L’urgence d’accueillir la compagnie suédoise chez nous était telle que, en plus de lui octroyer généreusement 7,3 milliards de fonds publics, il fallait renoncer à étudier sérieusement les impacts environnementaux et socioéconomiques que pourrait avoir son projet sur la région et sur tout le Québec. Malgré les demandes répétées des experts, des scientifiques et de la population, les responsables de la CAQ ont obstinément rejeté les nombreuses demandes de BAPE sur le projet Northvolt et, plus largement, sur la transition énergétique.
Mais voilà qu’au début juillet, on apprenait qu’en raison de difficultés financières, la compagnie Northvolt décidait de reporter son projet en sol québécois. La compagnie préfère dorénavant concentrer ses ressources sur son usine principale en Suède. Non seulement il n’y a plus d’urgence, mais le projet Northvolt au Québec est reporté aux calendes grecques ! Maintenant que le site écologique a été détruit et que des milliards de dollars ont été engagés, peut-on enfin conclure que nos gouvernements ont fait preuve de négligence ?
Une étude du projet par le BAPE aurait sans aucun doute permis de mettre en lumière le peu de viabilité économique de cette usine géante, compte tenu des difficultés financières que connait la compagnie suédoise et de la déconfiture que subit présentement la filière batteries enEurope. Maintenant que nous savons qu’il n’y a plus d’urgence, ne serait-il pas judicieux de prendre tout le temps nécessaire pour évaluer correctement les impacts du projet s’il venait un jour à se concrétiser ?
À chaque semaine qui passe, de nouvelles informations parviennent aux groupes citoyens qui surveillent le dossier Northvolt, notamment de la part d’experts indépendants comme le biologiste et spécialiste en écotoxicologie Daniel Green. Ces nouvelles n’ont rien pour nous rassurer. En effet, si l’usine de Northvolt venait à être construite, il faudrait impérativement aménager des bassins de décantation pour contenir les eaux usées toxiques résultant de ses procédés. Les risques de pollution des eaux souterraines et de la rivière Richelieu sont réels. Un déversement ou une infiltration porterait atteinte de manière irréparable à la qualité de l’eau dont dépendent 350 000 personnes, de même qu’à la biodiversité de la rivière. Le site contient actuellement de l’arsenic et du cadmium, et la présence éventuelle d’autres contaminants soulève de vives inquiétudes. On craint notamment la présence de cobalt, de nickel (les abeilles sont très sensibles au nickel et les pomiculteurs de la région ont besoin de ces pollinisateurs), de manganèse et de composés perfluorés (PFAS).
Selon d’autres informations, les saumures toxiques que dégagerait le site pourraient être transportées jusqu’au dépotoir de déchets dangereux de Stablex à Blainville.
Malheureusement, ou plutôt heureusement, une commission du BAPE s’est déjà prononcée négativement sur le projet d’agrandissement du dépotoir deStablex. Il a en effet été démontré qu’en plus de détruire un milieu écologique particulièrement important, la technologie utilisée par Stablex pour contenir les matières toxiques n’est pas fiable. Des fuites pourraient polluer l’eau de la tourbière de Blainville et s’écouler du bassin versant vers le fleuve Saint-Laurent. À noter que, même si les commissaires du BAPE ont jugé le projet de Stablex trop peu sécuritaire pour être autorisé, le gouvernement de la CAQ n’en a pas moins décidé de l’autoriser.
Nombreux sont les exemples au Québec de projets désastreux résultant de l’entêtement des gouvernements à ignorer les conclusions des évaluations environnementales, les avis d’experts et les questions légitimes des citoyens et citoyennes. Mentionnons les expropriations forcées (en pure perte) de l’aéroport de Mirabel ; la centrale au gaz de Bécancour, qui coûte chaque année 120 millions de dollars à Hydro-Québec pour rester inactive ; ou encore la cimenterie de Port-Daniel, qui s’est avérée un fiascoéconomique et environnemental. L’usine de composantes de batteries de Northvolt sera-t-elle le prochain trophée à mettre au bêtisier de nos décideurs ?
Maintenant que la construction de l’usine de Northvolt est suspendue pour une durée indéterminée, le gouvernement québécois n’a plus aucune raison de s’opposer à ce que toute la lumière soit faite sur ses éventuels impacts environnementaux et socioéconomiques. Un BAPE sur Northvolt est aussi pertinent et nécessaire aujourd’hui qu’il l’était avant le début des travaux. Tout comme l’est également un BAPE générique sur la transition énergétique. L’environnement et la transition énergétique sont l’affaire de tous, citoyens et citoyennes. Les problèmes découlant de la crise du vivant sont trop importants pour être laissés à l’improvisation de quelques joueurs.
Louise Morand, L’Assomption
*****
Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d’avoir accès aux articles publiés chaque semaine.
Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d’avoir accès à ces articles.
Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :
Un message, un commentaire ?