une énorme influence sur les politiques conservatrices aux États-Unis, apportant leur soutien à de nombreux groupes de réflexion influents ainsi qu’au mouvement du Tea Party46. Ils pèsent également très lourd sur les opérations visant à discréditer toute initiative de lutte contre le changement climatique. Ce travail d’influence politique mené par les plus fortunés et leurs représentants exacerbe les inégalités en instaurant des « boucles de rétroaction renforcées » au sein desquelles les grands gagnants accumulent toujours plus de ressources pour gagner encore plus la fois suivante47.

Les idées reçus de l’économie au service des 1%

L’économie au service des 1% repose sur un ensemble d’idées reçues qui représentent le fondement de nombreuses politiques,d’investissements et d’activités des gouvernements, des entreprises et des plus riches, aux dépens des plus pauvres et de la société au sens large. Certaines de ces idées concernent l’économie elle-même, d’autres se rapportent à la vision dominante de l’économie définie par ses créateurs comme « néolibéralisme », qui suppose,à tort, que les richesses créées au sommet de la pyramide devraient « ruisseler » au bénéfice de tous. Le FMI a identifié le néolibéralisme comme une cause déterminante des inégalités croissantes49. À moins de réfuter ces idées reçues, nous serons incapables de changer la donne :

1.Idée reçue n°1 : Le marché a toujours raison et le rôle des États doit être le plus faible possible. En réalité,le marché a démontré ses limites à organiser et valoriser une bonne partie de notre vie et de notre avenir communs. Nous avons pu observer à quel point la corruption et la connivence faussent les marchés aux dépens des citoyens ordinaires, et comment la ‘productivité’ excessive du secteur financier exacerbe les inégalités. La privatisation des services publics comme la santé, l’éducation ou l’eau entraîne l’exclusion des pauvres, et en particulier des femmes.

2.Idée reçue n°2 : Les entreprises doivent à tout prix maximiser les bénéfices et la rémunération des actionnaires.Le fait de maximiser les bénéfices de manière disproportionnée gonfle les revenus de personnes qui sont déjà riches, tout en mettant une pression inutile sur les travailleurs, les agriculteurs, les consommateurs, les fournisseurs, les communautés et l’environnement. Il existe de nombreuses façons plus constructives d’organiser les entreprises de sorte à contribuer à une plus grande prospérité pour tous, et les exemples de réalisations ne manquent pas.

3.Idée reçue n° 3 : La richesse extrême de certaines personnes est sans conséquence et témoigne d’une réussite ; les inégalités n’ont aucune importance. Au contraire, l’émergence d’un nouvel âge d’or associé à la concentration des richesses dans les mains de quelques-uns (principalement des hommes) est inefficace du point de vue économique, néfaste sur le plan politique et contraire au progrès collectif. Une distribution plus égalitaire de la richesse est nécessaire.

4.Idée reçue n° 4 : La croissance du PIB devrait être l’objectif principal de l’élaboration des politiques.Mais comme le disait Robert Kennedy déjà en 1968 : « Le PIB mesure tout, sauf ce qui fait que la vie vaut la peine d’être vécue. » Le PIB ne tient pas compte du conséquent travail non rémunéré réalisé notamment par les femmes à travers le monde. Il ignore aussi les inégalités, ce qui fait qu’un pays comme la Zambie peut avoir un PIB en forte croissance alors même que le nombre de personnes pauvres augmente.

5.Idée reçue n° 5 : Notre modèle économique n’est pas sexiste.Dans les faits, les coupes dans les services publics, la sécurité de l’emploi et les droits du travail frappent surtout les femmes. Les femmes sont représentées de manière disproportionnée dans les emplois les moins sûrs et les moins bien payés, et ont également la charge de la majeure partie du travail non rémunéré, qui n’entre pas en compte dans le PIB mais sans lequel nos économies ne fonctionneraient pas.

6.Idée reçue n° 6 : Les ressources de notre planète sont illimitées. Il s’agit non seulement d’un constat erroné, mais aussi d’un postulat qui pourrait avoir des conséquences catastrophiques pour notre planète. Notre modèle économique repose sur l’exploitation de notre environnement en ignorant les limites de notre planète. Ce système économique est parmi les principaux facteurs d’un changement climatique incontrôlé.

