La nature de la consultation du gouvernement Legault sur le PECC
Le ministre Benoit Charette a annoncé le 18 juin dernier une démarche visant l’élaboration d’un plan d’électrification et de changements climatiques et la mise sur pied de cinq groupes de travail composés d’expert-e-s, de jeunes et de représentants de la société civile. Les groupes mis sur pied par le ministre sont : un groupe de travail sur l’électrification, un groupe de travail sur l’aménagement du territoire, un groupe de travail sur les bioénergies, un groupe de travail sur le financement et un groupe de travail de la jeunesse. Ce plan devrait s’inscrire dans la volonté du gouvernement de réduire ses émissions de GES de 37,5 % d’ici 2030 sous les niveaux de 1990.[Voir le communiqué du 18 juin 2018 – Élaboration du prochain plan d’électrification et de changements climatiques] Dans une intervention devant les experts des cinq groupes le 21 juin dernier, il a annoncé une possible consultation publique en ligne. (Voir la vidéo de l’intervention du ministe Benoit Charette - Député de Deux-Montagnes devant les groupes de travail issus de la société civile pour l’élaboration du Plan d’électrification et de changements climatiques 2020-2030.)- https://www.facebook.com/MELCCQuebec/videos/1932488410185088/?comment_tracking=%7B%22tn%22%3A%22O%22%7D
Dans un communiqué du 7 août 2019, le ministre de l’Environnement annonce que Quatre ministres feront une tournée spéciale ayant pour thème la lutte contre les changements climatiques et la prospérité économique.]] le gouvernement annonçait que quatre ministres feraient une tournée spéciale pour la lutte contre les changements climatiques et la prospérité économique du 27 août au 15 octobre 2019. L’exercice d’élaboration du plan sera complété, à la fin août, par une consultation du public sous la forme du dépôt de mémoires au cours de laquelle tous pourront faire part de leur vision et de leurs commentaires en vue de l’élaboration du PECC. Viendront s’ajouter à cette tournée, en novembre prochain, les recommandations des cinq groupes de travail réunissant 75 experts et représentants d’organisations à l’oeuvre depuis juin.
Ce communiqué souligne le fait que le gouvernement travaillera en partenariat avec la Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ) [1] et le Regroupement national des conseils régionaux de l’environnement du Québec (RNCREQ) [2] à identifier les entreprises leaders et les initiatives régionales porteuses en matière d’électrification, d’innovation et de lutte aux changements climatiques. À chaque étape une vingtaine d’acteurs régionaux seront rencontrés dans le cadre d’une demi-journée de travail. L’intention est de conjuguer la lutte aux changements climatiques et la croissance économique tout au long de cette tournée.
Tout ce processus se terminera par le dévoilement du plan au début de 2020. Le PECC va couvrir la période 2020-2030.
Quelle est la logique qui sous-tend cette consultation ?
Le ministre de l’Environnement est très clair, il inscrit son plan dans la perspective d’une croissance verte au service d’une économie plus concurrentielle. Ce qui est nouveau, c’est une volonté affichée de décarboner la production d’énergie, de verdir la croissance par le recours à la technique. C’est l’alliance de technologies vertes et des investissements des entrepreneurs de différentes régions qui est censée permettre la lutte aux changements climatiques. La citation du ministre de l’Environnement dans le communiqué gouvernemental du 7 août est particulièrement éloquente à cet égard. « Nous allons prendre le pouls des régions, leur demander ce qu’elles font, les défis qu’elles ont, recueillir leurs suggestions et nous inspirer de leur succès. Nous voulons aller à la rencontre des leaders régionaux pour déterminer ce que nous pouvons faire, collectivement, pour réduire les émissions de GES et nous prémunir contre les impacts des changements climatiques, tout en profitant des occasions d’affaires qui en découleront pour le Québec. »
La démarche place les entrepreneurs au centre des personnes à consulter. On compte sur les investissements des entreprises privées qu’on se dit prêt à soutenir et à accompagner par des baisses d’impôt. La réglementation deviendrait une autoréglementation. Il s’agirait de compter sur les mécanismes du marché et le signal des prix, la bourse du carbone –et à des incitatifs à la transformation vers les technologies vertes. [3]. C’est la logique de l’économie verte (ou capitalisme vert) que le gouvernement Legault veut imposer comme la colonne vertébrale du plan de lutte contre les changements climatiques pour la décennie si cruciale 2020-2030.
