Édition du 29 octobre 2024

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Israël - Palestine

Un homme d’affaires israélo-américain présente son plan à 200 millions de dollars pour déployer des mercenaires dans la bande de Gaza

Moti Kahana affirme être en discussion avec le gouvernement israélien sur la possibilité de créer un programme pilote de « communautés fermées » contrôlées par des forces de sécurité privées américaines.

Tiré d’Agence médias Palestine.

Le gouvernement israélien est en train d’étudier activement un plan visant à déployer des agent-es de sociétés américaines privées de logistique et de sécurité dans la bande de Gaza sous les auspices de l’acheminement de l’aide humanitaire, ont rapporté les médias israéliens. Le cabinet de sécurité israélien s’est réuni dimanche soir pour discuter de la proposition et devrait approuver un programme « pilote » pour commencer à effectuer des essais dans les deux prochains mois, selon ces médias. Le Premier ministre Benjamin Netanyahou a « accepté d’examiner » le plan la semaine dernière, indique le journal Haaretz.

Les médias décrivent ce projet comme le fruit de la réflexion de l’homme d’affaires israélo-américain Mordechai « Moti » Kahana, PDG de Global Delivery Company (GDC), qui décrit son entreprise à but lucratif comme « Uber pour les zones de guerre ». M. Kahana, partisan passionné de Joe Biden et de Kamala Harris, a passé l’année dernière à essayer de trouver un rôle pour son entreprise dans la guerre d’Israël contre Gaza.

L’un des objectifs de Kahana est de créer une « communauté fermée » à Gaza où les Palestinien-nes seraient soumi-ses à des contrôles biométriques afin de recevoir l’aide humanitaire. Depuis des mois, il est question en Israël de créer des « bulles humanitaires » dans le nord de la bande de Gaza où l’aide pourrait être distribuée après que les forces israéliennes aient décrété l’élimination des combattants du Hamas dans ces zones. Le ministre de la défense, Yoav Gallant, a défendu cette idée. Des rumeurs circulent en Israël sur la façon dont cela pourrait être réalisé et sur les acteurs qui pourraient diriger les opérations.

« GDC et son sous-traitant ont eu des discussions approfondies avec le gouvernement israélien, y compris le ministère de la défense, les forces de défense israéliennes et le bureau du premier ministre, sur les modalités de cette initiative », a déclaré GDC dans un communiqué lundi. La société a affirmé qu’une « sécurité privée bien formée est le seul moyen réaliste “ d’acheminer l’aide à Gaza ” tant que les nations ne seront pas disposées à envoyer leurs troupes sur le terrain à Gaza et que les forces de maintien de la paix de l’ONU seront perçues comme inefficaces ». Elle ajoute : « Le personnel travaillant pour notre sous-traitant en matière de sécurité est formé et équipé pour les méthodes létales et non létales de contrôle des foules. Elles et ils sont formé-es pour n’utiliser la force meurtrière qu’en dernier recours, si leur vie est en danger. Les forces de l’IDF, en revanche, sont des troupes de combat qui n’ont ni la formation, ni l’équipement, ni la discipline nécessaires pour éviter le recours à la force meurtrière, sauf en cas d’absolue nécessité. L’utilisation de soldat-es de combat pour cette mission entraînera presque à coup sûr des pertes civiles ».

La proposition pilote de la GDC comprend un plan de partenariat avec Constellis, successeur et société mère de l’ancienne Blackwater, la tristement célèbre société de mercenaires fondée par Erik Prince. Constellis affirme n’avoir aucun lien avec Prince. La société opère en Israël dans le cadre d’un contrat du Pentagone visant à assurer la sécurité du personnel américain travaillant dans une installation radar discrète située dans le désert du Néguev, à une trentaine de kilomètres de Gaza. Le site a été créé pour donner l’alerte en cas d’attaque de missiles balistiques iraniens. Parmi les filiales de Constellis figure la société de mercenaires Triple Canopy, qui travaille depuis longtemps pour le gouvernement américain et des entreprises privées dans des zones de guerre et de conflit à travers le monde. Constellis n’a pas répondu à une demande de commentaire.