Il faut rapidement réfuter ces six idées reçues. Elles sont obsolètes et rétrogrades et se sont révélées incapables de promouvoir la stabilité et la prospérité pour le plus grand nombre. Elles nous conduisent droit dans le mur. Nous avons un besoin urgent d’un autre mode de fonctionnement économique, une économie plus humaine.

Une économie plus humaine au service des 99%

Ensemble, nous devons créer un nouveau sens commun et inverser le paradigme actuel pour concevoir une économie dont le principal objectif est de bénéficier aux 99%, pas aux 1%. Le groupe qui devrait le plus bénéficier de notre économie est la population qui vit dans la pauvreté, que ce soit en Ouganda ou aux États-Unis. L’humanité a un incroyable talent, des richesses énormes et une imagination sans borne. Nous devons mobiliser tous ces atouts pour créer une économie plus humaine qui profite à tous, et non à une poignée de privilégié seulement.

Une économie plus humaine serait synonyme de sociétés meilleures et plus justes. Elle garantirait des emplois payés décemment.Elle traiterait les femmes et les hommes sur un pied d’égalité. Personne ne vivrait dans la crainte des dépenses qu’engendrerait une maladie. Chaque enfant aurait la chance de réaliser son plein potentiel. Notre économie prospèrerait dans les limites de notre planète et transmettrait un monde meilleur et plus durable aux générations futures.

Les marchés sont un moteur essentiel pour la croissance et la prospérité, mais nous ne pouvons pas continuer à laisser prétendre que ce moteur pilote la voiture ou décide de la meilleure direction à prendre. Les marchés doivent être gérés avec soin dans l’intérêt de tous, afin que les fruits de la croissance soient distribués équitablement tout en garantissant une réponse appropriée au changement climatique ou encore assurer les soins de santé et l’éducation au plus grand nombre, en particulier mais sans s’y limiter dans les pays les plus pauvres.

Une économie plus humaine doit intégrer plusieurs ingrédients essentiels destinés à résoudre les problèmes qui ont contribué à la crise des inégalités que l’on connaît aujourd’hui. Le présent document n’en propose qu’une ébauche, mais aussi des fondations sur lesquelles s’appuyer.

Dans une économie plus humaine :

1. Les gouvernements œuvreront pour les 99%. Un État responsable est l’arme la plus puissante contre les inégalités extrêmes, ainsi que la cheville ouvrière de toute économie humaine. Les États doivent écouter la voix de tous, pas seulement celle d’une minorité fortunée et de leurs lobbyistes. Pour cela une redynamisation de l’espace civique est nécessaire, en particulier pour faire entendre la voix des femmes et des groupes marginalisés. Plus les États seront responsabilisés, plus nos sociétés seront justes.

2. Les gouvernements coopéreront plutôt que d’agir en simples concurrents. La mondialisation ne peut pas continuer à alimenter un nivellement vers le bas de la fiscalité et du droit du travail qui ne profite qu’aux riches. Nous devons mettre un terme une bonne fois pour toutes à l’ère des paradis fiscaux. Les pays doivent coopérer sur un pied d’égalité pour parvenir à un nouveau consensus mondial et contribuer à un cercle vertueux pour garantir que les entreprises et les particuliers fortunés payent leur juste part d’impôts, que l’environnement soit protégé et que les travailleurs soient bien payés.

3. Les entreprises travailleront pour le bien de tous.Les États doivent soutenir les modèles économiques qui promeuvent clairement un capitalisme profitant à tous et préparent un avenir durable. Les fruits de l’activité économique doivent revenir à ceux qui en sont à l’origine et qui les ont créés : la société, les travailleurs et les communautés locales. Il faut mettre fin au lobby des entreprises et à l’achat de la démocratie. Les gouvernements doivent veiller à ce que les entreprises payent des salaires équitables et leur juste part d’impôts, et se montrent responsables de leur impact sur la planète.