Qu’est-ce qui est mis de côté dans cette consultation ?
Le GIEC parle de la nécessité de réduire les GES de 50 % d’ici 2030. Le ministre reprend à son compte l’objectif établi par le gouvernement Couillard. Il ne donne aucune explication sur ce fait.
Des projets très polluants sont envisagés comme le gazoduc de GNL Québec qui doit traverser le nord du Québec et déboucher sur une usine de liquéfaction et la construction d’un port pour exporter ce gaz liquéfié sur les marchés internationaux. Le premier ministre a apporté son soutien à ce projet qui ne semble pas être objet de la consultation pour le futur plan d’électrification.
La croissance de l’économie québécoise et la volonté de rayonner sur les marchés internationaux ne sont pas questionnées alors que l’on sait très bien les stratégies de transition ne peuvent se fonder sur l’hypothèse d’une croissance continue de production de marchandises et des consommations d’énergies. La réduction de la croissance qui tient compte du caractère limité des ressources de la planète ne semble pas prise en compte par la démarche.
Les accords de libre-échange comme l’ALENA et le CETA qui imposent une déréglementation afin de marchandiser et de privatiser ce qui échappe aux multinationales qui ont le pouvoir de contester les mesures environnementales d’un gouvernement sont passés sous silence alors que l’on a vu qu’ils sont des entraves importantes à la lutte aux changements climatiques.
La séquestration du carbone compte parmi les hypothèses soumises par le coordonnateur des groupes mis en place par le gouvernement [4]
Hydro-Québec n’est pas placé au centre du processus d’électrification et le financement est laissé aux initiatives du secteur financier qui est déjà fort impliqué dans les investissements dans les énergies fossiles dont le gouvernement ne semble pas vouloir exiger le retrait. [5]
Mais ce qui est mis de côté, au niveau démocratique, c’est l’ensemble des organisations de masse de la société civile : organisations syndicales, étudiantes, féministes, populaires et environnementales et plus largement les citoyen-ne-s qui seront tous et toutes soumis aux conséquences de cette crise et qui devront se mobiliser pour y faire face. Et ce n’est pas une simple consultation en ligne qui peut répondre à cet impératif.
Construire une convergence citoyenne pour un plan populaire de luttes aux changements climatiques
Au début de 2020, le gouvernement Legault aura fait son lit. Il déposera son Plan d’électrification et de changements climatiques pour les dix prochaines années, après une consultation limitée et orientée principalement vers les dirigeants d’entreprises. Si tout au long de la consultation gouvernementale, il est essentiel pour le mouvement de présenter ces principales revendications à la population, pour répondre à cette situation, il faut s’entendre pour démontrer largement qu’une véritable lutte aux changements climatiques passera d’abord par la mobilisation des organisations syndicales, populaires, féministes, jeunes, environnementalistes et citoyennes, car la transformation sociale d’envergure qui nous amènera à rompre avec l’économie construire autour des énergies fossiles nécessitera l’action de masse de la majorité populaire.
Il est donc nécessaire, pour le mouvement d’urgence climatique de définir son plan et son action de façon autonome (tout en demande aux scientifiques et des experts d’apporter leurs nécessaires conseils) et démocratique seule façon de s’unifier et s’élargir. Cela peut et doit passer par la convergence des luttes sociales – syndicales féministes, paysannes, antiracistes, décoloniales et autochtones. Cela doit passer également par la délibération démocratique que pourrait permettre la tenue d’États généraux se fixant l’objectif de définir un réel plan de transition partagé et un plan de mobilisation commun.
Ce sont ces plans tirés d’une véritable démarche démocratique et de masse que le mouvement doit construire dans ses délibérations. Et ce défi exige de ne pas se laisser leurrer par la rhétorique verte avec laquelle le gouvernement Legault cherche à jeter de la poudre aux yeux !
Cette démarche du gouvernement Legault relève d’une vaste manoeuvre visant à se donner un côté vert. Elle oblige une prise de position claire de la toute la gauche sociale, politique et environnementale à cet égard.
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