Si les médias israéliens ont présenté M. Kahana comme étant à l’origine de la proposition d’une force de sécurité privée chargée d’acheminer l’aide à Gaza, il n’est pas certain que le gouvernement israélien prenne réellement en considération son offre spécifique ou qu’il étudie d’autres fournisseurs de services de sécurité privés. Une société de sécurité privée américaine aurait besoin de l’approbation du département d’État pour offrir des services armés à une entité étrangère ou au gouvernement israélien. Dans sa déclaration de lundi, GDC a indiqué qu’elle prévoyait d’assurer le suivi auprès du gouvernement israélien et qu’elle « chercherait à rencontrer le gouvernement des États-Unis, les Nations unies et les organisations humanitaires actives à Gaza ».

L’avalanche de rapports médiatiques indiquant que le gouvernement israélien est de plus en plus impliqué dans la logistique de la distribution de l’aide humanitaire survient à un moment où la politique israélienne sur le terrain manifeste sa volonté inébranlable de mener une guerre d’extermination contre les Palestiniens de Gaza. Toute la discussion sur les plans « du jour d’après » pour Gaza et les rumeurs et rapports sur les propositions de sécurité privée pourraient n’être qu’un écran de fumée. Qu’Israël envisage sérieusement de déployer des forces privées ou non, il a clairement indiqué qu’il avait l’intention de rester à Gaza indéfiniment et qu’il n’envisageait pas de mettre fin à ses opérations génocidaires.

« Uber pour les zones de guerre »

Kahana publie fréquemment des messages sur Twitter (X), développant sa vision d’une opération « humanitaire “ à Gaza dans laquelle l’éligibilité à l’aide humanitaire est conditionnée à la soumission à des tests biométriques visant à déterminer si l’on est un ” terroriste « . « Les terroristes recevront une balle », a-t-il promis dans un tweet. En réponse aux questions de Drop Site News, M. Kahana a ajouté qu’il s’agirait d’une ville « similaire à Miami sans terrain de golf ni piscine ». « Ce ne sera pas un ghetto, écrit-il, ils pourront y entrer et en sortir à tout moment, mais l’objectif sera de créer des communautés sûres et sécurisées avec des dirigeant-es et un gouvernement palestiniens locaux. Le GDC et la compagnie ne feraient qu’« assurer la sécurité ».

Le GDC compte parmi ses employé-es Stuart Seldowitz, le fonctionnaire en disgrâce de l’administration Obama qui a été accusé de crime haineux après avoir harcelé un vendeur de chariots de nourriture halal. M. Kahana a déclaré que M. Seldowitz était son « consultant principal en diplomatie humanitaire ». Le GDC aurait coupé les ponts avec M. Seldowitz peu après l’incident, mais M. Kahana s’est dit ouvert à ce que M. Seldowitz travaille avec le GDC à Gaza. » Il reste un ami », a déclaré Kahana à Drop Site. » Il a aidé le GDC à sauver plus de 5 000 musulman-es en Afghanistan, et il est le bienvenu pour faire la même chose à Gaza avec nous ». M. Kahana a lui-même fait des déclarations incendiaires, qualifiant la représentante américaine Rashida Tlaib d’« ambassadrice désignée du Hamas aux États-Unis » et le système de tunnels souterrains utilisé par les Brigades Al-Qassam à Gaza de « système du rat ».

Le GDC emploie actuellement plusieurs anciens officiers israéliens de haut rang – le général de brigade (res.) Yossi Kuperwasser, membre du Think Tank extrémiste « HaBitchonistim » qui conseille Netanyahou depuis le début du génocide, et le lieutenant-colonel Doron Avital, ainsi que l’ancien chef des services de renseignement David Tzur. L’équipe du GDC comprend également le colonel Justin Sapp, béret vert (forces spéciales de l’US Army, ndlt) récemment retraité, consultant pour Constellis et vétéran des opérations paramilitaires secrètes de la CIA en Afghanistan après les attentats du 11 septembre 2001. Son directeur logistique est l’ancien officier de la marine américaine Michael Durnan.

Lundi, M. Kahana a tweeté que le GDC lancerait son projet à Gaza dès qu’il en recevrait l’autorisation et a ajouté que « notre chef d’équipe qui dirigera le [projet] à Gaza a conquis [Mazar-i-Sharif] en Afghanistan après le 11 septembre ». Dans un entretien ultérieur avec YNet, Kahana a déclaré qu’il parlait de Sapp, l’ancien Béret vert.