4. L’extrême concentration de richesse aura disparu pour éradiquer l’extrême pauvreté. L’âge d’or actuel compromet notre avenir et doit prendre fin. Les plus riches doivent être contraints à contribuer plus équitablement à la société dans laquelle ils évoluent et il faut les empêcher de s’en tirer avec des privilèges. Pour ce faire, il est nécessaire que les riches payent leur juste part d’impôts : il faut augmenter les impôts sur la fortune et sur les hauts revenus pour uniformiser les règles du jeu, et lutter contre l’évasion fiscale des riches.

5. Une économie plus humaine œuvrera à l’égalité entre les femmes et les hommes. L’égalité entre les femmes et les hommes sera au cœur de l’économie humaine, garantissant que les deux moitiés de l’humanité disposent des mêmes chances dans la vie et puissent vivre une vie épanouie. Les obstacles à l’émancipation et autonomisation des femmes, notamment concernant l’accès à l’éducation et aux soins de santé, seront définitivement abolis. Les normes sociales ne détermineront plus le rôle d’une femme dans la société. Notamment, le travail de soin non rémunéré sera reconnu, réduit et redistribué.

6. La technologie sera mise au profit des 99%. Les nouvelles technologies ont un énorme potentiel pour améliorer notre quotidien. Mais cela ne se produira qu’avec l’intervention active des gouvernements, en particulier pour ce qui est du contrôle de ces technologies. La recherche publique est à l’origine de certaines parmi les plus grandes innovations récentes, y compris le smartphone. Les États doivent intervenir pour assurer que les technologies contribuent à réduire les inégalités plutôt qu’à les creuser.

7. Une économie humaine reposera sur des énergies renouvelables. Les carburants fossiles soutiennent la croissance économique depuis l’ère de l’industrialisation, mais ils ne sont pas compatibles avec une économie qui promeut l’intérêt du plus grand nombre. La pollution atmosphérique résultant de la combustion du charbon est responsable de millions de décès prématurés dans le monde, tandis que la dévastation provoquée par le changement climatique frappe le plus durement les plus pauvres et les plus vulnérables. Les énergies renouvelables durables peuvent offrir un accès universel à l’énergie et une croissance énergétique qui respecte les limites de la planète.

8. Ce qui compte vraiment sera valorisé et mesuré. Au-delà du PIB, nous devons mesurer les progrès humains à l’aune des nombreux indicateurs alternatifs disponibles. Ces nouveaux indicateurs doivent tenir compte du travail non rémunéré des femmes à travers le monde. Ils doivent refléter non seulement l’ampleur de l’activité économique, mais aussi la manière dont les revenus et les richesses sont distribués. Ils doivent être étroitement liés à des considérations de durabilité, contribuant à bâtir un monde meilleur aujourd’hui et pour les générations futures. Cela nous permettra de mesurer les progrès réels de nos sociétés.

Nous pouvons et nous devons construire une économie plus humaine avant qu’il ne soit trop tard.

Les notes sont disponibles ici.

Le rapport complet est disponible ici.

La campagne d’Oxfam contre les paradis fiscaux - À égalité ! - Les paradis fiscaux au cœur de la crise des inégalités

À l’heure actuelle, 7600 milliards de dollars, soit plus que le PIB combiné de l’Allemagne et du Royaume-Uni, sont détenus sur des comptes offshore par des particuliers. Si des impôts étaient payés sur les revenus que génère cette richesse, les gouvernements pourraient bénéficier de190 milliards US $ chaque année.

En Afrique, les sommes perdues couvriraient à elles seules les soins de santé susceptibles de sauver la vie à 4 millions d’enfants et permettrait d’employer suffisamment d’enseignants pour pouvoir scolariser tous les enfants africains.

Au Canada et au Québec, c’est à coup de milliards de dollars que les gouvernements pourraient réinvestir dans les services publics s’ils luttaient efficacement contre les paradis fiscaux.

Si nous voulons vaincre les inégalités extrêmes et la pauvreté, il est temps de mettre fin à l’ère des paradis fiscaux !

Mettons fin à l’ère des paradis fiscaux ! Signez la pétition.

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