Édition du 5 novembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Syndicalisme

Un (nouveau ) pacte (fiscal ) d'agression : "Reprenez au suivant".

Le ministre Moreau annonce un nouveau pacte fiscal entre son gouvernement et les municipalités au Québec qui reste à être défini dans ses détails mais la pierre angulaire est certes la récurrence annuelle de la ponction de $300M pour les 4 prochaines années.

Une coupure donc de $1,2B annoncée et les victimes de ce plan applaudissent en choeur !? Ce qui a fait dire à Alain Dubuc de La Presse dans son édition du 28 septembre : "avez -vous vu ça souvent, des gens ou des organismes qui apprennent que le gouvernement québécois va leur serrer la vis au nom de l’austérité et qui acceptent le sacrifice qu’on leur demande avec un grand sourire ?". Il ne dit pas de quel sacrifice il en va pour ces élus, s’ils refilent en fait à d’autres cette imposition. "Reprenez au suivant" ! S’agit-il d’un pacte entre deux parties pour en attaquer une troisième ? Nous y reviendrons.

On en connaît guère plus à propos de la structure financière de ce pacte qui se veut fiscal si ce n’est que ce qu’en a dit un préfet de MRC de la Montérégie. Le préfet Lalonde de la MRC Vaudreuil-Soulanges nous dit encore : "...nous ne reverrons pas les $300millions de la TVQ, mais nous faisons des gains importants. Les redevances sur les richesses naturelles nous feront gagner 60 millions sur les 4 ans du pacte. ...Il y a d’autres avantages bénéfiques."... Vraiment ? Et qui valent le milliard qui vient de leur être coupé ? Oui, dit - il, et de continuer : "...nous aurons l’autonomie. ". Ça vaut son pesant d’or. Ce sont des propos qui ont été repris par une litanie de maires, Coderre, Labeaume, etc...On les entend dire qu’ils seront autonomes du gouvernement parce qu’ils espèrent obtenir un droit de décréter les conditions de travail des employés de leur ville respective et qu’il seront libérés du même coup de la tyrannie des juges (arbitres). "Laissez les élus décider" ont-ils souvent clamé. Raisonnement vicié car dans une négociation deux parties doivent décider, pas une seule.

Ce pacte, dont tous les détails ne sont pas encore dévoilés, est signé ce mardi 29 septembre dans le Salon Rouge de l’Assemblée Nationale. Il faut faire vite. Comme un prestidigitateur qui attire notre attention sur l’une de ses mains alors qu’il manoeuvre de l’autre, ce gouvernement sachant que l’attention publique est surtout dirigée vers Ottawa pour cause de campagne électorale et que celle des syndicats du secteur municipal est encore rivée sur leurs négociations en vertu de la loi 15 que Couillard leur a imposée dans le coup de force des régimes de retraite (des négociations doivent être conduites et complétées d’ici février 2016) frappe vite et fort. Fort ? Beaucoup de journalistes ont utilisé le mot "révolution " pour décrire la manoeuvre. Francis Vailles de La Presse a dit que c’est une "révolution qui "cassera" les salaires municipaux." Il y a aussi que l’attention sera à nouveau tournée sur ce secteur peu avant Noël avec la publication du rapport de la Commission Charbonneau. Qui sait où cela nous mènera. Fort et vite, frapper maintenant. Couillard, Moreau, Leitao, Coîteux et Cie le couteau entre les dents.

On nous casse les oreilles sur la différence de salaire entre les travailleurs du secteur municipal et ceux du reste du réseau public. Pourtant la situation comparable aux salaires, par exemple, dans les villes de Québec et de Montréal se trouve non pas dans le secteur public québécois (qui a d’ailleurs subi plusieurs décrets dans la dernière génération) mais dans d’autres villes du Canada qui sont sinon équivalentes du moins comparables, telles Toronto, Vancouver et Calgary. Vous constaterez d’ailleurs un différentiel mesurable entre les salaires des employés de ces villes citées et les autres travailleurs du secteur public provincial. Pour le dire autrement, il existe un différentiel de même proportion entre les cols bleus de Toronto et les employés du gouvernement ontarien qu’il existe ici. C’est le cas aussi à Vancouver, à Calgary, etc...On nous présente ce différentiel comme si c’était une anomalie spécifiquement québécoise. L’anomalie en fait réside en ce que les gouvernements provinciaux ont réussi au cours des 25 dernières années à contourner et à limiter le droit de négociation de leurs salariés en recourant à l’arme législative. Ce que veulent nos maires. C’est pourquoi ils parlent de partenariat avec ce gouvernement. Labeaume qui n’a cessé de réclamer un droit de lock out pour lui, n’a jamais compris qu’avec l’existence de l’obligation de prodiguer des services essentiels pour les syndiqués en temps de grève cela entraînerait le même test pour lui et qu’au final il serait dans le même pétrin.