Kahana se vante que sa société a opéré pendant 14 ans dans cinq guerres : Afghanistan, Syrie, Irak, Ukraine et Gaza. » Notre slogan est “Nous livrons” », a-t-il écrit sur X en mars. GDC, une entreprise à but lucratif qui opère depuis au moins 2019, est née de l’ancienne organisation à but non lucratif de Kahana, basée à New York et appelée Amaliah. « Mon entreprise est comme un Uber/UPS en zone de guerre, pour les personnes et les marchandises », a déclaré Kahana en juillet 2023. » Je peux être ici dans ma ferme [dans le New Jersey] et diriger une opération au Moyen-Orient ».

Constellis figure comme partenaire officiel sur le site de GDC et GDC et Constellis ont travaillé ensemble en Ukraine, selon The Jewish Chronicle et confirmé par Kahana à Drop Site News. Tandis que GDC transportait de l’huile de tournesol et du diesel dans le pays, Constellis fournissait des services de sécurité. Constellis est l’une des plus grandes sociétés de sécurité privée au monde. Elle affirme avoir opéré dans plus de 50 pays et possède plusieurs divisions et filiales. En 2022, sa filiale Triple Canopy a remporté un contrat de 10 ans pour assurer la sécurité de l’ambassade américaine en Irak, d’une valeur estimée à 1,3 milliard de dollars. Elle possède également Olive Group, une société britannique de sécurité privée et de formation.

Dans un récent tweet, M. Kahana a partagé une capture d’écran d’une présentation datée du 30 mai décrivant le projet pilote proposé, qui devait à l’époque commencer en juillet et se concentrer sur Beit Hanoun. Constellis est cité comme partenaire. Le journaliste de Haaretz Amos Harel, sans nommer Constellis, a déclaré dans une récente interview en podcast que la société à laquelle Israël envisageait de confier le projet « avait apparemment travaillé avec les Américains en Irak ». Kahana a décrit la force de sécurité avec laquelle il travaillerait comme étant « composée d’anciens combattants, de vétérans d’unités d’élite des États-Unis, d’Angleterre et de France. Leur dénominateur commun est qu’ils ne sont pas juifs ».

Kahana a essayé d’attirer l’attention du gouvernement israélien dès octobre 2023, en présentant un projet qui consistait à utiliser l’aide humanitaire comme levier pour obtenir la libération d’otages israéliens. À l’époque, son plan a été rejeté par le gouvernement israélien, qui l’a qualifié de « [ressemblant] à de la propagande du Hamas résultant de la pression qu’il subit ».

En novembre 2023, Kahana a plaisanté sur le nettoyage ethnique de Gaza et le transfert de sa population en Jordanie, et a comparé les manifestant-es contre le génocide aux États-Unis aux « souris dans les tunnels de Gaza ». Se référant aux images d’un enfant palestinien arrivé à l’hôpital Al-Shifa après avoir survécu à une attaque israélienne, couvert de poussière et de sang et tremblant de façon incontrôlable, il a écrit : « Pas d’inquiétude. Nous allons le libérer du Hamas ».

En mars, NBC News a rapporté que le gouvernement israélien envisageait de confier à un prestataire privé américain l’escorte des camions d’aide, déclarant que des responsables israélien-nes avaient « déjà approché plusieurs sociétés de sécurité, mais n’ont pas voulu préciser lesquelles ». M. Kahana a publié un lien vers l’article sur son profil Facebook, accompagné d’un commentaire : « Le GDC n’est pas payé par le contribuable israélien. » Dans la récente interview accordée à Ynet, M. Kahana a affirmé que les États-Unis financeraient le projet à hauteur de 200 millions de dollars pour six mois d’activité.

Après l’assassinat de sept travailleur-euses de la World Central Kitchen lors de frappes aériennes successives de l’armée israélienne en avril, M. Kahana s’est plaint que son plan visant à établir ce qu’il décrit comme un corridor sécurisé vers Gaza n’était pas mis en œuvre. « Israël a mis ce plan sur la table depuis plus de deux mois. Nous avons eu plusieurs réunions au plus haut niveau pour présenter le plan et passer en revue les idées. L’armée était favorable à ce projet et nous attendions le feu vert, mais lorsque nous avons demandé si nous pouvions aller de l’avant, le bureau du Premier ministre a demandé : « Quelle urgence ? » M. Kahana a affirmé que sa proposition « a été présentée à de hauts responsables de la Maison Blanche, du département d’État et du département de la défense. Nous n’avons pas reçu de réponse à notre demande de réunion pour discuter et expliquer le plan ».

