Édition du 17 décembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Un tabou de la gauche : le corporatisme syndical

La nouvelle récente de l’abolition graduelle du service de livraison à domicile dans les grandes villes par Poste Canada et en conséquence, l’abolition de 6 à 8,000 postes de facteurs, et la même semaine Kellog’s qui annonce la fermeture de son usine syndiquée de Toronto où travaillent 500 personnes alors qu’elle en conserve une autre non syndiquée dans la même région, soulève chez moi même si je suis un solidaire plusieurs interrogations et m’amène à proposer d’explorer de nouvelles avenues.

Nous assistons au cours des dernières années à une vague de disparition de ‘’ belles jobs ‘’ à bon salaire avec des bons avantages sociaux et de la sécurité, des emplois qui en plus demandent peu de scolarité et de formation, que ce soit dans le secteur public ou le secteur privé. Combien de jeunes travailleurs ne pourront plus accéder dans le futur à de tels emplois. Quand on pense au taux de décrochage au secondaire et aux élèves qui décident de ne pas poursuivre une scolarité plus avancée, que deviendront-ils ? Faire disparaître de bons emplois accessibles pour eux n’est-ce pas faire de certains d’entre eux de futurs assistés sociaux, des travailleurs au noir, sinon dans certains cas les jeter dans les bras de la criminalité ?

Dans le contexte du capitalisme néolibéral on parle toujours de mondialisation, de rentabilité et de concurrence, et ce, aux niveaux local, national et mondial. Cette logique entraîne donc une réorganisation permanente du marché du travail à coup de restructurations, fusions, fermetures et délocalisations etc. On entend même maintenant le langage du privé envahir le secteur public. Tant que nous vivons dans ce système il nous faut faire avec sa réalité. Un autre aspect de cette réalité fait en sorte que de plus en plus de travailleurs à statut précaire ( à temps partiel, occasionnels, contractuels, au salaire minimum, ou travaillant pour des agences etc. ) et des travailleurs autonomes composent une grande partie de la main d’œuvre et plusieurs ont de la misère à joindre les deux bouts. Ces travailleurs souvent non syndiqués ne jouissent en majorité d’aucun des avantages des bons emplois cités plus haut, et il en est de même d’un nombre grandissant de retraités.

Cela m’amène à me demander si les organisations syndicales voient plus loin que le bout de leur nez en continuant souvent à penser et agir comme si nous étions encore dans les années florissantes 60-70 où les ressources semblaient inépuisables et la tarte à partager sans limite. Dans le contexte actuel est-ce qu’il ne faudrait pas revoir les salaires peut-être parfois trop élevés payés pour occuper certains postes ?

Est-ce qu’il ne faudrait pas revoir certains avantages sociaux ? Est-ce qu’il ne faudrait pas revoir certains régimes de retraite ? Est-ce qu’il ne faudrait pas penser à ceux embauchés plus récemment et plus jeunes qui ne bénéficient pas toujours des mêmes avantages que ceux qui partent à la retraite ? Est-ce qu’il ne faudrait pas penser à la capacité de payer qui n’est pas sans limite des contribuables et des consommateurs pour qui tout augmente sans cesse ? Est-ce qu’il ne faudrait pas que les travailleurs syndiqués posent plus souvent des gestes de solidarité vis à vis des plus démunis ? Que les 99% de la population s’unissent pour s’opposer au 1% qui accaparent la grosse part de la richesse c’est très bien, mais il faudrait peut-être qu’il y ait également un repartage de la tarte entre les 99%, ce qui est plus difficile à imaginer avec l’individualisme ambiant ? Si la gauche ne prend pas l’initiative, la droite va le faire et beaucoup plus brutalement et dans le seul intérêt des possédants.

Yves Chartrand

Mots-clés : Québec
Yves Chartrand

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Montréal

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