DE L’AUTRE CÔTÉ DE LA CLÔTURE

La réaction spontanée des syndicats ne s’est, bien sûr, pas fait attendre. On entendait tonner la semaine dernière le président de la CSN, Jacques Létourneau, qui déclarait que "ça allait brasser ", ou encore le président de la FTQ, Daniel Boyer, nous dire que "ça décrissait le Code du travail.". M. Francoeur, de la Fraternité des policiers de Montréal, lançait à l’émission du matin de Gravel que ça s’en prenait à la libre négociation. L’animateur Gravel lui a demandé s’il allait continuer à porter le pantalon Badaboum, ce à quoi le policier lui a lancé qu’il s’agissait du seul moyen légal et efficace qu’il leur restait. "Brasser " ne veut pas dire mobiliser. On attendait de "grands dérangements" jamais venus l’an dernier. Le policier Francoeur nous avoue son impuissance, sinon son désarroi. La population veut autre chose que du brassage et du pantalon Badaboum pour être convaincue.

Il y avait de grandes attentes lorsque les employés du secteur municipal se sont soulevés contre Couillard. Si la mobilisation avait été élargie à la défense et à l’amélioration des régimes de retraite tant du secteur municipal que pour l’ensemble de la population du Québec, notamment en prônant l’amélioration du RRQ qui était l’orientation favorisée par la majorité des membres, nous n’en serions pas là. L’amélioration du RRQ aurait fait coup double. Il aurait été bénéfique pour tous et aurait, du coup, enlevé la pression sur les régimes municipaux en réduisant considérablement les passifs actuariels qui étaient invoqués par les maires pour justifier leurs attaques. Des dirigeants syndicaux mal avisés ont choisi la voie corporatiste se disant incapables de "payer pour une mobilisation visant à améliorer le régime des autres.".

La lutte à l’austérité libérale était lancée et la possibilité de se coaliser aurait décuplé les forces. De plus, les travailleurs du secteur public espérait un effet levier pour leur mobilisation. Les syndiqués du secteur municipal pouvait être ce fer de lance. La déroute syndicale a certainement refroidi les ardeurs tant des autres syndiqués que des secteurs de la population qui se levait et se mettait en marche contre l’austérité à la Couillard. La bonne nouvelle est la suivante, c’est que l’été n’était pas encore terminé que cette vague de mobilisation constatée ailleurs dans la société ne s’était pas dissipée. Elle s’est regroupée et se manifeste de plus belle. À défaut d’être à la tête du train il n’est pas trop tard pour en faire encore partie.

"Brasser" ne veut pas dire "mobiliser" je disais plus tôt, il faut mobiliser les membres, faire appel à la solidarité et à la participation aux actions des autres. Ainsi il faudrait participer et s’investir massivement dans les actions des travailleurs du secteur public. Tous et toutes à la manifestation du samedi 3 octobre pour commencer. Il y a des parents dont les travailleurs font partie qui se mobilisent contre l’austérité en éducation. Ce pacte a été annoncé et signé entre deux parties visant surtout la négociation, non pas entre elles deux mais avec les travailleursEs. Il est signé mais il n’existe pas encore pour autant. Le parcours sera parsemé d’embûches notamment juridiques pour ce gouvernement et ces maires, mais ne laissons pas la lutte, la résistance et la mobilisation en sous - traitante au juridisme car le mal sera fait. Il n’est pas trop tard.

Claude Généreux

Maintenant retraité, il a été secrétaire-trésorier national du Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP).Il a aussi présidé et dirigé un régime et une Caisse de retraite pendant plus de 10 ans.

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