Mais si le gouvernement y a répondu par une répression aveugle et des atteintes systématiques des droits humains, il a cru néanmoins habile —pour calmer le jeu— de mettre en route, avec l’accord d’une majorité des forces politiques du pays, un processus de convention constitutionnelle. Avec cependant des limites strictes fixées à l’exercice : s’il prétendait réviser la constitution dictatoriale héritée de la dictature militaire du général Pinochet (1973-1989), il était limité par un vote au 2/3 (offrant ainsi aux forces de droite une sorte de droit de véto) ainsi que par la non-possibilité de remettre en cause les accords internationaux signés par le passé.
Or la force du mouvement social chilien comme la participation de plus en plus active d’un mouvement féministe très militant ainsi que d’étudiants et lycéens et d’un peuple mapuche très mobilisés, ont littéralement changé la donne. Conjuguées aux frustrations causées par une répression policière et militaire, massive et indiscriminée (plus de 31 morts, 3 800 blessés, 27 000 arrestations, 2 500 incarcérations), leurs luttes et leur détermination ont peu à peu poussé à une radicalisation non seulement d’une grande partie de la population, mais aussi de tout l’électorat du pays.
Ce qui fait que ces volontés de changement populaires on pu clairement s’exprimer, non seulement lors du premier référendum du 25 octobre 2020 (où les suffrages favorables à une nouvelle constitution l’emportaient avec 78% des voix), mais aussi lors des élections du 15 et 16 mai 2021. Et cette fois-ci sous la forme d’un véritable virage à gauche de tout le pays.
Car dans cette assemblée conventionnelle paritaire fraîchement élue de 155 constituants (avec 53% de femmes et 47% d’hommes, une première au monde !), les forces de droite devront se contenter de 37 siège (23,9%), pendant que les forces de l’opposition (allant de la démocratie chrétienne aux secteurs de la gauche indépendante) disposeront de 118 sièges (73,5%).
Il y a donc de bonnes raisons de penser qu’un vent de changement est en train de souffler sur le Chili, et qu’à condition que le mouvement social ne baisse pas la garde et continue à se faire entendre haut et fort (notamment sur le cas des près de 2 000 prisonniers politiques), le Chili puisse enfin se débarrasser de quelques-uns des vestiges les plus douloureux de son passé dictatorial.
Comité de solidarité au peuple chilien de Québec
Le samedi 5 juin 2021
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