Édition du 12 novembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Europe

La révolution en cours en Islande

Une constituante pour assumer ses droits souverains

Une émission de la radio italienne parlant de la révolution en cours en Islande est un exemple frappant de la façon dont peu de nos médias nous racontent le monde. Les Américains peuvent se rappeler que dès le début de la crise financière de 2008, l’Islande a fait littéralement faillite. Les raisons n’ont été mentionnées qu’en passant, et depuis lors, ce pays membre peu connu de l’Union européenne est retombé dans l’oubli.

Comme les pays européens, les unes après les autres, les économies tombent ou s’apprêtent à le faire, mettant en péril l’euro, avec des répercussions pour tous, la dernière chose que les autorités veulent, c’est que l’Islande devienne un exemple. Voici pourquoi.

Cinq ans d’un régime purement néolibéral avaient fait de l’Islande (population de 320.000 personnes sans armée), l’un des pays les plus riches au monde. En 2003, toutes les banques du pays ont été privatisées et dans un effort pour attirer les investissements étrangers, elles ont offert des prêts en ligne, dont les coûts minimes leur ont permis d’offrir des taux de rendement relativement élevés. Les comptes, appelés "Icesave" ont attiré de nombreux petits investisseurs anglais et néerlandais. Mais comme les investissements ont augmenté, la dette envers les banques étrangères a également augmenté. En 2003, la dette de l’Islande a égalé 200 fois son PNB. La crise financière mondiale de 2008 a été le coup de grâce. Les trois principales banques islandaises, - Landbanki, Kapthing et Glitnir - ont fait faillite et ont été nationalisées, tandis que la Couronne a perdu 85% de sa valeur par rapport l’euro. A la fin de l’année, l’Islande était en faillite.

Contrairement à ce qu’on pouvait attendre, la crise a abouti à la récupération par les Islandais de leurs droits souverains, à travers un processus de démocratie participative directe qui a finalement conduit à une nouvelle constitution. Mais seulement après beaucoup d’épreuves.

Geir Haarde, le premier ministre d’un gouvernement de coalition social-démocrate, a négocié un prêt 2,1 milliards $ auquel les pays nordiques ont ajouté un autre 2,5 milliards. Cependant, la communauté financière a fait pression sur l’Islande pour que le pays impose des mesures d’austérité drastiques. Le FMI et l’Union européenne souhaitaient prendre le contrôle de sa dette, disant que c’était le seul moyen pour le pays de payer sa dette aux Pays-Bas et à la Grande-Bretagne qui avaient promis de rembourser leurs citoyens.

Des protestations et des émeutes ont continué forçant finalement le gouvernement à démissionner. Des élections ont eu lieu au mois d’avril 2009, portant au pouvoir une coalition de gauche qui a condamné le système économique néolibéral, mais qui a rapidement cédé aux demandes faites à l’Islande de payer un total de 3,5 milliards d’euros. Cela signifiait que chaque citoyen islandais devait payer 100 euros par mois (ou environ 130 $) pendant 15 ans, à 5,5 % d’intérêt, pour rembourser une dette contractée par parties privées vis-à-vis d’autres parties privées. C’était la goutte qui a fait déborder le vase.

Un référendum contre le paiement par le peuple d’une dette privée

C’est ce qui s’est passé ensuite qui a été extraordinaire. La conviction que les citoyens devaient payer pour les erreurs d’un monopole financier, qu’une nation entière devait être imposée pour payer les dettes privées a été brisée. Cela a transformé la relation entre les citoyens et leurs institutions politiques et a finalement conduit les dirigeants de l’Islande à se ranger du côté de leur électorat. Le chef de l’État, Olafur Ragnar Grimsson, a refusé de ratifier la loi qui rend les citoyens de l’Islande responsables des dettes de ces banquiers et a accepté d’organiser un référendum.