En mai, les médias ont indiqué que le gouvernement israélien était en pourparlers avec une société de sécurité privée américaine, qui emploierait d’ancien-nes soldat-es d’unités militaires d’élite, dans le but de lui confier la responsabilité de la gestion du point de passage de Rafah. Kahana a publié le rapport sur son compte Facebook personnel, en écrivant : « Pas de commentaires ». Quelques jours plus tard, il a fait suivre cette publication d’une annonce : » Je suis enfin en mesure de partager que je fournirai de l’aide humanitaire aux civils de #Gaza. Après 14 ans et 5 guerres, je suis maintenant dans ma patrie. Ma société a été autorisée à fournir des services logistiques à Gaza. Hamas, sachez qu’aucune de nos fournitures ne sera volée par vous ! C’est mon premier et dernier avertissement. »

En août, l’idée que l’armée israélienne confie l’occupation de Gaza à des sociétés privées américaines a de nouveau été évoquée, cette fois en relation avec le corridor de Netzarim, qui coupe la bande de Gaza en deux. La société GDC a été désignée comme l’entreprise que le gouvernement israélien envisageait de retenir pour ce travail. Sur sa page Facebook, M. Kahana a proclamé : » Nous sommes sur la voie vers le corridor de Netzarim ».

Au lendemain du 11 septembre, le gouvernement américain a considérablement élargi son recours aux sociétés de sécurité privées dans le cadre de ses guerres en Irak et en Afghanistan. Souvent présentées comme engagées dans des opérations humanitaires, les sociétés de sécurité privées offrent des services de mercenaires à la fois aux gouvernements et au secteur privé. Les États-Unis les ont utilisées dans le cadre d’opérations de la CIA et d’opérations militaires, ainsi que pour assurer la garde de diplomates et de dignitaires américain-es et étranger-es.

Blackwater est entrée en Irak en 2003 pour surveiller les convois humanitaires et assurer la sécurité des entreprises. La société a ensuite été engagée pour assurer la garde de hauts responsables de l’occupation américaine. En septembre 2007, des agent-es de Blackwater ont abattu 17 civils irakiens sur la place Nisour à Bagdad, un massacre qui a attiré l’attention de l’opinion publique mondiale sur le monde secret et en plein essor des contrats militaires privés. Les forces privées ne sont pas soumises au système judiciaire militaire et ne relèvent pas de la chaîne de commandement militaire.

L’argumentaire d’Israël en faveur de l’utilisation de prestataires privés à Gaza consisterait en partie à soutenir qu’ils ne constituent pas une force d’occupation israélienne officielle. Cela offre également à Israël la possibilité d’utiliser des soldat-es retraités des États-Unis et d’autres pays pour exécuter ses ordres à Gaza.

M. Kahana a également affirmé avoir été « impliqué “ dans un projet élaboré par Erik Prince au début de la guerre de Gaza pour aider les FDI à inonder les tunnels souterrains de Gaza avec de l’eau de mer, ce qui, selon les scientifiques, aurait rendu la bande de Gaza ” invivable pendant une période pouvant aller jusqu’à 100 ans ». Prince « m’a demandé de parler aux Israélien-nes de la situation des tunnels et de son idée », a déclaré Kahana à Drop Site, « mais les Israélien-nes n’avaient aucun intérêt à le faire. « 

Kahana a qualifié à plusieurs reprises Prince de « bon ami » et a déclaré que « nous partageons certainement les mêmes points de vue en matière de sécurité et notre [amour] pour [drapeaux israélien et américain] ». En ce qui concerne la politique américaine, cependant, Prince est un proche allié de Donald Trump, tandis que Kahana a exprimé ouvertement son enthousiasme pour la candidature de Kamala Harris à la présidence. « Il est grand temps qu’une femme dirige le monde », a-t-il écrit dans un message publié sur Facebook en juillet, accompagné d’une photo de Mme Harris. « Politiquement, nous sommes à 180, je suis démocrate », a déclaré Kahana à Drop Site. Mais, a-t-il ajouté, « j’ai acheté 9 vaches à la femme [de Prince] ».

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Traduction : JB pour l’Agence Média Palestine

Source : Dropsitenews

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