Pendant que la chambre de commerce et consorts s’évertuent à créer dans l’opinion publique un climat favorable à leur projet, on s’aperçoit que leur plan d’affaires repose sur une fausse prémisse. En effet, tout en affirmant que le projet serait viable financièrement à condition qu’il y ait un investissement public à cette hauteur, les promoteurs assurent du même souffle qu’il serait rentable. Si cette dernière prétention est exacte n’appartient-il pas alors au milieu des affaires de prouver qu’il est viable ? N’appartient-il pas aussi au privé de le financer à 100%, comme ce fut le cas pour le centre Bell (hockey » et le stade Saputo (soccer) surtout qu’il ne servirait qu’au baseball. En effet, il ne servirait d’enceinte à aucune activité de nature culturelle ou connexe contrairement à l’amphithéâtre multifonctionnel du maire Labeaume à Québec qui a été subventionné.
Voilà pourquoi ,en tant que citoyen payeur de taxes, je m’objecte à ce que que les élus me fassent participer, ne serait-ce qu’une infime partie, au remboursement d’une facture, estimée de façon très préliminaire à 335$ millions, concernant une aventure risquée dans le contexte actuel. Une aventure où des fonds publics financeraient en bonne partie un sport commercial qui sert de passe-temps lucratif aux multimillionnaires qui possèdent les clubs.
Compte tenu du piètre état des finances publiques, de l’immanence d’une hiérarchie des valeurs correcte et de la nécessité d’accorder enfin priorité à certains dossiers importants laissées en friche jusqu’ici, je ne peux me convaincre qu’il serait pertinent que l’État songe même à créer une nouvelle catégorie d’assistés sociaux de luxe alors que les véritables assistés sociaux sont traités chichement. Ce serait une bien drôle de façon de concevoir la justice sociale.
La priorité au Stade olympique
Dans ce domaine, le gouvernement doit accorder priorité à la remise en état, avant qu’il ne soit trop tard, de l’éléphant blanc qu’a été jusqu’ici le Stade olympique. Qu’on le veuille ou non, ce dernier fait maintenant partie de notre patrimoine national même s’il a été pénible d’assumer l’héritage des Jeux olympiques de 1976 criblés d’un déficit de près d’un milliard$ dû à l’incurie du maire Drapeau dans l’organisation et la surveillance des travaux de construction du Parc olympique. (On a un souvenir cuisant de la fameuse taxe olympique qui nous a affligés pendant 30 ans). Depuis, le Stade olympique est quand même devenu le principal icône touristique symbolisant Montréal à l’étranger grâce surtout à son impressionnante tour inclinée de 165 mètres, la plus haute au monde.
C’est pourquoi la possibilité de démolir purement et simplement les installations olympiques, comme l’envisageait encore récemment le quotidien The Gazette, ne constituerait pas seulement une provocation iconoclaste, mais un acte relevant de la pire barbarie politico-sociale qui soit. Il aurait de cruciales retombées négatives entachant la crédibilité du Québec et de Montréal qui deviendraient ainsi la risée du monde entier. Une telle perspective nous apparait impensable. Il faut déplorer qu’on le souhaite tout de même encore aujourd’hui dans certains quartiers du WestIsland où une poignée de « rednecks » s’opposent à ce que des installations publiques importantes soient situées dans des quartiers francophones.
Par ailleurs, un comité d’étude sur l’avenir du Parc olympique, présidé par Lise Bissonnette, a fait, il y a quelques mois, des propositions sérieuses mises au point suite à une large consultation à laquelle ont participé quelque 4 000 personnes et organismes. Ce document estime notamment à près de 300$ millions l’installation sur le stade d’une nouvelle toiture, possiblement ouvrante, pour que les installations puissent remplir leur mission. Il s’agit de toute façon d’une urgence compte tenu de la condition du toit actuel qui perce de partout. Ne serait-ce pas là un investissement plus responsable aux yeux des contribuables québécois que verser une partie des 335$ millions que les promoteurs du stade de baseball de Montréal demandent aux gouvernements d’accorder à leur projet en tant que bailleurs de fonds au lieu de s’en tenir à leur rôle habituel d’accompagnateurs ?
Je suis en faveur du retour du baseball majeur à Montréal. Il m’arrive de m’ennuyer encore des Expos que nous allions souvent voir jouer en famille perchés dans les « bleachers ». Quels beaux souvenirs ! Mais cette opération ne doit pas s’effectuer aux dépens des contribuables québécois.
Montréal, le 15 décembre 2013