Bien sûr, la communauté internationale n’a fait qu’accroître ses pressions sur l’Islande. La Grande-Bretagne et les Pays-Bas ont menacé le pays de terribles représailles et de leur volonté d’isoler le pays. Alors que les Islandais se rendaient aux urnes, les banquiers étrangers ont menacé de bloquer toute aide en provenance du FMI. Le gouvernement britannique a menacé de geler les économies islandaises et les comptes courants. Comme Grimsson a dit : "Ils nous ont dit que si nous refusions les conditions de la communauté internationale, nous deviendrions le Cuba du Nord. Mais si nous avions accepté, nous serions devenus l’Haïti de l’hémisphère nord. » (Combien de fois ai-je écrit que lorsque les Cubains voient la triste situation de leur voisin, Haïti, ils s’estiment heureux ?)

En mars 2010, au référendum, 93 % ont voté contre le remboursement de la dette. Le FMI a gelé immédiatement ses prêts. Mais la révolution (non télévisé aux États-Unis) ne s’est pas laissée intimider. Avec le soutien des citoyens et citoyennes en colère, le gouvernement a lancé des enquêtes civiles et pénales contre les personnes responsables de la crise financière. Interpol a lancé un mandat d’arrêt international contre l’ancien président de Kaupthing, Sigurdur Einarsson, et autres banquiers impliqués ont fui le pays.

Une constituante pour écrire la constitution du pays

Mais les Islandais ne se sont pas arrêtés là. Ils ont décidé de rédiger une nouvelle constitution qui a libéré le pays du pouvoir excessif de la finance internationale et de l’argent virtuel. (La constitution en vigueur avait été rédigée à l’époque où l’Islande avait obtenu son indépendance du Danemark en 1918, la seule différence par rapport à la Constitution danoise était que le mot « président » était remplacé par « King ».)

Pour écrire la nouvelle constitution, le peuple islandais, vingt-cinq citoyens choisis par tranche de population de 522 adultes, aucun-e n’appartenant pas à un quelconque parti politique, mais recommandé par au moins trente personnes. Ce document n’a pas été l’œuvre d’une poignée de politiciens professionnels, mais il a été élaboré sur Internet. Les réunions de l’Assemblée constituante ont été transmises en ligne, et les citoyen-ne-s ont pu soumettre leurs commentaires et leurs suggestions, apportant leur collaboration à la production du texte constitutionnel. La Constitution, qui se dégage finalement de ce processus de démocratie participative, sera présentée au Parlement pour approbation après les prochaines élections.

Certains lecteurs se souviendront de l’effondrement agricole de l’Islande au IXe siècle, effondrement présenté dans le livre de Jared Diamond. Aujourd’hui, ce pays se remet de sa chute financière de manière complètement opposée à celle généralement considérée comme inévitable, comme cela a été confirmé hier que la nouvelle chef du FMI, Christine Lagarde à Fareed Zakaria. Les habitants de la Grèce se sont fait dire que la privatisation de leur secteur public était la seule solution. Et l’Italie, l’Espagne et le Portugal sont confrontés à la même menace.

Ils devraient se tourner vers l’Islande. Le refus de ce petit pays de se soumettre à des intérêts étrangers a démontré clairement que le peuple est souverain. C’est pourquoi les actualités ont cessé d’en parler.


Source : http://www.dailykos.com/story/2011/08/01/1001662/-Icelands-On-going-Revolution
Traduit en espagnol par Arielev
De : http://sleepwalkings.wordpress.com/2011/08/24/la-revolucion-en-curso-de-islandia/

Traduction française : Presse-toi à gauche !

Sur le même thème : Europe

Sections

redaction @ pressegauche.org

Québec (Québec) Canada

Presse-toi à gauche ! propose à tous ceux et celles qui aspirent à voir grandir l’influence de la gauche au Québec un espace régulier d’échange et de débat, d’interprétation et de lecture de l’actualité de gauche au Québec...