Édition du 17 décembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Politique d’austérité

Un beau dimanche sur la Côte-Nord

Dimanche dernier, plus de 1300 personnes ont bravé la température dans les rues de Sept-Îles et de Port-Cartier. Les syndiqué-es du secteur public étaient au premier plan de cette mobilisation, mais dans cette région, l’opinion est plutôt sympathique à une cause qui dépasse de loin un secteur particulier.

Sur la table actuellement se trouve, en plus de toutes les mesures d’austérité qui frapperont la région, l’abolition de la prime de rétention de 8% dont bénéficient les travailleurs et les travailleuses du secteur public dans cette région. Cette revendication arrachée de haute lutte dans les années 1960 a permis à la population de compenser l’impact des coûts élevés de toute une série de biens et de services essentiels dans cette région éloignée. Cela faisait partie en fait d’une politique du développement du territoire qui incluait la mise en place de services de santé et d’éducation adéquats. Avant, la Côte-nord n’était pas une région où on allait « vivre », mais où on allait seulement travailler sur les chantiers, les mines et la forêt. C’était « logique » dans un système où le profit est la seule loi et où on se permet de « développer » ce qui est immédiatement rentable sans penser au reste, et surtout, sans penser aux gens. C’est ce capitalisme sauvage que les gens de la Côte-Nord ont commencé à dompter en 1972 avec l’occupation de la ville et par après par toute une série de batailles syndicales et populaires.

Aujourd’hui, le gouvernement Couillard et les potentats de l’économie veulent renvoyer la région 40 ans en arrière. La suppression de la prime aura deux effets majeurs. D’abord, elle sera un sérieux désincitatif pour les 3000 employé-s du secteur public, surtout les jeunes techniciens et professionnels qui sont en demande et qu’il faut attirer en région. Ce sont les écoles, cégeps et institutions de santé, entre autres, qui seront plus durement touchés. Ensuite, c’est un coup dur pour l’ensemble de l’économie régionale qui va perdre plus dix millions de dollars. C’est ce qui fait qu’autour des syndicats du secteur public, notamment de la CSN, de la FIIQ et du SCFP, une grande coalition s’est construite qui inclut notamment les municipalités. À noter que le maire de Sept-Iles, Réjean Porlier, a été jusqu’à son élection en 2013 président du Syndicat des techno­logues d’Hydro-Québec (SCFP). Réjean, en passant, a livré un beau témoignage sur sa région en général et sur les luttes syndicales en particulier (Confessions douces et amères d’un Hydro-Québécois, publié chez M Éditeur).

Pour les idéologues du gouvernement, l’avenir des régions, c’est de ne pas avoir un avenir, sinon quelques méga projets tournés vers l’extérieur pour exporter nos ressources, sans plus. Pour cela, on a n’a pas besoin d’une grande population, encore moins des familles, et donc pourquoi ne pas, comme c’était avant, revenir au système de « camps de travail » ? Pour le reste, les gens n’ont qu’à revenir « en ville », comme le dit le Conseil du patronat, l’Institut économique de Montréal et les ministres de « choc » de Couillard comme Martin Coiteux.

Mais tout cela ne passe pas comme une lettre à la poste. Sur la Côte-Nord, en Gaspésie, dans le Bas Saint-Laurent, dans le centre du Québec, à Laval, dans Lanaudière, en Abitibi, dans le Saguenay, des coalitions inédites se mettent en place sur le mot d’ordre « Ne touche pas à ma région ! ». La semaine dernière d’ailleurs, il y a eu de sérieuses mobilisations à Jonquière et à Rimouski pour « accueillir » Couillard et ses sbires. Cela s’en vient probablement à Gatineau, dans les Cantons de l’est et en Montérégie. C’est moins fort ailleurs où les médias-poubelles et une certaine droite agressive réussissent, pour le moment, à détourner l’attention vers les méchants intellectuels et écologistes.

Ce qui nous fait penser que la bataille des idées est loin d’être gagnée puisque, malgré l’évidence des politiques ultra néolibérales, il reste possible de faire dévier le débat sur des questions d’identité, de « terrorisme » et de profilage contre tout ce que la société québécoise compte de solidarité et de générosité. Le discours de la haine, ça marche, malheureusement, d’autant plus qu’il y a l’État fédéral pour le nourrir de toutes les manières.

En attendant, on continue…

Photo : lenord-cotier.com

Robert Deschambault

Militant CSN

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